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Société


Entre Le Caire et Gaza, le cœur balance
Dina Darwich

Mercredi 8 octobre 2008

Palestiniens. Le destin a voulu que la famille d’Oum Marwan soit partagée entre Gaza et Le Caire. Ayant fui les conditions de vie précaires dans les territoires occupés, son sort est suspendu à l’ouverture des points de passage. Elle vit dans l’espoir de se réunir un jour sous le même toit. Portrait.

« Nous ne sommes impliqués ni dans les différends politiques, ni dans les conflits armés, mais nous aspirons tout simplement à mener une vie paisible, sans sang. Les conflits entre le Hamas et le Fatah, les négociations sur les points de passage, les répercussions de l’accord d’Oslo sont des détails qui rythment la vie de toutes les familles palestiniennes. Et nous ne faisons pas exception », commente Oum Marwan, 48 ans, mariée à un médecin palestinien et mère de 4 enfants (trois garçons et une fille). Sa vie est partagée entre Le Caire et Gaza. Elle fait partie du dernier groupe (environ 3 500 Palestiniens) qui vient de traverser les frontières après la dernière ouverture des points de passage qui a permis à 42 bus de rentrer en Egypte. Elle ne cesse d’invoquer Dieu et de réciter des versets du Coran pour que tout se passe bien, surtout qu’elle attend ce moment avec impatience. « Nous placerons une barrière devant eux et une barrière derrière eux. Nous les envelopperons de toutes parts pour qu’ils ne voient rien (sourate Yassin, verset 9) », répète-t-elle. Tremblant de tous ses membres, Oum Marwan a peur que les autorités égyptiennes ne l’empêchent de franchir la frontière. Accompagnée de son benjamin Mahmoud, elle parvient à rejoindre le reste de ses enfants résidant au Caire, et ce pour passer en leur compagnie le petit Baïram. Quant au père qui travaille à la faculté de la santé générale de Gaza, il doit se contenter des SMS et des contacts par Internet. « La famille est partagée entre Gaza et Le Caire, c’est dur. Mais au fil des années, on a fini par s’habituer à cette séparation. On a même appris à mener notre vie indépendamment », explique Salsabil, 19 ans, qui gère les affaires de sa famille en leur absence.

Une vie difficile, disloquée et qui manque parfois de chaleur familiale. Cependant, cette famille est arrivée à surmonter les obstacles, à créer un nid douillet dans un autre pays que le sien. Pour Oum Marwan, l’ouverture des points de passage signifie la vie. « Avant chaque départ du Caire ou de Gaza, tout ce qui nous préoccupe, ce sont les nouvelles des points de passage que l’on suit attentivement à travers la chaîne Al-Jazeera ou la radio locale. Dès qu’on ouvre les frontières, c’est la joie à la maison. Les youyous fusent de partout et on ne cesse de recevoir des coups de fil de parents et d’amis nous félicitant de la bonne nouvelle », explique Marwan, 22 ans, fils aîné de la famille.

Malheureusement, le sort de cette famille dépend de ces points de passage. « Je ne peux pas oublier le jour où accompagnée de mon fils et ma fille, je m’étais présentée à la frontière, mais les autorités israéliennes qui géraient les points de passage avant 2005 n’ont pas permis à mon fils âgé de 16 ans de quitter la Palestine, car on venait tout juste de promulguer une loi interdisant aux Palestiniens dont l’âge varie entre 15 et 35 ans à quitter le pays pour des mesures sécuritaires », se souvient Oum Marwan. Son fils a raté le bac l’année dernière à cause de la fermeture des points de passage pendant six mois.

