"La compassion qu’Israël affiche en Haïti ne peut dissimuler
la face hideuse qui est la nôtre à Gaza" : tout est dit dans
l’article publié par Akiva Eldar dans Haaretz.
"La compassion qu’Israël affiche en Haïti
ne peut dissimuler la face hideuse qui est la nôtre à Gaza
"Qui a prétendu que nous sommes
barricadés dans notre bulle de Tel Aviv ? Combien de nations
entourées d’ennemis installent des hôpitaux de campagne de
l’autre côté du monde ? Fournissez-nous un tremblement de
terre en Haïti, un tsunami en Thaïlande ou une attaque
terroriste au Kenya, et le bureau du porte-parole de l’armée
va triompher. On peut toujours trouver un avion-cargo pour y
transporter des journalistes militaires qui, suivant les
directives du Commandement national, relateront l’action de
nos valeureux jeunes gens.
Certes, chacun est en train d’accomplir
un travail magnifique : les sauveteurs, qui recherchent des
survivants, les médecins, qui sauvent des vies, et aussi les
journalistes qui, à juste titre, font leur éloge. Après que
le visage que nous montrons au monde est devenu celui du
représentant du ministère des affaires étrangères, Danny
Ayalon, la communauté internationale tout entière peut
maintenant voir le bon côté d’Israël.
Cependant, cette identification
remarquable avec les victimes de la terrible tragédie dans
la lointaine Haïti ne fait que souligner l’indifférence à
l’égard des souffrances persistantes des habitants de Gaza.
A peine à plus d’une heure de route des bureaux des
principaux journaux israéliens, un million et demi de
personnes se trouvent assiégées depuis deux ans et demi sur
un îlot de désert. Qui se soucie que 80% des hommes, femmes
et enfants qui vivent si près de nous sont tombées sous le
seuil de pauvreté ? Combien d’Israéliens savent que la
moitié des Gazaouis dépendent de l’aide humanitaire ; que
l’opération Plomb Durci a entraîné des centaines d’amputés ;
que les eaux usées se déversent des rues dans la mer ?
Les lecteurs des journaux israéliens sont
informés qu’un bébé a été retiré des décombres à
Port-au-Prince. Peu d’entre eux ont entendu parler des
nourrissons qui dorment dans les ruines de leur maison
familiale à Gaza. L’interdiction que l’armée fait aux
reporters d’entrer dans la Bande de Gaza est une excellente
excuse pour que nous nous enfoncions la tête dans le sable
des plages de Tel Aviv. Les jours fastes, les rapports
dégrisants qu’établissent sur la situation à Gaza des
associations de défense des Droits de l’Homme, telles que
B’T’selem, le Centre légal pour la liberté de mouvement et
Médecins pour les Droits de l’Homme, sont relégués dans les
dernières pages des journaux. Pour se faire une idée de ce à
quoi ressemble la vie dans la plus grande prison du monde,
il faut échapper à Big Brother et basculer vers des sites
étrangers.
Le désastre en Haïti est une catastrophe
naturelle, celui de Gaza est l’ouvrage honteux de l’homme.
Notre ouvrage. L’armée n’envoie pas à Gaza d’avions-cargos
bourrés de médicaments et d’équipement médical. Les missiles
lancés là-bas voilà un an par l’aviation de combat
israélienne ont touché plus de 60.000 maisons et usines,
réduisant en gravats 3.500 d’entre elles. Depuis lors,
10.000 personnes ont vécu sans eau courante, 40.000 sans
électricité. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des usines de
Gaza sont inactives du fait des restrictions imposées par le
gouvernement israélien sur l’importation de matières
premières pour l’industrie. Il y aura bientôt un an que la
communauté internationale s’est engagée, lors de la réunion
d’urgence de Charm-el-Cheikh, à consacrer à la
reconstruction de Gaza la somme de 4,5 milliards de dollars.
L’interdiction d’Israël sur l’importation de matériaux de
construction est cause de la perte de valeur de cet argent.
Quelques jours avant que des médecins
israéliens se précipitent pour sauver les vies de Haïtiens
blessés, les autorités au passage d’Erez ont empêché le
passage de 17 personnes qui se rendaient vers un hôpital de
Ramallah pour une chirurgie urgente de transplantation de
cornée. Peut-être ces gens avaient-ils voté pour le Hamas !
Au moment même où des psychologues israéliens soignent avec
dévouement des orphelins haïtiens, des inspecteurs
israéliens s’assurent que personne ne tente de glisser une
poupée, un cahier ou une barre de chocolat dans un container
apportant à Gaza des denrées de première nécessité. A quoi
rime donc le fait que la Commission Goldstone ait demandé
qu’Israël lève le blocus de Gaza et mette un terme à la
punition collective de ses habitants ? Il n’y a que ceux qui
haïssent Israël qui pourraient exercer une justice
aventureuse contre le premier pays à avoir implanté en Haïti
un hôpital de campagne.
C’est vrai. Des milices haïtiennes ne
lancent pas de roquettes contre Israël. Mais le siège de
Gaza n’a pas fait cesser l’arrivée des Qassams. Depuis 2007,
l’embargo sur l’entrée de coriandre, de vinaigre et de
gingembre dans la Bande de Gaza avait pour finalité
d’accélérer la libération de Gilad Shalit et de favoriser la
chute du régime du Hamas. Comme chacun sait, ni l’une ni
l’autre de ces entreprises n’a été particulièrement
couronnée de succès, et malgré les critiques
internationales, Israël maintient verrouillées les grilles
de Gaza. Même les images de nos excellents docteurs en Haïti
ne peuvent estomper la face hideuse qui est la nôtre à Gaza.
Traduit de l’anglais par
Anne-Marie PERRIN pour CAPJPO-EuroPalestine