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Enquête


Des assistances en trompe-l’œil
Samar Al-Gamal

Aides militaires . Washington tente de renforcer ses liens privilégiés avec ses alliés arabes, grâce à des assistances dont l’objectif réel est de contrer l’Iran. Seul bénéficiaire : l’Etat hébreu.


Photo Al-Ahram

Mercredi 8 août 2007

L’annonce est spectaculaire. 63 milliards de dollars, plus une autre somme pas encore précisée. 30 milliards pour Israël, 13 pour l’Egypte, 20 pour l’Arabie saoudite. Les autres pays du Golfe devraient aussi bénéficier de ce projet « de sécurité et de stabilité » pour le Proche-Orient. Une annonce qui a précédé l’annonce de la visite de la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice dans la région. Ainsi, Mlle Condy a-t-elle été accompagnée du secrétaire à la Défense Robert Gates et avait dans ses bagages en plus des vues américaines sur un règlement dans la région, une sorte de prime, et elle l’a bien signifiée dans ces termes : « J’ai le plaisir d’annoncer avant mon départ au Proche-Orient avec le secrétaire Robert Gates un engagement renouvelé en faveur de la sécurité de nos partenaires stratégiques dans la région ».

Un cadeau ? De toute façon, ce serait un prix pour soutenir « les partisans de la modération (...) et contrer les influences négatives d’Al- Qaëda, du Hezbollah, de la Syrie et de l’Iran ». Toute une liste d’ennemis très hétéroclites et qui met à pied d’égalité des Etats, une organisation terroriste et un parti qui a un aura particulier et officiellement reconnu. Bizarrement, cette dite assistance militaire intervient immédiatement après des critiques lancées par l’ambassadeur américain auprès de l’Onu, Zalmay Khalilzad, contre les Saoudiens. Il les avait accusés de ne pas agir de manière constructive en Iraq. Ces 20 milliards à destination de l’Arabie saoudite devraient soulever la colère des Démocrates du Congrès et pour les apaiser, il fallait inclure Israël dans le marché. Cela dit, le calcul est autre. Pour revenir aux déclarations détaillées de l’Administration américaine, il s’agit de vendre des armes à l’Arabie saoudite et aux pays du Golfe, et non leur accorder une assistance militaire comme l’avait dit Rice. Ces 20 milliards, Riyad les payerait aux Américains contre des armes qui ne « devraient pas être utilisées dans le conflit arabo-israélien ». Une pure transaction militaire, mais qui a l’avantage pour l’Arabie saoudite de la libérer de certaines restrictions. Le Royaume wahhabite, étant jugé pratiquant des violations contre les droits de l’homme, ne devrait pas obtenir certaines armes.

L’Egypte, elle, obtiendra des armes purement défensives comme cela a toujours été le cas avec l’aide américaine classique, dont les règles ont été fixées lors de la signature du traité de paix avec Israël. Les Américains annoncent 13 milliards de dollars sur 10 ans. Soit 1,3 milliard de dollars par année, c’est-à-dire aucun changement. L’Egypte profite déjà d’une assistance militaire américaine de 1,3 milliard de dollars. La seule nouveauté qu’elle sera garantie pendant dix ans et que les Américains cesseront de brandir la menace de la réduire ou de la supprimer pour leur désaccord avec la politique égyptienne, surtout en matière de libertés. Déjà le Congrès menace de couper 200 millions de dollars de cette assistance pour des questions de droit de l’homme, et parce que Le Caire ne ferait pas beaucoup d’efforts pour contrer le trafic d’armes vers la bande de Gaza. Les plus fervents défenseurs de l’Egypte rétorquent que ce pays rembourse cette dette aux Américains en facilitant le survol de son espace aérien et le passage des bâtiments militaires américains par le Canal. Sans ceci et sans trop s’attarder sur la façon dont cette aide est dépensée, il suffit de dire que 80 % reviennent dans les poches américaines.