Une famille et une cause

En effet, cette famille égyptienne a connu l’exil, les hauts et les bas de la cause palestinienne. Oum Marwan fait partie des premiers réfugiés palestiniens en Egypte en 1948, alors que son mari n’est arrivé qu’en 1978 pour poursuivre ses études en médecine et ils se sont mariés en 1984. Ils ont vécu en Egypte jusqu’à la signature de l’accord d’Oslo en 1993. C’est en fait la dernière fois que cette famille s’est vue réunie. Le périple a commencé. « A cette époque, les autorités palestiniennes avaient lancé un appel demandant à tout Palestinien ayant une carte d’identité de rejoindre la patrie. Je n’avais pas de carte, puisque je vivais en Egypte depuis bien longtemps, mais mon mari en avait la sienne. On a quitté Le Caire pour s’installer à Gaza en 1996. Pour nous, c’était aller vers l’aventure, mais la nostalgie l’a emporté », relate Oum Marwan qui garde, accrochée à un mur, une photo de Nasser, symbole de justice et d’égalité. Les conditions de vie sur cette nouvelle terre étant imprévisibles, les parents ont décidé d’inscrire leurs enfants dans des écoles égyptiennes. La situation en Palestine n’étant pas stable, les établissements scolaires pouvaient à tout moment fermer leurs portes. « Le programme scolaire à Gaza est le même qu’en Egypte. On passait les examens là-bas, puis on se dépêchait pour aller au Caire en passer d’autres. J’ai tenu à faire ce parcours annuel afin que mes enfants puissent avoir accès aux universités égyptiennes. Le système éducatif permet aux étudiants étrangers qui ont passé le bac égyptien de s’inscrire dans les facultés égyptiennes. Ce qui n’est pas le cas pour ceux qui ont passé leur bac ailleurs, ils ne bénéficient d’aucun privilège », précise Oum Marwan, tout en relevant que le niveau dans les facultés égyptiennes est relativement plus élevé que celui à Gaza à l’exception de l’Université islamique dépendant du Hamas, alors que les frais d’inscription dans les universités palestiniennes sont plus élevés. Cette différence dans les prix n’est pas la seule raison qui a disloqué cette famille, il y a aussi les conditions de vie catastrophiques dans les territoires occupés. « Après le déclenchement du conflit entre le Fatah et le Hamas, la vie est devenue insupportable. On a toujours su qui était notre ennemi. Aujourd’hui, c’est plus compliqué car on ne sait pas d’où peut provenir le coup. Un voisin sympathisant du Hamas — alors que nous sommes des fidèles du Fatah — n’hésitera pas à nous poignarder dans le dos », poursuit la mère.

Et dans cette ambiance électrique, la situation économique ne semble pas arranger les choses. Avec un taux de chômage qui s’élève à 80 %, Marwan, le fils aîné de la famille, a préféré travailler en Egypte malgré son maigre salaire. « Là-bas, le revenu moyen de l’individu atteint les 500 dollars par mois, cependant, l’inflation est intolérable. Le prix de certaines denrées essentielles comme les produits laitiers est exorbitant, car acheminées par des trafiquants à travers les tunnels », poursuit Salsabil.

En fait, à Gaza les citoyens sont répartis en réfugiés et citoyens. Les conditions des premiers sont relativement mieux que celles des seconds. L’UNRWA, office des Nations-Unies pour l’aide aux réfugiés, leur offre des sommes mensuelles et une assistance médicale. Les citoyens, quant à eux, obtiennent leur salaire des autorités palestiniennes. La famille d’Oum Marwan est considérée comme citoyenne. Son revenu qui atteint les 700 dollars par mois sert aux dépenses des deux foyers, à Gaza et au Caire. Un budget partagé équitablement entre les deux, pour pouvoir joindre les deux bouts. Les membres de cette famille sont en contact permanent grâce à une rencontre familiale à travers le Net, une invention qui leur a rendu la vie moins dure. Tous les membres de cette famille se retrouvent à 7h du matin car après 8h, l’électricité est coupée à Gaza. « On essaie d’échanger des nouvelles, de s’assurer que le reste de la famille qui se trouve à Gaza n’a pas de problèmes. Puis, on dicte à papa la liste de nos besoins », dit le petit Mahmoud de 14 ans, sans perdre son sarcasme. Quant au père, il arrive à gérer correctement son budget à travers le Net et le portable. « Lorsque je décide de rendre visite à un copain, de sortir avec des amis ou de faire des courses, je dois mettre au courant mon père. Il sait tous les détails de ma vie, et ce par correspondance », avance Salsabil. Quant à la maman, elle ne rate aucune occasion pour tenir son mari au courant des problèmes de ses enfants, surtout que son fils Ahmad est braqué sur ce qui se passe à Gaza et cela le perturbe énormément. Abou-Marwan suit de loin les soucis des membres de sa famille résidant au Caire. Il lui impose même des règles de conduite. Ainsi, les photos de sa femme et de sa fille ne doivent jamais figurer sur aucun journal par respect des traditions de la société conservatrice de Gaza. Et bien que la famille tente de mener cette double vie entre les deux pays voisins, la solitude guette. Aujourd’hui, Abou-Marwan tente de convaincre sa famille de le rejoindre. Des négociations reprennent aussi chaudement que celles d’Oslo et de Madrid.

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Publié le 8 octobre 2008 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo



Source : Al-Ahram hebdo
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