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Présence musulmane.com

« L'hommage de Tariq Ramadan à l'endroit de Muhammad Asad »
Aisha Hussain Rasheed

Samedi 27 février 2010

“Muhammad Asad a eu recours à la pensée critique et à l’analyse afin de libérer les textes originaux des ajouts provenant des traditions et des coutumes, et de les libérer de la colonisation aux mains des puissances occidentales dominantes”

Voici un aperçu de la conférence livrée par Tariq Ramadan en Malaisie, en mémoire du grand écrivain musulman et penseur du renouveau, le regretté Muhammad Asad.

L’événement était organisé par Islamic Book Trust et par Islamic Renaissance Front, dans le but de commémorer la contribution de Muhammad Asad à la pensée islamique moderne. Le tout a débuté par une introduction de Tan Sri Muhammad Kamal Hassan, ancien recteur de l’Université islamique internationale de Malaisie. D’après Kamal Hassan, la plus importante contribution du regretté Muhammad Asad au mouvement de renouveau et de réforme islamique a été de présenter ce qu’il appelait « la vision islamique du monde ». C’est-à-dire, la perspective de l’islam sur l’existence humaine.

Il a souligné que c’était une des idées qu’il avait rapportées de sa rencontre avec Mohamed Iqbal lors d’un voyage au Pakistan et que Syed Abul Ala Maududi et Syed Qutub ont par la suite élaborées. Kamal Hassan a illustré son propos à l’aide de citations de divers écrits de Muhammad Asad dont, The Road to Mecca (La route de la Mecque), Islam at the Crossroads (L’islam à la croisée des chemins) et The Message of the Quran (Le message du Coran).

Dans une de ces citations qui provenaient de L’islam à la croisée des chemins, Muhammad Asad met en garde les musulmans contre la tentation de suivre aveuglément les idées occidentales. Il souligne également l’imbrication du monde physique et du monde spirituel, ce qu’il considérait être au cœur de la vision islamique du monde.

La vision islamique du monde

Kamal Hassan a également lu des extraits de La route de la Mecque, un livre qui présente la vision islamique du monde du point de vue de Léopold Weiss, c’est-à-dire Muhammad Asad avant sa venue à l’islam. Il a lu un extrait en particulier qui, pour moi, fait ressortir la capacité qu’avait Muhammad Asad de faire la distinction entre les musulmans et leur comportement vis-à-vis de l’islam « … le déclin des musulmans n’était dû à aucune faille de l’islam, mais plutôt à leur incapacité à lui être fidèle. »

Kamal Hassan a ensuite parlé d’un autre ouvrage du regretté Muhammad Asad, Le message du Coran, une traduction du sens du Coran accompagnée de brefs commentaires; il a ajouté que, pour lui, ce livre complétait très bien les commentaires du Coran de Abdullah Yusuf Ali.

J’ai trouvé cette conférence très utile : Kamal Hassan a servi au public un guide du débutant à l’intention de ceux qui liront les ouvrages de Muhammad Asad. Ça m’a permis de me faire une idée sur ce que je dois m’attendre en lisant Muhammad Asad. J’ai déjà lu La route de la Mecque et L’islam à la croisée des chemins, mais dans l’éventualité où je les relirais, je pourrais davantage comprendre ses opinions et davantage m’identifier à sa pensée.

La deuxième conférence était donnée par Tariq Ramadan, un penseur réformiste musulman qui a eu le privilège de rencontrer le regretté Muhammad Asad et d’apprendre de lui.

Anti sémitisme

Pendant sa conférence, Tariq Ramadan a souligné l’attitude de plusieurs musulmans envers les discussions libres et ouvertes, et les débats. C’est un des défis qu’a dû relever Muhammad Asad de son vivant. Lorsque les musulmans partageaient ses vues, ils le louangeaient; lorsqu’ils divergeaient, ils disaient « N’oubliez pas qu’après tout il était juif. Méfiez-vous! ». Le professeur Ramadan a insisté sur le fait que l’attitude qui consiste à attaquer le passé d’une personne lorsqu’on ne partage pas ses vues n’est pas encouragée en islam. Tariq Ramadan déplore le fait que des gens disent, lorsqu’ils ne sont pas d’accord avec Mohammad Asad « N’oubliez pas qu’il était juif ».

