Opinion
Tunisie : un
«printemps» en hiver
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Jeudi 12 avril 2012
Cela la fiche mal pour la propagande en
cours contre les « Arabes » et
assimilés. Le premier « printemps »
estampillé « arabe » prend une tournure
où les fleurs n’ont pas du tout de
place, le jasmin encore moins. Par deux
fois, ces jours-ci, les Tunisiens ont
goûté par milliers aux gaz lacrymogènes
et à la matraque. La première fois
c’était pour avoir voulu parler du
chômage, la seconde pour avoir voulu
commémorer les morts sous les balles de
la police de Zine El Abidine Ben Ali,
devenue la police des Frères. Une
passation comme seules certaines «
révolutions » savent en faire. La
révolution, pensent les jeunes insurgés,
a été confisquée. Les plus concernés
disent qu’elle n’a jamais eu lieu. La
presse mondialisée, Béji Caïd Essebsi,
les Frères, les ex chaînes de télévision
de Ben Ali, les ex journaux de Ben Ali
et les spécialistes des « printemps »,
estiment que oui. D’autant que ce sont
les Frères qui sont au pouvoir.
D’ailleurs, c’est pour cela que ni
Hillary Clinton, ni son poulain Barak
Obama, ni aucun membre attitré de la «
communauté internationale » ne s’est ému
du tabassage des manifestants à Tunis.
Ce qui confirme qu’on ne remet pas en
cause, impunément, un « printemps » qui
a été homologué et certifié comme tel,
jusqu’au cœur du G8, fut on le peuple
qui est censé l’avoir fait. Les Frères
qui ont manifesté, lancé des menaces de
mort, tabassé des artistes et fustigé la
« démocratie », n’ont pas été inquiétés,
ni même dérangés. On verra s’ils le
seront, à l’avenir. Parce qu’il est sûr
qu’ils vont revenir rappeler leurs
préoccupations, tant qu’elles ne seront
pas satisfaites. Mais les réprimer va
être une autre paire de manche. A moins
qu’il y ait une volonté, soutenue par
ailleurs, de faire rentrer tout le monde
à la maison. Dans ce cas là, la Tunisie
n’aura pas fini de sortir de la nuit où
elle s’enfonce, loin des caméras «
printanières ». Là-bas, dans son palais
Saoudien, Ben Ali doit se demander
pourquoi on a mis fin à ses fonctions
pour ne rien changer au fond. Lui sans
se réclamer ni de la « révolution », ni
du « printemps », faisait le travail
beaucoup mieux que ses successeurs
actuels. Pour le comble de l’ironie,
c’est son programme que lui a concocté
avec le Fonds monétaire international
qui a été repris. Sauf s’il estime qu’il
s’en sort à bon compte, maintenant qu’il
va falloir donner des coups, sans
discontinuer, à un peuple qui ne veut
plus se laisser faire, ou lui faire du
chantage pour le calmer. Comme vient de
le faire le ministre du tourisme, Elyes
Fakhfakh, qui conditionne le retour des
touristes par « la stabilité des
conditions sécuritaires et sociales du
pays ». Sans préciser, de plus, où se
trouvait le mérite du nouveau
gouvernement de tabler presque
exclusivement sur une activité qui
fleurissait bien avant qu’il s’en
préoccupe. Une preuve, en fait, que le
souci prioritaire est de restaurer la
carte postale et de cacher le reste.
D’où la violence inconsidérée pour
nettoyer la capitale, la vitrine qui
donnera l’illusion que tout va mieux, et
pour que les médias ne se sentent pas
obligés de rapporter que rien ne va.
Article publié sur
Les Débats
Copyright ©
2001-2011- MAHMOUDI INFO Sarl - Tous
droits réservés.
Reçu de l'auteur pour publication
Les analyses d'Ahmed Halfaoui
Le dossier
Tunisie
Les dernières mises à jour
|