Sommet arabe
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«La
question principale reste le conflit israélo-palestinien»
Névine Mossaad
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questions à Névine Mossaad,
professeure de sciences politiques à l’Université du Caire,
estime que les divergences extrêmes entres pays arabes ont
engendré un fait nouveau : le boycott du sommet.
Photo Al-Ahram
Mercredi 2 avril 2008
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Al-Ahram
Hebdo : Le secrétaire général de la Ligue a qualifié les
relations arabo-arabes d’exemple à ne pas suivre ... Est-ce que
c’est vraiment l’état actuel des choses?
Névine
Mossaad : Le monde arabe souffre de
divergences entre ce qu’on appelle les radicaux, comme la Syrie,
le Soudan ou la Libye, et les modérés comme l’Egypte, la
Jordanie et des pays du Golfe. Mais les tentatives de polarisation
exercées par chacun des deux groupes ne constituent pas un phénomène
nouveau, il remonte aux années 1960 et s’est poursuivi même
avant l’effondrement de l’URSS. Le clivage, à l’époque,
entre les deux pôles Etats-Unis et Union soviétique, l’a
alimenté davantage. Ce qui est nouveau dans cette confrontation,
c’est l’idée de vouloir annuler le sommet arabe. Cette idée
n’était pas autrefois envisagée même dans les circonstances
les plus critiques. Ni la défaite de 1967, ni l’occupation du
Koweït par l’Iraq, ni d’autres événements n’ont empêché
la mise en place du sommet. Cette fois-ci, la divergence est
devenue un moyen pour bloquer la tenue périodique du sommet soit
par l’absence totale, à l’exemple du Liban, soit par une
faible représentation diplomatique.
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Est-ce que la décision du président
Moubarak de ne pas partir pour Damas et de déléguer son ministre
des Affaires juridiques s’inscrit dans ce contexte de
polarisation ?
La décision égyptienne a été en grande partie influencée par
la position de l’Arabie saoudite, alors qu’autrefois c’était
Le Caire qui était l’acteur principal dans la région. Même
sur le dossier palestinien, qui était le domaine d’influence
principal de l’Egypte, il ne l’est plus. Cette détérioration
dans le leadership égyptien remonte à l’époque de Sadate et
aux changements dans les principes de la politique étrangère du
pays. La crise économique a renforcé ce soi-disant recul de la
diplomatie égyptienne sur le plan arabe, puisqu’une grande
partie de la main-d’œuvre égyptienne se trouve dans le monde
arabe. Cet état des lieux ne justifie pourtant pas le
boycott. On sait tous que le sommet arabe n’est qu’un forum de
solidarité, au cours duquel les problèmes interarabes doivent être
résolus. Alors si en cas de différend, ils décident de ne pas
assister, le sommet en lui-même devient absurde. Le Caire et
Riyad ont par leur décision fait de l’affaire libanaise la
cause centrale du monde arabe alors que ce n’est pas vraiment le
cas. La question principale reste le conflit israélo-palestinien
surtout si on souligne que quelques semaines avant le sommet, Israël
avait déclaré franchement qu’il mènerait un holocauste contre
les Palestiniens. Ce qui se passe en Iraq est également d’une
extrême importance et il ne fallait pas les sacrifier pour le
seul dossier du Liban.
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Existe-t-il un lien entre l’absence des
chefs d’Etat arabes et les intérêts occidentaux notamment américains,
dans la région ?
Il est vrai que certaines décisions prises par les dirigeants
arabes sont parfois en faveur des Etats-Unis et de quelques pays
européens, mais ceci n’empêche que ces décisions reflètent
également des choix politiques et stratégiques de ces
pays. Des déclarations du président français Sarkozy ou du président
américain Bush vont dans le sens de valoriser le boycott et la
faible représentation des Arabes à Damas, mais pour un pays
comme l’Egypte, j’estime que la décision émane surtout
d’une vision intérieure. Le Yémen lui, par exemple, a décidé
de ne pas assister pour protester contre le peu d’intérêt
accordé à son initiative pour une réconciliation
inter-palestinienne. Et ce genre de décisions va de pair avec les
intérêts américains.
Propos recueillis
par Mavie Maher
Droits de
reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM
Hebdo
Publié le 3
avril 2008 avec
l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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