Opinion
Égypte : Les
Frères et la Grande Muette
Ahmed
Bensaada
Mohamed
Morsi
Samedi 29 décembre
2012 http://www.ahmedbensaada.com/
Lorsqu’en août
dernier Mohamed Morsi, le premier
président égyptien civil élu, s’en est
pris à l’armée de son pays, les médias
« mainstream » ont salué son exploit
« épique » et l’éclosion des titres
dithyrambiques ne s’est pas fait
attendre: « Le
président égyptien frappe l'armée à la
tête », «
Le président Mohamed Morsi défie l'armée »,
« Le
président Morsi frappe un grand coup
contre l'armée », etc.
Un « spécialiste » a poussé le
raisonnement jusqu’à faire usage
d’expressions sorties d’un conte
africain, comparant Morsi à la mangouste
qui attaque le cobra dont « la seule
chance de survie est de mordre le
redoutable mammifère avant que ce
dernier ne le saisisse à la gorge ». Et de conclure :
« C'est
ce qu'a fait le président islamiste
Mohamed Morsi face à l'armée » [1] :
la fabuleuse victoire du
président-mangouste sur la redoutable
armée-cobra, confirmation de
l’omnipotence de la confrérie des Frères
musulmans (dont est issu Morsi) et gage
de l’inexorable marche vers la
démocratie, terrassant tout sur son
passage.
Morsi et
le CSFA
Il est vrai que le
président Morsi a (apparemment) réussi à
« pousser » à la retraite le
maréchal Hussein Tantaoui (77 ans),
inamovible ministre de la Défense depuis vingt ans,
ainsi que le chef d'État-major de
l'armée, le général Sami Anan (64 ans),
numéro deux du Conseil suprême des
forces armées (CSFA), ce qui n’est pas
une mince affaire.
Pour donner de la
consistance à l’acte, cette décision
présidentielle a même été accompagnée de
rumeurs d’assignation à résidence
surveillée des deux nouveaux
« retraités », mais elles ont rapidement
été démenties.
Cependant, ces mêmes médias ont été
moins loquaces sur le fait que le
nouveau Raïs a non seulement décidé de
les
nommer tous deux « conseillers auprès du chef de l'État », mais qu’il les a décoré,
deux jours après leur soi-disant
limogeage.
Notons, au passage, que la cérémonie de
décoration fut retransmise à la
télévision nationale, détail révélateur
de l’importance de l’évènement. On y a
vu un
président se confondre en
remerciements, déclarant à l’endroit de
Tantaoui: « Compte tenu de votre loyauté et de votre amour pour la nation, il s'agit
là d'un geste de gratitude de la part du
peuple égyptien, et non de son
président, envers un homme qui a été
loyal à son peuple et à son pays. Que
Dieu vous apporte le succès ! »
[2].
Le maréchal reçut le « Collier du Nil »,
la plus haute distinction du
pays, alors que le général fut décoré de
l’« Insigne de la République ».
Le maréchal Hussein Tantaoui
a été remplacé par Abdel Fattah
el-Sissi, chef des renseignements
militaires. Ce général s’est fait
connaître, dans la période
post-Moubarak, pour avoir justifié les
« fameux » tests de virginité que les
militaires faisaient subir aux
manifestantes égyptiennes [3].
Bien que certains observateurs aient interprété la cérémonie de
décoration comme le désir de Morsi de
ménager l’armée, il apparaît plutôt que
la décision de « mise en retraite » ait
été prise
en commun accord avec les deux
militaires et le CSFA [4].
D’autant plus qu’il semblerait, selon
des sources bien informées, que le
général Anan «
jouit
de
très bons rapports avec les Frères
musulmans » [5], comme nous allons
nous en rendre compte un peu plus tard.
Morsi et les commémorations historiques
Mais le président Morsi ne s’est pas uniquement contenté de cette
cérémonie. En effet, moins de deux mois
après cet évènement, il a profité de la
date anniversaire de la « guerre
d’octobre 1973 » pour décorer, à
titre posthume, l’ancien président
Anouar Sadate. Une distinction identique
à celle décernée au maréchal Tantaoui
fut remise au fils de l’ancien
président. Ironie du sort, c’est à cette
même commémoration que, 31 ans
auparavant, presque jour pour jour,
Sadate avait été assassiné par des
militaires appartenant au Jihad
islamique égyptien, mouvement fondé par
d’anciens membres de la confrérie des
Frères musulmans.