Il juge tout à fait inacceptable de déterrer le passé de quelqu’un lorsque survient un désaccord avec lui, ajoutant qu’il n’est pas rare de voir des musulmans le faire. « Lorsque vous êtes à court d’arguments, vous jetez le discrédit sur la personne. L’anti sémitisme est non islamique », a-t-il déclaré. « Nous devons reconnaître la souffrance qu’ont endurée les juifs, le sionisme par contre c’est différent; c’est un projet colonialiste que nous devons dénoncer au même titre que tous les autres colonialismes, y compris ceux pratiqués par les Arabes. Tariq Ramadan insiste sur la stricte opposition de Muhammad Asad au sionisme et sur son attachement simultané à son identité et à ses racines juives. Il souligne également l’importance du rôle de la carrière journalistique de Muhammad Asad, avant son entrée à l’islam, qui a permis de faire découvrir les pratiques profondément déviantes des musulmans alors qu’il voyageait dans des pays musulmans, tels la Palestine, la Syrie, l’Iraq et plusieurs autres. Il a alors découvert que les musulmans étaient très éloignés du sens réel de l’islam.

Libérer les textes islamiques

Tout en étant d’accord avec l’affirmation de Kamal Hassan sur la plus importante contribution de Muhammad Asad : la vision islamique du monde, le professeur Ramadan a cependant ajouté que cette idée avait déjà germé avant même l’époque d’Iqbal, dans les écrits de Jamal Al-Din Al-Afghani. Tariq Ramadan croit que Muhammad Asad a élaboré sa vision islamique du monde à partir de deux éléments : le retour aux textes originaux et une redéfinition de la terminologie présente dans le discours islamique.

Le professeur a élaboré sur le recours de Muhammad Asad à la pensée critique et à l’analyse afin de libérer les textes islamiques originaux, le Coran et la Sunna, des ajouts provenant des traditions et des coutumes. Il l’a fait de façon à libérer la pensée islamique de la colonisation par des puissances occidentales dominantes, mais aussi de la colonisation par les traditions et les coutumes des musulmans même. Reconnaissant l’importance d’une connaissance suffisante de la langue arabe dans la poursuite de cette démarche, il en est venu à maîtriser cette langue à un degré que peu d’arabophones peuvent le faire, même aujourd’hui.

Restructurer le discours islamique

Il a ensuite donné un bref aperçu de la façon dont Muhammad Asad a restructuré le discours islamique. Il a démontré comment lui-même en suivant le courant de pensée de ce dernier en est arrivé à traduire « islam » différemment de « soumission » comme il était traditionnellement traduit. Il dit l’avoir fait parce qu’en Occident, soumission sous-entend absence de raisonnement et de logique; ce qui est en totale contradiction avec le véritable sens de l’islam. Ramadan a plutôt traduit islam par « entrer dans la paix de Dieu ».

Le professeur Ramadan a poursuivi en parlant de la vision de Muhammad Asad sur les relations entre l’Occident et l’islam. À partir d’un angle psychanalytique, Muhammad Asad déclarait que la relation que l’Occident entretenait avec l’islam était tributaire d’un traumatisme subi quelque part au cours de son histoire. Bien que Ramadan soit d’accord avec l’analogie du traumatisme subi par l’Occident à la suite de la colonisation, il ajoute que cette analogie s’applique aussi aux sociétés musulmanes.

Se souvenant avec tendresse des dernières années de Muhammad Asad, Tariq Ramadan a souligné l’importance pour une personne de faire, en fin de vie, le bilan de ses contributions. Et c’est ce qu’il a fait en se questionnant sur ses démarches.

En conclusion, Tariq Ramadan a insisté sur la principale contribution du regretté Muhammad Asad, c’est-à-dire une méthodologie visant à raviver et à réformer le discours islamique. Aux musulmans, il a rappelé qu’ils ne sont pas obligés d’être d’accord avec ses conclusions pourvu qu’ils reconnaissent sa contribution.

