Opinion
Israël
symbole de criminalité et d'impunité
Me Ahmed Simozrag

Algérie, mardi 15 juin 2010
« Du murmure à la révolte le chemin est long mais il ne
fatigue jamais »
Djamal Benmerad
Le fait de tuer froidement dans les eaux
internationales des civils dans un navire civil battant pavillon
d’un Etat souverain, est un casus belli à l’adresse de l’Etat du
pavillon.
L’opération consistant à larguer des
commandos par hélicoptère sur le pont d’un bateau humanitaire
pour ouvrir le feu sur ses passagers, n’est pas un simple
abordage, c’est un acte de guerre, voire une incursion de
soldats israéliens en territoire turc!
Le navire est assimilé au territoire de
l’Etat dont il porte le pavillon. Plusieurs sentences arbitrales
ont affirmé que les navires en haute mer « constituent des
parties détachées des territoires de l’Etat dont ils portent le
pavillon. »
Dans l’arrêt du 7 septembre 1927 relatif à
l’affaire du Lotus, la Cour permanente de justice internationale
(CPJI), ancêtre de l’actuelle cour internationale de justice a
décidé que « le principe de la liberté de la mer a pour
conséquence que le navire en haute mer est assimilé au
territoire de l’Etat dont il porte le pavillon, car comme dans
le territoire, cet Etat y fait valoir son autorité et aucun
autre Etat ne peut y exercer la sienne […]
Le 31 mai 2010, des commandos israéliens ont
pris d’assaut en pleine nuit le cargo turc Mavi Marmara (1) en
route pour Gaza dans un but humanitaire et ont commencé à tirer
sur ses passagers. L’attaque a fait 9 morts et 30 blessés.
Les victimes sont des civils, désarmés,
membres d’ONG humanitaires qui se rendaient à Gaza en vue de
porter secours à une population asphyxiée par un blocus qui dure
depuis trois ans.
Un seul mort aurait été un mort de trop. Un
seul mort est un meurtre et un crime abominable. Neuf morts,
cela s’appelle un carnage, un crime contre l’humanité. Quelle
serait la réaction de l’Etat sioniste si les neuf morts étaient
des citoyens israéliens ?
Cette attaque renferme et constitue plusieurs
crimes à la fois. L’interception du convoi est un acte de
piraterie. Le massacre de neuf personnes est un crime de guerre
et un crime contre l’humanité. Le choix de la haute mer comme
théâtre de l’opération est une violation manifeste du droit
international, indigne d’un Etat signataire de la Charte des
Nations Unies.
De toute façon, rien ne justifie
l’utilisation de la violence contre un convoi humanitaire sans
défense. D’autant plus que les navires de la flottille
arboraient des pavillons indiquant leur appartenance à des Etats
voisins, souverains, membres de l’ONU.
Israël avait toute la latitude d’éviter cette
tragédie.
En dépit des condamnations catégoriques de la communauté
internationale, l’Etat sioniste continue à piétiner le droit
international, à agresser ses voisins en tuant leurs
ressortissants et en portant atteinte à leur souveraineté.
D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que
cet Etat viole les eaux internationales.
Le 7 décembre 2008, Israël a empêché le navire libyen "Al Marwa"
d’acheminer 3000 tonnes d’aide humanitaire à Gaza. La marine de
guerre israélienne a menacé de détruire le navire, l’obligeant à
faire demi-tour alors qu'il se trouvait dans les eaux
internationales.
Le 30 décembre de la même année, plusieurs navires de guerre
israéliens ont intercepté dans les eaux internationales, un
autre navire - le Dignité – qui se rendait à Gaza pour porter un
secours humanitaire à la population. Un navire de guerre
israélien a percuté le bateau sur le côté avant en
l’endommageant fortement.
Le 30 juin 2009, un autre navire ‘ ‘LE SPIRIT
OF HUMANITY’’, transportant des jouets pour enfants, du matériel
médical et du ciment pour reconstruire les maisons démolies par
les bombardements israéliens, fut intercepté par la marine de
guerre israélienne. Il y avait à son bord 36 passagers de 17
nationalités différentes, parmi lesquels des médecins, des
journalistes, des militants des droits de l’homme dont un prix
Nobel de la paix Mairead Maguire et plusieurs membres de
Parlements européens. Ils furent interceptés dans les eaux
internationales par la marine de guerre israélienne.
