Opinion
Un été turc chaud
voire extrêmement chaud...
Akil
Cheikh Hussein
Samedi 8 juin
2013 S'il n'y avait
pas le «parc Gezi» et la «Place Taksim»,
les troubles qui frappent la Turquie
actuellement auraient inéluctablement eu
lieu dans un avenir proche car la rue
turque est devenue tellement
congestionnée d'exacerbation à
l'encontre des politiques d'Erdogan, et
parce que toute conduite entreprise par
ce Premier ministre qui a promis un jour
de réduire à zéro les problèmes de la
Turquie aurait provoqué un problème et
produit l'étincelle génératrice de
l'explosion.
Mais les circonstances ont voulu que les
flammes se répandent à partir du «parc
Gezi» et de la «Place Taksim», un
endroit riche en significations et un
projet gouvernemental d'aménagement
urbain riche quant à lui en des
significations plus grandes encore.
Le «parc Gezi» es épris d'inhaler un peu
d'air qui conserve encore un peu de
fraicheur. Ces arbres ont justement été
choisis par le gouvernement Erdogan pour
être présentés, avec une bonne partie de
la «place Taksim», comme offrande sur
l'autel des étroits intérêts personnels,
qataris et turcs, mais aussi sur celui
de «l'ottamanisation» de la Turquie à
laquelle s'ajoute le fait de punir un
endroit où les manifestations ont été
interdites durant des années rien que
par ce qu'il témoigne des luttes du
peuple turc contre ses gouverneurs
indus.
Le projet d'aménagement urbain que le
gouvernement Erdogan compte lancer à cet
endroit est un centre de loisirs et de
distraction ainsi qu'un gigantesque
centre commercial appartenant tous les
deux à des investisseurs qataris et des
proches d'Erdogan. En d'autres termes,
un tentacule supplémentaire de la
pieuvre que représentent des dizaines de
centres commerciaux répandus partout
dans la ville. Plus grave encore, aux
yeux des gauchistes assez nombreux en
Turquie, il s'agit de la «privatisation»
d'un lieu public qui s'ajoute aux
privatisations qui ont touché tous les
secteurs de la Turquie.
A côté du centre commercial et de
loisirs, une caserne militaire ottomane
que le gouvernement Erdogan entend
reconstruire pour affirmer une identité
contre laquelle la Turquie a lutté tout
au long d'un siècle pour s'en
débarrasser pour le compte d'une laïcité
et d'une modernité revendiquée même par
le parti de la Justice et du
Développement malgré la difficulté de
les concilier avec l'ottomanisation et
une forme d'islamisation inquiétante ou,
du moins, discutable.
Et à côté de la caserne, une mosquée qui
présente les mêmes caractéristiques
mentionnées.
Non loin de la «place Taksim», et au
milieu des troubles qui secouent la
Turquie, Erdogan n'hésite pas de mettre
de l'huile sur le feu : Il décide de
construire un troisième pont sur le
Bosphore. Il provoque ainsi un problème
non à cause du pont mais à cause du nom
qu'il décide de donner au pont : «Le
pont du vaillant sultan Selim».
C'est-à-dire, en plus de l'ottomanisation
refusée en tant que telle par beaucoup
de Turcs, une ottomanisation à visage
ouvertement sectaire qui a suscité la
colère de 20 millions de Turcs alaouites
qui se souviennent toujours de la
répression qu'a fait subir le sultan
mentionné à leurs ancêtres.
Tout cela, mais surtout les attitudes
défiantes et arrogantes prises par
Erdogan parallèlement à l'évolution de
la crise, expliquent l'exceptionnelle
rapidité du passage d'une réunion de
quelques centaines de manifestants dans
le «Gezi parc» à ce bouleversement qui a
envahi toute la Turquie.
«Extrémistes», «racaille» et «voyous».
Tels sont les qualificatifs donnés par
Erdogan aux participants à plus de 250
manifestations de protestation qui sont
sorties dans les villes turques pendant
les deux premiers jours de
l'insurrection. Obstination à vouloir
exécuter son projet urbain et menaces de
faire descendre dans la rue ses
partisans qui constituent, selon lui, 50
pour cent du peuple turc.
Avec toute l'irresponsabilité qui marque
ces menaces. Car, à supposer que les 47
pour cent des Turcs qui ont voté pour
les derniers en date de ses amendements
constitutionnels lui sont toujours
fidèles, et qu'une partie d'entre eux
n'est pas passée dans les rangs de
l'opposition, il n'est pas correct de la
part d'un gouverneur de menacer la
moitié de la société qu'il gouverne par
l'autre moitié. Sauf, s'il sert un plan
visant à la destruction de son propre
pays.
Toutefois, il s'est contenté jusqu'à
présent de faire intervenir la police.
Istanbul, Ankara, Izmir
et tant d'autres villes turques se sont
transformées en champs de batailles. Des
barricades, des incendies, des
accrochages, des destructions, des
milliers d'arrestations et de blessés.
Deux manifestants ont été tués selon
Amnesty International. Mais les
autorités restent muettes, elles qui
n'ont reconnu que le quart des 177
victimes des deux attentats de Reyhanli.
Que l'on s'arrête ou non devant
l'attaque menée par des manifestants
turcs contre l'hôtel qu'habitent à Adana
les membres de ce qu'on appelle la
Coalition de l'opposition syrienne, les
positions du gouvernement turc envers ce
que 75 pour cent du peuple turc
considèrent comme un complot contre la
Syrie expliquent l'accroissement de
l'indignation vis-à-vis de ce
gouvernement et de son président,
surtout dans les conditions de la
sympathie qu'il échange avec les régimes
du Printemps arabe et leurs inquiétantes
émanations.
Avec l'accélération et l'extension de
l'insurrection en Turquie, de nombreux
observateurs commencent à entrevoir un
Printemps turc. Mais ce qui commence, en
réaction à la maladresse des nouveaux
janissaires, est plutôt un été turc
chaud, extrêmement chaud.
Source : french.alahednews
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