Période de questions

Un jeune Syrien vivant en Malaisie : « Quelle est la véritable signification de Ummah? »

Tout en mettant l’auditoire en garde contre une compréhension romantique de ce concept, Ramadan a expliqué qu’il ne s’agit pas d’une communauté physique, mais d’un concept spirituel fondé sur un principe. Ce qui lie les musulmans, c’est Allah. L’engagement que chaque musulman doit prendre envers la Ummah doit être celui qui consiste à aider son frère musulman oppresseur en l’empêchant d’oppresser, comme nous l’a enseigné le Prophète. Le professeur a ajouté qu’aujourd’hui on donne à Ummah le sens de « unifiés contre ». Selon lui, on devrait plutôt « s’unir pour », pour les principes qui fondent la Ummah.

Une jeune fille malaisienne : « Comment les jeunes musulmans peuvent-ils se libérer du mode de pensée tribal et traditionnel pour en arriver à une forme de pensée scientifique et logique? »

Tariq Ramadan a répondu que cette distinction entre la connaissance logique et traditionnelle a constitué le défi qu’a dû relever le mouvement islamique de réforme. Il a affirmé qu’en islam il n’y a pas de science laïque; toute science est intrinsèquement islamique et la connaissance conduit à l’éthique. Par exemple, la raison est un véhicule qui peut mener à des fins éthiques. Et Muhammad Asad croyait fermement que l’un des plus beaux cadeaux que l’islam pourrait apporter à l’Occident serait une perspective éthique des découvertes matérielles de ses scientifiques.

Le professeur a fait remarquer qu’un texte coranique offre différents niveaux de compréhension et que la compréhension spirituelle découlant de la récitation du Coran est accessible à tous. Les histoires qu’on y lit deviennent un miroir dans lequel nous pouvons nous refléter. Par contre, il nous a mis en garde contre ce qu’il appelle une démocratisation : la perte d’ahkam (de règles) contenues dans le texte coranique et dans la tradition prophétique.

J’ai moi-même eu la chance de poser une question aux invités, question qui touchait, je crois, tous mes amis et collègues en ce sens que nous sommes tous sur le point de passer du stade d’apprenants au stade de contributeurs. Au moment de quitter nos salles de classe et d’intégrer la communauté, nous nous sentons écartelés entre deux extrêmes : la tradition conservatrice et le modernisme laïc. Et j’ai demandé : « Comment et où pourrons-nous trouver l’équilibre qui consisterait à contribuer à l’épanouissement de nos sociétés tout en restant attachés à nos traditions islamiques? »

Cette question a été reformulée par une autre personne de l’auditoire, notre distingué Arif Zakaullah de l’Université islamique internationale de Malaisie : « Comment est-il possible d’enraciner une vision islamique du monde dans l’esprit de nos jeunes? »

Kamal Hassan a répondu à cette question en rappelant que le Coran et la Sunnah mettent l’accent sur le concept de « wasatiyya » ou modération. Il a ajouté que ce concept devrait faire partie du système d’éducation.

Tun Dr. Mahatir Mohamed, l’ancien premier ministre de la Malaisie, assistait à l’événement et il a contribué à la discussion en mettant en garde l’auditoire contre un rejet des sciences soi-disant laïques, ce qui aurait comme conséquence d’affaiblir la Ummah.

La conférence de Tariq Ramadan m’a particulièrement éclairée en tant qu’étudiante en Études islamiques et personne intéressée par la vie et l’œuvre de Muhammad Asad.

Aisha Hussain Rasheed est une personne qui souhaite que les choses changent et qui croit que ce changement passe par l’éducation et la sensibilisation.

Traduit de l’anglais par Suzanne Touchett, Edité par Safia Muhammad

Tous droits réservés © 2010 Presence Musulmane
Publié le 28 février 2010 avec l'aimable autorisation de Presence Musulmane

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Source : Présence musulmane
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