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Nouveau
pas de danse
Samar Al-Gamal
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Etats-Unis-Monde
arabe . Washington semble avoir mis le holà à sa campagne
pour amener les pays arabes à plus de démocratie, préférant
obtenir leur soutien pour ses desseins dans la région.
Ce n’est pas être plus royaliste
que le roi, mais c’est presque autant. « Si l’on s’arrête
pour faire le point, on constate une tendance générale à la réforme
politique, à une plus grande ouverture politique, à une
correspondance plus directe entre les aspirations, les espoirs et
les besoins du peuple et les actions des responsables élus ».
C’est ce qu’a déclaré Sean McCormak, le porte-parole du département
d’Etat américain à la veille du référendum sur les
amendements de la Constitution en Egypte. Des mots qui pouvaient
émaner du parti au pouvoir même ou de ses défenseurs les plus zélés.
Il faudrait vraiment aller chercher entre les lignes pour
retrouver une quelconque timide critique de l’Administration
Bush contre le déroulement de la démocratie dans le pays le plus
peuplé du monde arabe. C’est d’ailleurs à partir d’ici,
que les Américains espéraient créer l’effet domino dans la région.
Une sorte de démocratie contagieuse qui s’étendrait du Caire
à Bagdad.
Si officiellement Washington, et
par la voix du locataire de la Maison Blanche, continue à
affirmer sa volonté de poursuivre la stratégie de promotion de
la démocratie au Proche-Orient, il semble cependant que ces très
modernes cow-boys admettent l’idée de Shelley Berkly. Cette
Congress Woman, lors d’une session d’audience au Congrès en
mai dernier, sur l’aide américaine à l’Egypte, affirmait :
« Je commence à croire que la démocratie n’a aucune chance au
Proche-Orient aussi bien qu’un homme sur la lune ». Sa campagne
avec son collègue Tom Lantos, voulant rendre cette assistance,
qui depuis 1979 a atteint 25 milliards de dollars, tributaire
d’une réforme démocratique, semble avoir reçu une fin de
non-recevoir, même de la part de l’Administration américaine.
Car « les Etats-Unis ne peuvent pas dicter à l’Egypte comment
procéder », comme l’a précisé, de manière si significative,
Rice lors de son escale à Louqsor pour rencontrer ses homologues
du Quartette arabe. Un nouveau realpolitik américain, qui pousse
Mlle Condi à dresser un « tableau contrasté mais dans
l’ensemble positif », d’une Egypte vue « comme le fer de
lance régional de la démocratisation », écrit le département
d’Etat sur son site.
Mais de manière plus concrète,
pour les Américains, soutenir la démocratie, c’est soutenir
les Frères musulmans en Egypte, le Hamas en Palestine. «
Instaurer un modèle de démocratie même en Iraq est devenu plutôt
un modèle de tragédie. Là où ils interviennent, le résultat
est soit la montée des islamistes, soit le chaos destructif »,
explique le politologue Wahid Abdel-Méguid. D’après lui, l’échec
politique et sécuritaire en Iraq a poussé Washington à remettre
à sine die ses projets proche-orientaux, même si sa volonté
d’hégémonie sur la région reste inchangée. L’ordre des
priorités est juste remanié. Preuve en est sa réaction trop
mitigée face au changement démocratique en Mauritanie, le
premier dans un pays arabe. « Cette réussite pleine de promesses
fait de la Mauritanie un modèle démocratique aussi bien pour
l’Afrique que pour le monde arabe », se contente de déclarer
l’ambassade américaine à Nouakchott dans un communiqué.
Aucune autre réaction d’un pays
qui est censé promouvoir de « nobles idées » de démocratie.
Aucune réaction non plus sur l’arrestation massive et perpétuelle
dans les rangs de la confrérie égyptienne des Frères musulmans
ou sur la répression des opposants les plus libéraux. Après de
vives réactions sur l’arrestation et l’emprisonnement d’Aymane
Nour, c’est le mutisme total. La seule véritable critique a
porté sur la condamnation d’un blogueur. La collaboration prend
le dessus sur la démocratisation. La dernière ne sert pas
l’intérêt des Américains, la première oui. « Ils veulent
sortir du bourbier iraqien, c’est désormais le premier objectif
qui va de pair avec la crise iranienne », précise Abdel-Méguid.
Changement de rythme donc et nouveau pas de danse. De plus,
seraient-ils en train d’embrigader les pays arabes « modérés
», dans leur confrontation avec l’Iran.