Selon la déclaration du mouvement "Free
Gaza", "des bâtiments de guerre israéliens ont entouré le bateau
et menacé d’ouvrir le feu s’il ne faisait pas demi-tour. Lorsque
les activistes ont refusé de se laisser intimider, les forces
d’occupation israéliennes ont commencé à brouiller leurs
instruments de navigation".
Le 5 juin 2010, les forces israéliennes ont abordé dans les eaux
internationales le cargo d’aide ‘‘Rachel Corrie’’, en route pour
Gaza, et intercepté le navire, juste cinq jours après l’assaut
sanglant en cause.
C’est dire que l’attaque de la flottille de
la liberté n’était ni la première ni la dernière.
Est-ce que les Etats ont un pouvoir de
police dans les eaux internationales ?
Les eaux internationales ou haute mer se
trouvent à environ 200 milles nautiques (370 km) de la côte.
Elles commencent au-delà de la zone économique exclusive (ZEE).
Ces eaux sont considérées comme « un bien public
mondial ». Les navires peuvent y naviguer librement. Les Etats
côtiers ne peuvent intervenir dans cette zone que dans le cas
d’un droit de poursuite (dite chaude) ou d’une légitime défense
contre des navires pirates ou belligérants.
Le droit de poursuite peut être exercé en haute mer par un Etat
côtier à l’encontre d’un navire civil battant pavillon d’un Etat
tiers qui a commis une infraction à ses lois et règlements dans
les eaux intérieures, la mer territoriale, la zone contiguë ou
la Zone Economique Exclusive (ZEE). Dans ce cas seulement,
l’Etat côtier peut le poursuivre en haute mer, l’arraisonner, le
dérouter vers l’un de ses ports et éventuellement le
sanctionner. La poursuite doit avoir débutée dans les eaux
dépendant de la juridiction de l’Etat côtier et s’être
poursuivie en haute mer sans interruption.
Le droit de poursuite a été reconnu par la
conférence de La Haye en 1930 et repris par la Convention de
Genève de 1958, relative à la haute mer dans son article 23. La
Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 (CMB) reprend
l’essentiel des règles de Genève 1958. Les conditions de
l’utilisation du droit de poursuite sont mentionnées dans son
article 111.
Certes, le droit international admet
l’intervention en haute mer des Etats côtiers dans le cadre de
la lutte contre la pollution émanant de pétroliers ou d’autres
navires et/ou la pêche de certaines espèces, mais l’intervention
motivée par la légitime défense, appelée aussi
« autoprotection » est loin d’être unanimement admise.
En effet, une intervention sous ce prétexte
va à l’encontre des règles du droit de la mer, en particulier
celle de la liberté de navigation. Ni la convention de Genève de
1958, ni la Convention de Montego Bay n’évoquent l’intervention
en haute mer sous prétexte de la légitime défense.
Israël ne se trouvait dans aucune des
situations précitées pour engager une opération d’une telle
violence dans les eaux internationales. En effet, Il n’y a eu ni
infraction au droit international, ni passage par les eaux
territoriales israéliennes pouvant donner lieu à un droit de
poursuite, ni piraterie ni belligérance.
"Le droit international est clair pour la
navigation maritime: il se base sur le principe de la liberté de
la haute mer. Aucun Etat n'a le droit d'y exercer ou d'y faire
exercer sa souveraineté, qu'elle soit militaire ou douanière»,
déclare à TF1, Olivier Corten, professeur de droit international
à l'Université libre de Bruxelles.
« Israël a commis un acte de violence
en haute mer qui est indiscutablement contraire au droit
international », affirme à son tour Serge Sur spécialiste du
droit international public, Le Monde.fr, 10 juin 2010
Israël et ses plaideurs ont invoqué le manuel
de San Remo du 12 juin 1994 pour justifier l’attaque en
question. C’est un non-sens parce que le manuel de San Remo
traite du droit international applicable aux conflits armés sur
mer ; il n’a donc rien à voir avec l’attaque d’un convoi civil
humanitaire. Les navires de la flottille de la liberté
arboraient des pavillons turcs et grecs. Or ni la Turquie ni la
Grèce ne sont aujourd’hui en guerre contre Israël.
