Opinion
Constitution verte
ou pas...
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 18 décembre
2012
Que la
Constitution des Frères passe, comme il
semble bien au vu des décomptes des
bulletins des zones les plus
réfractaires au projet, ou qu'elle ne
passe pas au final, les Egyptiens vont
se retrouver, qu'ils le veuillent ou
non, face à leurs réalités. Sur ce
terrain, tout sera égal par ailleurs.
Avoir voté pour ou contre ne sera
d'aucune utilité. Pour les travailleurs,
les pauvres, les exclus, pour ces damnés
de la terre, ils n'auront pas pour
autant changé de camp. Même s'ils se
seront affrontés, en défense des Frères
ou contre les Frères, ils n'auront rien
changé au fait que la misère, qui peut
les envelopper, sera là à les attendre.
On a pu entendre certains, à la place Tahrir, tenter d'en parler, très peu
nombreux, presque inaudibles. Ceux-là
savaient que, par-delà le bruit et les
passions enflammées, le problème
fondamental était que les Frères
construisaient une légitimité religieuse
au système qui devait avoir été détruit
par la «révolution». Ces Frères – qui
ont lutté pour un Etat islamique
chimérique aux contours indéfinis et
qu'ils continuent de vendre aux millions
d'Egyptiens, qui continuent d'y voir la
réalisation du paradis sur terre – ont
beaucoup évolué et avaient fait preuve
de compromission avec Hosni Moubarak
dans sa politique de libéralisation de
l'économie. Ce faisant, ils avaient
ouvertement soutenu les restructurations
économiques qui ont jeté à la rue des
centaines de milliers de salariés et se
sont démarqués des manifestations
populaires, des grèves ouvrières et de
toutes les luttes des
laissés-pour-compte, y compris du
soulèvement qui a conduit à la
conjoncture actuelle. Ils ont fait une
mue organique en sélectionnant leurs
membres parmi les couches moyennes et
les hommes d'affaires parés des
attributs «islamiques». La confrérie
confortait ainsi sa nature de
représentant des nantis, en conformité
avec la ligne qu'elle assumait contre le
«socialisme arabe» et le nationalisme de
Djamel Abdelnasser. Avec le soutien
manifeste des Etats-Unis et du camp
occidental, en général, qui croient que
le courant islamiste est une alternative
aux débordements possibles que porte en
germe la dynamique sociale, les Frères
n'ont pas tardé à donner le change, en
rassurant Israël et en offrant, en
perspective, une garantie aux marchés
que le mécontentement des masses
déshéritées sera mieux contenu en
protection de leurs intérêts. A ce
propos, le souvenir est présent de cette
pression des syndicalistes, des
nationalistes et des victimes des plans
de restructuration de la finance
internationale qui a poussé le Conseil
supérieur des forces armées (CSFA) à
renoncer aux prêts conditionnés du Fonds
monétaires international (FMI). Ce que
les Frères musulmans, alliés déclarés de
la continuité, de la stabilité du
système et partisans du respect des
accords internationaux passés, comptent
inverser, après avoir réussi à capter
les espérances et à encadrer une partie
de la grogne sociale. Cependant, si pour
le moment il est surtout question de la
stabilité du pays et de conflits de
pouvoir, les Egyptiens ont depuis
longtemps atteint le seuil du tolérable
en termes de pauvreté, alors qu'il n'y a
plus d'autres perspectives que
l'aggravation de la situation dans une
société profondément inégalitaire. Tôt
ou tard, si ce n'est pas en train de
couver, les Frères devront tomber leur
masque devant ceux qu'ils ont grugés.
Article publié sur
Les Débats
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