Opinion
Tunisie :
«déjà-vu» ?
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 27 octobre
2011
Où est-il
ce "déjà-vu" dont certains analystes à
la petite semaine hument l'air ? Il faut
dire que les raccourcis sont devenus des
voies royales pour expédier, en deux
traits de plume, les approches
concernant les Arabes et assimilés. Les
Tunisiens n'en sont pas quittes. Après
le «printemps» généralisé avec le mépris
qui sied à l'égard du magma «arabe»
indifférencié, voilà que la Tunisie doit
subir, assurément, le sort de l'Algérie
des années 90. Ennahda égal FIS, une
équation dont la rigueur se dispute avec
sa simplicité. En conclusion, c'est là
que se trouve le péremptoire
«déjà-vu». On ne dit pas pourquoi et on
ne s'attarde pas sur les ingrédients
sociopolitiques compliqués. On fait dans
le digest et dans le simple, car il
s'agit de vider le débat et, en plus,
cela permet de paraître savant et de
connaître son Histoire. C'est cette
«politologie» érigée en science qui va
sévir sur les plateaux télés et dans les
pages de journaux, avides d'audimat, de
lectorat et de recettes publicitaires.
Il s'agit de tenir en haleine son
public. Un sujet en béton à l'ère de la
«démocratisation» de ces sociétés
bizarrement réfractaires. Certains vont
y trouver la confirmation que la
démocratie n'est pas bonne pour les
«Arabes», qui votent invariablement
islamistes dès qu'on leur en donne
l'occasion, les autres vont argumenter
sur l'existence d'un «islam modéré»
qu'il faut promouvoir. Cette catégorie
n'explique rien de ce qu'elle entend par
«modéré» mais ne se gêne pas pour exiger
qu'il en soit ainsi. Faute d'injecter la
«démocratie» prêt-à-porter, le modèle en
vogue est le parti turc de l'AKP. Une
sorte de module acculturé, absolu,
désocialisé, a-historique, opérationnel
en tous temps et lieu, pour ces peuples
à problèmes. Ne sommes-nous pas en
présence de «musulmans» ? Turcs,
Tunisiens, Libyens, tous les mêmes, que
sont ces peuples au chevet desquels,
l'Occident préoccupé, se penche, en vue
d'en décrypter les ressorts. Pour le
moment, ils doivent se satisfaire chacun
d'un AKP qui fait recette sur les bords
du Bosphore, qui se complaît dans l'OTAN
et qui ne trouve pas de mal à ce
qu'Israël soit de ses relations
privilégiées (même si ces temps-ci il y
a une petite brouille). Alors Ennahda,
qui est «travaillée» dès sa
clandestinité, va certainement faire de
son mieux pour ne pas être débordée par
les purs et durs, par ceux qui prennent
l'Islam à ses sources et non dans les
aménagements qu'il a subis et surtout
par ceux qui vont faire rimer Islam et
justice sociale. Ennahda, de plus, n'a
pas besoin de faire le méchant, puisque
sa direction ne voit aucun mal dans le
système qui prévaut mondialement. Elle
sera, même, favorable à ce que les
mécontents qui chôment, qui ne logent
pas, qui sont mal payés, ne se mettent
pas à rêver de révolution. Tout ça est
connu d'avance, il suffit de constater
que la «démocratisation» de la Libye
voisine s'est faite avec l'implantation
de la Charia par l'OTAN elle-même. Une
Charia inoffensive pour les
colonialistes et qui fait prier les
musulmans sous leurs étendards. Les
islamistes tunisiens ne feront rien qui
dérangera le marché. Là se trouve
l'essentiel. Mais, les peuples ont tout
le temps de se déterminer, même si,
comme le pensent d'aucuns, ils ont
encore tendance à prendre (ou à parier
sur) ce qui leur paraît le plus
simple à comprendre.
Article publié sur
Les Débats
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