Le sénateur démocrate Bill
Nelson, au terme d’une visite dans 8 pays de la région en décembre
dernier, cité par Taqrir Washington, affirme que « dans chaque
capitale arabe, la menace iranienne était en tête de l’agenda
des responsables, et à vrai dire, les qualificatifs identiques
concernant le danger iranien n’ont été prononcés que par
Benyamin Netanyahu, le chef du Likoud, et Abdallah, le roi d’Arabie
saoudite ». La mobilisation contre l’Iran et les chiites bat
son plein, du moins selon Seymour Hersh, journaliste de renommée
et bête noire de Bush. Et donc ne cesse de revenir sur les lèvres
des responsables américains, « la crainte arabe de l’influence
iranienne, de l’agenda de Téhéran dans la région ». (lire
page 5). La scission entre « radicaux et modérés » au
Proche-Orient encourage davantage les Américains. Des
consultations de haut niveau, des rencontres ici et là dans les
capitales arabes et une coopération non dissimulée en matière
de renseignements.
Mais les Arabes sont encore loin de
répondre favorablement aux espoirs de l’Oncle Sam, du moins
selon le politologue égyptien, « car leurs appréhensions sont
bien différentes, et les Américains croient naïvement qu’ils
sont les mêmes ». Du coup, un terrain de véritable entente
peine à être établi.
La visite en Egypte de l’ex-président
iranien Mohamad Khatami est-elle l’un des indices de ce manque
d’entente ? Le président réformateur s’est, en fait, vu réserver
un accueil impressionnant jamais accordé à un responsable
iranien depuis la révolution de 1979. Un entretien avec le président
Moubarak, et un petit-déjeuner en son honneur en présence de
plusieurs ministres égyptiens. Un événement au vrai sens du
terme, mais qui n’a trouvé aucun écho dans les médias
occidentaux. Une harmonie irano-égyptienne augure mal du plan américain
dans la région et encore plus à Israël.
Un jeu d’équilibriste
Ne serait-il cependant pas naïf de
croire que les alliés traditionnels de la Maison Blanche rompront
leur pacte ? Ne serait-il pas absurde de croire que les autorités
des pays arabes « modérés » sont en train de mettre des bâtons
dans les roues du projet américain ?
Il est vrai que les idées de grand
Moyen-Orient ou de nouveau Moyen-Orient avaient suscité
l’hostilité et la méfiance des amis de Washington. (Lire fiche
ci-dessous). Pour la première fois, on a vu le président égyptien,
aussi exacerbé, s’envoler en direction de Riyad pour critiquer
avec le chef du royaume « l’imposition de l’extérieur d’un
type spécifique de réformes ». Mais pour ne pas déranger
l’ami américain, un plan saoudien, plus tard arabe, de paix
avec Israël sera lancé. « Ils sont convaincus que la résolution
de la question palestinienne mettra un terme à tous les maux de
la région », déplore le politologue. Jusqu’à preuve du
contraire, cette question s’avère la plus difficile à régler.
C’est vrai, la Palestine est le détonateur qui peut faire
exploser la situation, mais d’ici à résoudre ce problème de
manière radicale, il y a des hésitations. Le sort d’Israël
reste la chose fondamentale pour Washington. « Les Américains,
dans leur ensemble, voient Israël comme la victime potentielle
d’une mobilisation éventuelle du monde arabe », comme le
soutient Guillaume Parmentier, spécialiste des Etats-Unis à l’Institut
français de recherches internationales. Du coup, d’après lui,
Bush manifeste une position de soutien quasi inconditionnel à
Israël même si cela remettrait en cause le processus de paix.
Une identification politique et stratégique avec l’Etat hébreu.
Paradoxalement, l’électorat juif est en grande majorité du côté
des Démocrates, et ces derniers n’ont pas hésité à dépêcher
la présidente du Congrès en Syrie qui, d’ailleurs, appartient
à « l’axe du mal », selon Bush. Au Caire, le chef de la
majorité au Congrès, le Démocrate Steny Hoyer, a rencontré le
chef du groupe parlementaire des Frères musulmans, Mohamad Saad
Al-Katatni. Changement de cap de la part des Américains, ou
concurrence entre Républicains et Démocrates ou bien encore
simple rencontre de routine qui ne devrait avoir de répercussions
majeures sur la politique de l’Amérique dans le monde arabe ?
La réponse pourrait se situer à cheval entre les trois. C’est
ce que les plus critiques appellent l’attitude schizophrène des
Américaines et qui se résume en fait par l’image aussi négative
dont jouit Bush dans cette région.
Une reconquête est plus que jamais
nécessaire pour les Américains : un nouveau lifting pour améliorer
l’image de leur pays et reconquérir les esprits des habitants
du Proche-Orient. Mais comment le faire alors qu’ils soutiennent
inconditionnellement Israël et jouent la carotte ou le bâton
avec les Arabes ? Une schizophrénie partagée d’ailleurs. Les
Arabes font face à cette difficulté de tenter de rester des alliés
stratégiques de Washington, sans trop heurter le sentiment
national et irriter davantage une population anti-américaine. Un
jeu d’équilibriste de part et d’autre mais où l’un excelle
et l’autre ne cesse de se casser le cou.
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