Israël, lui, encaisse les plus grands gains dans cette affaire (Lire page 5). Un contrat d’assistance militaire de 30 milliards de dollars garanti pour dix ans « pour garantir la capacité d’Israël à se défendre ». Comme si l’arsenal israélien ne comportait pas suffisamment d’armement offensif, y compris des armes prohibées par les conventions internationales, comme les bombes à sous-munitions, utilisées d’ailleurs contre les Libanais et les Palestiniens. Faut-il d’ailleurs des armes nucléaires (dont l’existence est avérée) à l’Etat hébreu ? Qadri Saïd, expert militaire égyptien, souligne que « depuis la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’à présent, les Etats-Unis ont eu pour doctrine que leurs intérêts dans la région revêtent deux aspects principaux : la sécurité d’Israël et celle du Golfe. Et à chaque étape les mécanismes changent ».

C’était avec la fin de la colonisation britannique que cette stratégie américaine vis-à-vis du Golfe a commencé à se profiler. Le pacte de Bagdad, en 1955, est le point de départ. Washington comptera plus tard sur le shah d’Iran, Reza Pahlavi, sur fond de tableau riche en gisements pétroliers. Avec la révolution khomeiniste de 1979, les Américains chargeront l’Iraq de cette mission. Mais lorsque Saddam commence à faire fausse route, pour eux, et menacer la sécurité des pays du Golfe qui flottent sur un océan de pétrole, l’Oncle Sam ne tarde pas à intervenir, et la première conséquence était l’installation de bases américaines dans la région. Le Centcom ou le commandement central, dont le quartier général se trouve en Floride, a des bases au Koweït, à Bahreïn, au Qatar, aux Emirats arabes unis, à Oman, au Pakistan, à Djibouti et en Asie centrale. Celle de l’Arabie saoudite a été démantelée en 2003, au lendemain de l’invasion américaine de l’Iraq. Ces bases accueillaient quelque 40 000 militaires américains. En aucun cas suffisants, semble-t-il, pour George Bush. Il a préféré que les Américains soient bel et bien présents, en Afghanistan puis en Iraq. « C’est le nouveau mécanisme qui a été accompagné d’une série d’accords militaires bilatéraux avec les pays du Golfe, en vertu desquels ces Etats seront plus actifs militairement », précise Saïd, qui dirige la branche militaire au Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. La donne a encore changé. Les militaires américains n’arrivent pas à s’en sortir en Afghanistan et sont engouffrés en Iraq. « De plus, à leurs yeux, certaines parties sont devenues plus agressives, comme l’Iran, ou prennent des initiatives, comme le Hezbollah ». Et les Etats-Unis recommencent. Ils lancent une nouvelle course à l’armement semblable à celle de l’époque soviétique (Lire article sur Nasser). On annonçait ce montant de contrats militaires, 63 milliards, ils veulent à la fois dissuader l’Iran et le pousser à dépenser davantage d’argent dans le militaire. Téhéran serait ainsi plus vulnérable, pensent-ils. Paradoxalement, ce sont les Arabes qui encaissent le coup. Une attaque militaire américaine partira des bases dans leurs pays. L’Iran ne tardera pas à riposter. Le conflit se transformerait en guerre irano-arabe. Les Arabes sont-ils prêts à en payer le prix ? N’est-il pas la contrepartie de ces contrats d’armement ? Le Qatar et les Emirats arabes unis ont déjà fait savoir qu’ils ne prendraient pas part à une attaque contre Téhéran. On reste au niveau des déclarations. Quant à l’Egypte, « elle doit d’abord s’assurer que les Iraniens représentent une menace effective pour les pays du Golfe et par la suite pour elle, avant d’agir réellement », comme c’était le cas au moment de l’invasion iraqienne du Koweït. Le Caire n’a pas tardé à dépêcher 36 000 de ses militaires. De loin, c’était le deuxième contingent derrière l’américain.

La donne n’est pas du tout la même cependant, puisque s’il y a un conflit avec l’Iran, il englobera aussi la Syrie et le Hezbollah. Chose qui reste inadmissible donc et qui équivaudrait à une trahison puisqu’on serait du côté israélien. Pour le moment, on est dans la phase du flou artistique.

 

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Source : Al-Ahram hebdo
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