Opinion
Syrie : des leçons
pour supplétifs
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 1er octobre 2013
La fonction de supplétif
est l'une des plus compliquées qui soit.
La preuve en a été donnée par l'atroce
situation dans laquelle s'est trouvé le
président français, François Hollande,
sur le dossier syrien. Le Nouvel
Observateur vient de remuer le couteau
de la plaie. Il a pu recueillir des
informations sur le déroulé de la
journée du samedi 31 août, le " J-1 ",
qui devait précéder le jour de la "
punition " du " régime de Bachar El Assad ". " Les frappes sont pour ce soir
", il ne faisait aucun doute, mais à la
Défense, un membre du commandement avoue
: " nous ne maîtrisions pas : le
calendrier. C'est Obama qui devait
donner le top départ ". De l'autre côté
de l'Atlantique, de Washington, le
président étatsunien allait appeler sur
la " ligne directe et sécurisée ". Nous
pouvons le confirmer, maintenant, Obama
se préoccupait fort peu des émois du
Français. Lui, il avait la décision et
n'avait besoin que de donner des ordres,
et surtout gérait l'affaire au mieux des
intérêts stratégiques de son pays.
Pendant qu'en France tout l'appareil
d'Etat était mobilisé et attendait dans
une fébrilité insoutenable que le
téléphone sonne, Obama était sûrement en
train de négocier avec les Russes, en se
donnant le temps pour la chose,
puisqu'il a décidé de consulter ses
parlementaires, en vacances à ce moment.
Là encore, nous savons ce qu'il est
advenu. L'aboutissement à un accord
entre les Etats-Unis et la Russie qui
enterre pratiquement tout recours à la
confrontation armée, qu'aurait peut-être
déclenchée une agression atlantiste
contre la Syrie. Accord suivi d'une
résolution du Conseil de sécurité, loin
de toute contrainte majeure et de menace
de guerre d'agression. Et il n'y a pas
que le pouvoir français à avoir goûté à
l'amertume de la désillusion. Il y a
aussi ces " oppositions " syriennes qui
jubilaient de se voir gratifiées de
bombardements qui leur offriraient la
Syrie. Elles ont dû déchanter, tandis
qu'Al-Qaïda se renforçait et ne laisse
plus aucun doute sur son hégémonie
militaire. Et voilà que se pointe pour
les semaines qui viennent une Conférence
internationale sur la Syrie, où il
s'agit pour la Coalition d'Istanbul
(CNS) de se constituer en interlocuteur
crédible et représentatif, alors que les
groupes armés lui dénient toute
reconnaissance. Ban Ki-moo, le
secrétaire général des Nations Unies,
obligé de faire le travail pour lequel
il est payé, l'incite à " entrer en
contact avec les autres groupes
d'opposition pour former une délégation
représentative et unie ", car il s'agit
ni plus ni moins que de se préparer à "
entreprendre un dialogue sérieux aussi
vite que possible ". Une entreprise qui
est autrement plus compliquée que de
prendre directement le pouvoir des mains
de l'OTAN. Après la destruction du pays,
cela s'entend. Nous voilà donc devant le
spectacle offert par des comparses en
plein désarroi, devant les
développements inattendus de l'agenda
étatsunien et devant un tirage de cartes
insoupçonnées. C'est le sort des pantins
que d'être soumis au bon vouloir des
tireurs de ficelles, la leçon devrait
servir à bien d'autres candidats à
l'allégeance aux puissants.
Article publié sur
Les Débats
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