Opinion
Ouyahia et son
écart
Ahmed
Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 4 octobre
2011
Le Premier
ministre, comme à son habitude, a eu
beau jeu de s’en sortir avec brio de sa
«confrontation» avec la presse. Ce qu’il
fait d’ailleurs régulièrement avec des
députés, peu armés pour soutenir sa
maestria des dossiers et de leurs
chiffres, dont pas grand-monde se soucie
ou fait l’effort de les analyser. Cette
fois, il s’est permis un écart
quand il aurait dû se réserver le temps
de réfléchir avant de se lâcher et de
déverser une opinion, quand on attendait
de lui une information. Il a peut être
voulu détourner la question sur la
fermeture des bars, cette mesure
insidieuse, qui ne manque pas d’être
fortement teintée d’hypocrisie
politique. Il a voulu s’en sortir en
surfant maladroitement sur la question
qui lui a offert le cadeau d’invoquer
l’emploi. Il s’est fait un plaisir de
marquer la provenance étrangère des
produits et en supposant la «violence»
et les «problèmes de santé» que ces
lieux produiraient. Ce qu’on peut lui
reprocher c’est d’avoir, en tant
que décideur, en tant que régulateur en
chef de la société, ignoré la pudeur qui
est de mise devant ce tabou. Alors qu’il
aurait pu y aller franchement de sa
volonté de normaliser la société, si
cette mission lui a été attribuée. Il
faudrait un débat qu’il n’organisera
pas. Parce qu’on lui demandera ce qui
lui donne le droit de criminaliser des
centaines de milliers d’Algériens. On
lui demandera, aussi, de quel droit il
transforme en délinquants et renvoie à
la marge d’honnêtes citoyens. Il devra,
dans la foulée, expliquer ce qu’il
compte faire contre les nuisances des
débits clandestins qui pullulent du nord
au sud et d’est en ouest, suscitant la
constitution de véritables réseaux de
trafiquants, en attendant les
distilleries clandestines, dont les
nuisances sont et seront loin d’être
comparables aux «nuisances» des
bars ayant pignon sur rue, payant
l’impôt et étant soumis aux contrôles et
à la réglementation. Non ! On ne
s’en sort pas avec des formules à
l’emporte-pièce, en triomphateur sûr du
soutien de la doxa dominante et des
bigots sans prétention philosophique.
Pas à ce niveau de responsabilité. Le
pouvoir le plus fermé de la planète peut
témoigner. L’Arabie saoudite, le temple
de la morale immaculée servie à qui veut
bien, est en fait un concentré de
frustrations, de vices dissimulés et de
duplicité sociale. Aucun interdit
n’échappe aux trafics. A commencer par
la fabrication clandestine d’alcool,
les filières de contrebande de liqueurs
fortes et de psychotropes, qui donnent
des colères sourdes aux gardiens des
bonnes mœurs. In fine, le débat serait
intenable pour le Premier ministre dont
les certitudes semblent, en définitive,
bien surfaites. Il s’en rendrait compte
s’il n’avait le tournis que procurent
les cimes du pouvoir. Un signe, l’ENTV
aurait censuré le passage incriminé. Un
correctif qu’il aurait lui-même apporté,
en mesurant la malséance de son propos ?
Qui sait ? Toujours est-il que quelque
chose s’est passée qui démontre que
l’équivoque sur la liberté des Algériens
d’avoir le choix n’est pas encore levée,
ni en bien, ni en mal. Question : que
répondra-t-il, la prochaine fois qu’on
lui posera la même question, mais en
plus clair ?
Article publié sur
Les Débats
Copyright © 2001-2011- MAHMOUDI INFO
Sarl - Tous droits réservés.
Reçu de l'auteur pour publication
Les analyses d'Ahmed Halfaoui
Le dossier
Algérie
Les dernières mises à jour
|