Alors que la plus grande démocratie du monde vient de choisir un
Noir, pour la première fois dans son histoire, le petit Israël
marque 13 années écoulées depuis l’assassinat de Rabin par un
fanatique bien de chez nous.
Lorsque les clairons de la victoire se seront
tus, la voix exaspérante des extrémistes se fera entendre, ceux
qui n’accepteront pas la "dictature" du suffrage populaire.
L’Amérique a, elle aussi, la "chance" d’avoir ses mouvements
messianistes-racistes, dont les militants sont prêts à mourir
pour des causes sacrées comme le refus d’accorder à la femme le
droit de disposer de son corps, ou celui des gens d’acheter une
arme mortelle à l’épicerie du coin.
L’Amérique a connu, elle aussi, des
assassinats de dirigeants. Pas plus que le Shin Bet israélien,
les services secrets américains ne sont à l’abri d’un kamikaze.
Israël devrait tenir tout particulièrement à
la sécurité d’Obama, et pas seulement à cause de la spécificité
de ses relations avec les Etats-Unis. Car on peut imaginer que
ses conseillers veilleront à ce qu’il n’abandonne pas Israël.
J’ai eu la chance de connaître deux des
conseillers que le nouveau président a choisis pour le
Moyen-Orient : l’ancien ambassadeur en Israël Dan Kurtzer, et le
spécialiste en stratégie Dan Shapiro. Tous deux sont juifs,
aiment à la fois Israël et la paix. Tous deux pensent que
l’existence d’Israël dépend de l’existence d’un Etat
palestinien. Et, de manière naturelle, un président qui a été si
largement soutenu par les juifs [1]
et qui pensera à son second mandat n’aura pas envie de se les
mettre à dos.
L’ombre de la branche musulmane de la famille
de Barack Hussein l’obligera à se montrer particulièrement
prudent s’agissant du triangle Etats-Unis - Israël - monde
arabe. D’autre part, durant ces huit dernières années, Israël
s’est habitué au doux parfum de la Maison-Blanche et du Congrès,
qui lui ont permis de faire tout ce qu’il a voulu dans les
territoires occupés.
Sauf que George W. Bush a déjà accompli pour
lui une partie du travail. Au Bureau Ovale, Obama trouvera la
"vision" de Bush de deux Etats, de la Feuille de Route qui
promettait la paix avec tous les pays arabes en 2005, et d’un
gel total de la colonisation. Il trouvera aussi une copie de la
lettre adressée par Bush à Ariel Sharon, où il promettait que
les Etats-Unis soutiendraient un accord fondé sur un retrait de
tous les territoires occupés à l’exception des principaux blocs
de colonies, et le retour des réfugiés dans un Etat
palestinien. [2]
et qui pensera à son second mandat n’aura pas envie de se les
mettre à dos.
Obama devra décider quand il voudra tenir ces
promesses. Le résultat des élections israéliennes aura sans
doute une influence : si la coalition Kadima-travaillistes
demeure, Obama n’aura pas trop de mal à faire en sorte qu’Israël
aille dans la direction souhaitée par les Etats-Unis. En outre,
sa première année de mandat étant également la dernière de celui
de Mahmoud Abbas, le président américain ne voudra pas porter la
responsabilité d’une éventuelle chute de la Cisjordanie entre
les mains du Hamas.
En mars prochain, la Ligue arabe rouvrira le
débat sur son initiative de paix. Si l’attitude américaine à
l’égard du canal israélo-syrien ne change pas, Damas cherchera à
rallier du soutien pour cet important document. Si les sondages
qui prédisent une victoire de la droite en Israël se révèlent
justifiés, il est évident qu’Obama devra faire preuve de
davantage de persuasion pour obtenir du gouvernement israélien
qu’il le suive dans sa voie du dialogue et du compromis. La
décision de risquer à nouveau une confrontation comme celle
entre Bill Clinton et Benjamin Nenatanyahou et un ébranlement
des relations avec Israël et la communauté juive dépendra de
deux facteurs : l’un est l’importance qu’Obama donnera à un
accord de paix israélo-arabe pour calmer la crise en Irak et
isoler l’Iran ; le second est la sa détermination à forcer
Israël à transformer ses chansons de paix en actes.
Le premier signe montrant
que la droite s’habituait au changement de direction aux
Etats-Unis a pu être vu sur la chaîne 2 (de TV israélienne) qui
interviewait Danny Ayalon, ancien ambassadeur d’Israël à
Washington. Cette nouvelle recrue du parti (d’extrême droite,
ndt) Israël Beitenou y a dit qu’il n’y avait rien à craindre d’Obama,
et qu’il pensait qu’Obama était "bon
pour Israël parce qu’il lui sera plus facile de mettre sur pied
une coalition contre l’Iran." Le même
Ayalon écrivait en janvier dans un éditorial pour le Jerusalem
Post : "Nous devrions considérer la
candidature d’Obama avec une certaine inquiétude."
Il semble que ceux qui appelaient Bush "le
meilleur ami d’Israël" ont en réalité du souci à se faire. Au
contraire, ceux qui s’inquiètent de ce qu’Israël ne devienne un
Etat d’apartheid vivant à jamais par le glaive ont, depuis hier,
un nouvel espoir. Pour le moment, il ne s’agit que d’espoir.