Opinion
Les Libyens
veulent re-révolutionner
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mercredi 6 février
2013
La "révolution" de l'OTAN en Libye a
peur. Deux ans après sa "victoire", elle
n'a pas convaincu les Libyens.
Jusqu'ici, il y avait ces centaines de
milliers de miliciens et autres hommes
armés qui n'ont jamais fait confiance au
"pouvoir" de Tripoli, qui ont tenu soit
à faire leur propre loi, soit à se
protéger, au sein du chaos qui prévaut.
Aujourd'hui, il semble bien qu'un
nouveau développement de la situation
est en cours. Ce sont des appels à un
"soulèvement populaire", à la
"désobéissance civile", à "faire des
réserves de nourriture et de carburant"
et il est question de "faire tomber le
régime". Autant de slogans qui, en
principe, n'ont plus lieu d'être,
puisqu'ils ont déjà servi et sont censés
avoir atteint leurs objectifs, avec
l'adoption du drapeau du roi Idriss,
l'assassinat de Mouammar Kadhafi et
l'installation du CNT en tant que
"représentant du peuple libyen". Il y a
même eu des élections, démocratiques
nous di-on, les premières, qui ont
désigné des députés, malgré l'insécurité
et la terreur que font régner des hordes
incontrôlées. Tout compte fait, ce n'est
apparemment pas suffisant, ni même ce
qu'il fallait. Le 15 février prochain
sera la journée de tous les dangers nous
dit celui qui fait office de ministre de
l'Intérieur. Il craint "de voir les
mouvements de protestation…perdre leur
caractère pacifique". Il y a de quoi. Il
ne sait rien de ce qui se passe au sein
de ces centaines de petites armées qui
écument le pays, ni même au sein de ces
groupes réunis pour constituer une armée
"gouvernementale" et qui ont maintenu
leur autonomie et leur propre
hiérarchie. Une autre raison à la peur
du ministre, les appels sont partis de
Benghazi et circulent à travers les
réseaux sociaux sur Internet. Toute une
symbolique, si l'ont se rappelle que la
"révolution" en place a suivi exactement
le même itinéraire. En réponse il n'y
avait pas d'autre réaction que de mettre
en état d'alerte ce qui sont censés être
des "services de sécurité", pour parer à
l'éventualité d'une "deuxième
révolution". En fait il est très peu
probable qu'elle ait vraiment lieu, sauf
peut-être sous la forme d'un passage à
un autre stade de la décomposition qui
affecte le pays. Pour la simple raison
qu'il n'y a pas à proprement parler un
mouvement identifiable qui pourrait
offrir une alternative au régime actuel.
En 2011, le CNT porté par l'alliance
atlantique, l'ONU et les télévisions du
monde entier, a pu fédérer une partie
des Libyens de l'est, au moins tant
qu'il s'agissait de s'opposer à Kadhafi,
et servir de direction. Cette fois-ci,
ce n'est pas le cas. On doit donc plutôt
s'attendre, sans plus, à une protesta à
caractère sociale, même si les slogans
sont radicaux et peuvent faire croire à
une dynamique plus profonde. L'absence
de tradition dans le domaine intervient
certainement pour beaucoup dans les
excès de langage enregistrés. Ceci dit,
dans un pays démembré, tout reste
possible en terme d'aggravation de
l'insécurité et d'extension de la
violence à des franges plus larges de la
population. Toujours est-il que nous
assistons à un événement qualitativement
différent de ce qui se produisait durant
les deux années écoulées.
Article
publié sur
Les Débats
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