Opinion
Egypte : «C'est la
suite de la révolution»
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 23 novembre
2011
Tant la
situation sociale et économique a
atteint un seuil de radicalité
insoutenable, il était évident que la
révolution égyptienne ne devait pas
s'arrêter à la procédure cosmétique du
limogeage de Hosni Moubarak. Elle donne
de nouveau des vies face à un système
meurtrier. Les jeunes révolutionnaires
disent ne plus se satisfaire d'un
relooking du système. Ils ont donc
réoccupé la place Tahrir au Caire, et
différents lieux à travers le pays. Ils
sont contre une «charte
constitutionnelle» qui maintiendrait la
tutelle des militaires, sur le pays, et
exigent la destitution du régime
militaire, représenté par le Conseil
supérieur des forces armées (CSFA) et la
mise en place d'un gouvernement de
transition constitué de civils. Ces
revendications veulent une rupture
concrète avec l'appareil d'Etat en place
et non une recomposition de façade, qui
n'aboutira qu'à sa reconduction sous une
forme trompeuse. Ce retour en force de
la contestation a de ce fait bouleversé
le cours voulu par le CSFA, ses alliés
politiques et ses soutiens étrangers.
Les Frères musulmans, désignés comme la
principale force, devaient rafler la
mise électorale et rétablir la stabilité
perdue, sans trop déranger l'ordre
établi. Leur compromission avec les
militaires et leur adhésion à la
transition qu'ils ont proposée va
certainement leur infliger des coupes
sombres dans leur popularité supposée.
Mais, a contrario, aucune direction
visible ne se dégage encore en tant
qu'expression de la révolution en cours.
Constitué des victimes de la
libéralisation économique, des courants
d'extrême gauche et de nombreux
militants démocrates, le mouvement se
contente d'une plate-forme minimum,
celle de pas laisser le régime perdurer.
Les objectifs des uns et des autres
restants assez confus, il n'en demeure
pas moins qu'une dynamique effrénée
s'est bien déclenchée en janvier dernier
et que rien ne fera plus que les
Egyptiens reviendront à l'ancienne forme
de gouvernance. Sauf, possiblement, un
bain de sang. L'onde de choc, en dehors
des frontières, est aussi importante que
l'issue n'est pas celle qui avait été
espérée. Surtout que le CSFA avait
semblé avoir repris en main la
situation. Et la population, hormis les
violences interconfessionnelles, donnait
l'impression de s'être contentée de
l'éviction du raïs. La première à réagir
aux événements, la France officielle se
dit «vivement préoccupée». Coincée entre
son discours vis-à-vis du «printemps» et
ses intérêts, elle appelle les deux
parties, «forces de l'ordre» et
«manifestants», à faire «preuve de
responsabilité». Elle est suivie par les
USA, qui sont «profondément inquiets»,
qui appellent «toutes les parties à la
retenue» et qui demandent que soient
maintenues les prochaines élections
législatives (comme quoi certaines
révolutions ne sont pas les bienvenues).
Sur le terrain, ce sont les islamistes
qui voient se tourner vers eux tous les
regards, dans l'espoir qu'ils
interviennent pour calmer la rue. Très
vite, ils avaient déclaré que «les
Egyptiens et les Frères musulmans avec
eux n'accepteront jamais toute tentative
de repousser les élections». Se situant
d'emblée à contre-courant des
contestataires, ils avaient sûrement
sous-estimé la détermination des
insurgés, qui comptent, malheureusement,
des dizaines de morts et des centaines
de blessés graves. Fort du soutien des
«Frères» et de celui de la «communauté
internationale» le CSFA fait la sourde
oreille, durcit la répression et
comptera peut-être rester jusqu'à la fin
du processus «démocratique», malgré un
premier et grave revers, celui de la
démission du gouvernement.
Article publié sur
Les Débats
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