Aussi, dois-je saisir cette occasion pour
poser une toute petite question à ces ardents défenseurs de
l’indéfendable : Pourquoi Israël n’applique-t-il pas la clause
du Manuel San Remo (article 102, 103 et 104 ) stipulant que les
blocus destinés à affamer la population civile sont interdits et
que la puissance imposant le blocus doit permettre le passage de
secours si la population civile du territoire soumis au blocus
est insuffisamment approvisionnée en nourriture et autres biens
nécessaires à sa survie ?
Croyez-vous donc en une partie de la Loi et
rejetez-vous le reste ?
Il est navrant de constater encore une fois que ce raid
meurtrier dans les eaux internationales ait pour cible un convoi
humanitaire destiné à porter secours à une population affamée.
S’agissant en plus d’un secours qui pourrait contribuer à
alléger les souffrances de centaines de milliers d’enfants et de
femmes, souffrances dont Israël est l’unique responsable.
Israël se considère en guerre sans se
conformer au droit de la guerre. Une puissante occupante qui se
soustrait à ses devoirs en tant que telle. Notamment
l’obligation d’assurer l’alimentation de la population, de « lui
apporter les denrées alimentaires, les fournitures médicales et
autres articles nécessaires, ou autoriser l’acheminement de
secours si les ressources du territoire occupé sont
insuffisante », tel qu’il ressort des dispositions de la
quatrième Convention de Genève (art.55 et 59, par.1) et le
premier protocole additionnel à cette Convention (art. 68 à 71).
Israël tire sa force de la faiblesse des
régimes arabes.
Certes, l’Etat sioniste compte sur la
protection et le soutien de la première puissance mondiale. Mais
en réalité il existe d’autres facteurs à l’origine de
l’impudence de cet Etat qui ne recule devant rien, qui n’hésite
pas à se battre avec les rochers et les arbres, avec « tout ce
qui bouge ».
Israël exploite les défauts des pouvoirs en
place dans le monde arabe. Il sait qu’il a affaire à des
dirigeants corrompus et illégitimes qui ne font pas le poids. Il
connaît à fond leurs dossiers ; il est conscient de la félonie,
de la complicité de certains d’entre eux.
Il agit envers eux exactement comme agit un policier envers un
voleur pris en flagrant délit et qui lui dit : Ecoute, je peux
t’arrêter immédiatement, mais je te laisse en liberté à
condition que tu collabores… ! Or, il ne faut pas s’étonner
qu’il y ait parmi eux des collaborateurs !
Est-il possible de prendre des sanctions
contre Israël ?
Il serait superflu de démonter qu’Israël
représente une menace pour la paix et la sécurité mondiale.
L’impunité dont il bénéficie ne fait qu’aggraver cette menace,
outre le fait qu’elle porte un coup sérieux au crédit du droit
international. Israël ne cesse de faire preuve d’un esprit
belliqueux qui fait de lui un Etat méchant et agressif, en
guerre contre ses voisins, alors que ces derniers s’échinent à
lui montrer patte blanche, à lui tendre la main pour la paix.
D’une manière générale et compte tenu des
crimes, des hostilités et des violations multiples qu’Israël ne
cesse de commettre, aucune sanction de quelque nature qu’elle
soit, diplomatique, économique, financière ne serait exagérée ni
injuste à l’encontre de ce pays.
Dans le cas précis de la dernière agression contre la flottille
de la liberté, plusieurs sanctions et mesures peuvent être
envisagées. Les Etats arabes doivent se joindre à la Turquie
pour rompre toute relation avec ce pays et exiger des sanctions
par l’ONU, l’Union européenne et d’autres instances
internationales.
Il me semble que l’enquête internationale
n’est pas nécessaire dans la mesure où l’assaut s’est déroulé
dans les eaux internationales contre des civils qui n’étaient
pas armés. Sans doute, s’ils étaient armés, il y aurait eu des
morts parmi les soldats israéliens.
De plus, il est souhaitable que l’enquête soit menée par une
juridiction internationale neutre, telle que la Cour pénale
internationale, la Cour internationale de justice, ou même le
Tribunal international du droit de la mer, même si Israël n'a
pas ratifié le traité de Rome et la convention sur le droit de
la mer.
Enfin toute action, toute plainte, toute
sanction tendant à mettre fin à l’impunité d’Israël ne peut être
que juste et légale et partant, la bienvenue.
1) Même si une manœuvre de dernière minute a
tenté de remplacer le pavillon turc par un pavillon comorien. Il
demeure en effet évident que le navire est de nationalité
turque.
Le dossier la «Flottille de la Liberté»
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