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Al-Ahram Hebdo
Au-delà du verbe ...
Abir Taleb
Photo Al-Ahram
Mercredi 10 juin 2009
Processus de Paix.
L’émissaire spécial des Etats-Unis
au Proche-Orient, George Mitchell, a entamé lundi une nouvelle
tournée dans la région. Une tournée qui intervient à la suite du
discours d’Obama et à quelques jours de la présentation, par
Netanyahu, de sa politique de « paix et de sécurité ».
Le président américain, Barack Obama, a certes proclamé haut et
fort son soutien à la création d’un Etat palestinien souverain
et plaidé pour l’arrêt de la colonisation israélienne, il n’en
demeure pas moins qu’en évoquant le processus de paix, il a
commencé par parler du lien « inébranlable » entre les
Etats-Unis et Israël. Pour ainsi dire donc, les Palestiniens ont
encore du chemin à faire avant de réaliser leur rêve. Un chemin
probablement semé d’embûches. Car au-delà des belles palabres du
président américain, tout reste à faire. Barack Obama aura donc
commencé par le verbe. Et désormais, l’on attend le plus
important, ou même le plus dur : du concret, mais aussi des
pressions sur Israël. A l’heure qu’il est donc, l’on peut
simplement considérer qu’Obama, contrairement à son
prédécesseur, place le dossier proche-oriental parmi ses
priorités. De là à s’attendre à la création prochaine d’un Etat
palestinien, plusieurs pas restent à franchir. Et pas des
moindres.
Mais le président américain tient toutefois à
donner la preuve de sa bonne volonté. Quelques jours après son
fameux discours prononcé jeudi 4 juin à l’Université du Caire,
il a envoyé son émissaire spécial pour le Proche-Orient dans la
région. George Mitchell est donc arrivé lundi en Israël avec
pour mission délicate : discuter avec les responsables
israéliens de la question épineuse de la colonisation ainsi que
de la création de l’Etat palestinien. Avant son arrivée, George
Mitchell était à Oslo pour assister à une réunion du Comité ad
hoc (AHLC) des bailleurs de fonds internationaux pour les
Palestiniens dans la capitale norvégienne. A Oslo, il a déclaré
que son pays déploierait tous les efforts possibles en vue
d’arriver « rapidement » à la création d’un Etat palestinien. «
La première chose, c’est bien sûr l’objet de cette rencontre :
apporter un soutien à l’Autorité palestinienne », a-t-il dit,
tout en ajoutant : « Il est important que l’on construise des
institutions et une capacité de gouvernement de sorte que l’on
puisse rapidement avoir un Etat palestinien viable et
indépendant ».
Mais les bonnes intentions américaines
suffisent-elles ? Obama n’a-t-il pas insisté sur le « lien
inébranlable » entre son pays et Israël ? C’est sans doute sur
ce point que les Israéliens comptent miser. Ces derniers tentent
tant bien que mal à maintenir un juste milieu : préserver leurs
relations privilégiées avec Washington, malgré les points de
discorde actuels, tout en faisant le moins de concessions
possibles. Ainsi, le premier ministre israélien, Benyamin
Netanyahu, a déclaré dimanche qu’il s’efforcerait de parvenir à
une « entente maximum » avec Washington sur les questions
relevant de la paix, sans toutefois paraître prêt à donner un
coup d’arrêt aux nouvelles implantations juives comme l’exigent
les Etats-Unis. Le même jour, à l’ouverture du Conseil des
ministres hebdomadaire, il a déclaré : « La semaine prochaine,
je vais prononcer un discours important dans lequel je
présenterai aux Israéliens les principes de notre politique pour
parvenir à la paix et la sécurité (…). Je tiens à le dire
clairement : nous avons l’intention de réaliser la paix avec les
Palestiniens et avec les pays du monde arabe tout en recherchant
une entente maximum avec les Etats-Unis et avec nos amis de par
le monde. J’aspire à une paix équilibrée, fondée sur les bases
solides de la sécurité de l’Etat d’Israël et de ses citoyens ».
Israël et l’obsession sécuritaire
Un terme est à retenir de la déclaration de
Netanyahu : « sécurité ». En parlant d’une solution fondée sur
la « sécurité d’Israël », une priorité maintes fois répétée au
sein de l’Etat hébreu, le responsable israélien a donné le ton :
il ne faut pas s’attendre à de grandes concessions. Car à ce
sujet, les Israéliens pourront toujours trouver le prétexte à
même de bloquer tout espoir de paix. En effet, les propos de
Netanyahu restent en deçà d’un engagement réel en vue de régler
toutes les divergences de vues avec Washington sur le processus
de paix, ce qui peut faire craindre d’une part une querelle
persistante entre Israël et son principal allié sur des points
essentiels dans la perspective d’un accord israélo-palestinien ;
et d’autre part un statu quo avec les Palestiniens. Et en
insistant sur la sécurité, Netanyahu remet en évidence un
élément à ses yeux primordial pour aborder la paix avec les
Palestiniens, pour lesquels il accepte le principe de
l’autonomie politique mais avec une souveraineté limitée.
Pour l’heure donc, malgré la prise de
position américaine, Tel-Aviv refuse de se prononcer ouvertement
pour une solution à deux Etats et pour un gel des colonies. Deux
exigences nécessaires pour un retour au processus de paix,
estiment les Palestiniens. En effet, le président palestinien,
Mahmoud Abbass, a de nouveau exclu lundi une reprise des
négociations de paix avec Israël si celui-ci n’accepte pas un
règlement basé sur la création d’un Etat palestinien. « Sur quoi
négocier alors ? », s’est ainsi interrogé Abbass. Une fois de
plus également, le président palestinien a appelé Israël à «
respecter ses engagements prévus par la première phase de la
Feuille de route (établie en 2003) qui stipule l’arrêt de la
colonisation, y compris la croissance naturelle, le
démantèlement des colonies sauvages, la réouverture des
institutions palestiniennes à Jérusalem ». A ce sujet également,
Obama a déclaré que le gouvernement israélien devrait se
déclarer lié par « tous les accords précédemment signés par des
gouvernements passés, y compris la Feuille de route, dont
l’objectif est l’existence de deux Etats pour deux peuples ».
Un beau discours, diront donc les uns,
prometteur même. Mais en fin de compte, ceux qui attendaient du
discours d’Obama au Caire une solution à la question
palestinienne sont tout de même déçus. Ce n’était que des mots,
pourrait-on dire. Des mots chargés d’une bonne volonté qui peine
à se traduire en actes. Avec un gouvernement israélien qui ne
veut pas plus d’un Etat palestinien que de l’arrêt de la
colonisation des territoires occupés, avec le refus persistant
du Hamas — acteur qu’il serait erroné d’ignorer — de reconnaître
Israël, il semble difficile de parvenir à un compromis. Ainsi, à
l’heure actuelle, le seul gagnant est sans doute le président
américain, qui aura été, l’espace d’un jour, le héros par le
verbe.
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réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 10 juin 2009 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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