Tentant une explication de ce geste hautement politique, le journal
libanais « Essafir » explique que la
démarche du président islamiste «
jette la lumière sur la relation
intéressante née au cours des années 70
du siècle dernier, entre Sadate et les
directions islamistes, notamment celles
les plus fondamentalistes, dont il a
libéré nombre de ses membres des geôles
nassériennes, et les a utilisés d’une
manière ou d'une autre dans
l’affaiblissement de ses opposants
politiques nassériens, nationalistes,
gauchistes et autres, avant que les
formations islamistes ne se retournent
contre lui, jusqu’à son assassinat sur
la tribune de commémoration de la guerre
d’octobre » [6].
Certains, adeptes de la théorie de la « mangouste », ont avancé
l’explication selon laquelle la « mise
sur la touche » des deux officiers
supérieurs, permettait au président
Morsi de mettre fin à la « génération de
1973 » pour laisser la place à des
militaires plus jeunes [7]. Avec la
décoration posthume de Sadate, la boucle
serait donc bouclée.
Il va sans dire que cette frénésie soudaine de décorations
militaires remises par un
président
qui est, ne l’oublions pas, civil, est
très curieuse surtout si on tient compte
de la courte période qui s’est écoulée
depuis son accession à la magistrature
suprême et de la relation tourmentée
entre la confrérie et l’armée égyptienne
dans les dernières décennies.
Mais le plus intéressant dans cette affaire vient du fait que
certaines personnalités qui ont marqué
de manière indélébile l’histoire moderne
de l’Égypte ont été volontairement
occultées par le président Morsi.
À ce sujet, certains observateurs ont remarqué que l’incontestable
leader historique,
feu le président Jamal Abdel
Nasser, n’a pas été décoré (à titre
posthume) lors des célébrations du 60e
anniversaire de la « révolution du 23
juillet 1952 ». Pire encore, le
président issu des Frères musulmans
s’est contenté à cette date d’un
discours télévisé dans lequel il a
adressé des critiques implicites et
explicites à l’ère nassérienne [8].
Commentant cette ère, Névine Ahmed écrit: «
Personne ne peut nier que cette période reste très douloureuse dans
l’esprit de plusieurs, notamment des
Frères musulmans, avec les détentions et
tortures dans les prisons. Il existe
donc une hostilité historique entre les
Frères et l’époque de Nasser » [9].
À cette vérité de La Palice, on peut juste se demander, de concert
avec les (de plus en plus nombreux)
détracteurs du nouveau
Raïs, si Morsi est le président
de tous les Égyptiens ou seulement des
Frères musulmans, comme semble
l’indiquer sa mémoire historique
sélective.
Certes, Nasser est considéré par la confrérie comme le
« pourfendeur » de l’islamisme, mais il
n’y a pas que cet aspect de la politique
nassérienne qui justifie cette
« amnésie » sélective. En effet, il est
de notoriété publique qu’aussi bien
l’armée égyptienne que le gouvernement
islamiste au pouvoir sont des alliés de
l’administration américaine. La première
est tenue par une généreuse rente
annuelle alors que le second profite
d’un indéniable soutien politique
« post-printanier ». Bien au contraire,
Nasser et les États-Unis se
considéraient mutuellement comme des
ennemis. Pour illustrer cela, quoi de
plus éloquent que la fameuse déclaration
nassérienne : «
Si
vous voyez que les États-Unis sont
satisfaits de moi, sachez alors que je
suis sur la mauvaise voie ».
Si on en croit Bernard Lugan, l’armée égyptienne se diviserait en
trois groupes distincts : « un
état-major composé de vieillards soldés
par Washington, une fraction islamiste
difficile à cerner numériquement et une
majorité composée d’officiers et de
sous-officiers nationalistes ayant pour
modèle le colonel Nasser » [10].
Dans ce cas de figure, et tenant compte
du fait que pour une frange non
négligeable de la population et de
l’intelligentsia égyptiennes, Nasser est
non seulement un fils chéri de l’Égypte,
mais aussi un héros du panarabisme, il
va sans dire que Morsi risque de
s’aliéner une partie de l’armée et de
l’opinion publique, ce qui ne risque pas
d’améliorer son image de « président des
Frères ».
Morsi et le Cheikh aveugle
Lors de son discours symbolique sur la place Tahrir, quelques jours
seulement après son élection aux plus
hautes fonctions de l’état, Morsi fit
une déclaration très peu commentée par
la presse internationale, mais qui n’est
pas passée inaperçue aux États-Unis. Il
claironna haut et fort « Je
vais faire tout mon possible pour faire
libérer […] les détenus, y compris le
Cheikh Omar Abdel-Rahman »
condamné en 1995 à la prison à vie
par la justice américaine pour des
complots visant à attaquer des cibles
new-yorkaises et à assassiner l'ancien
président égyptien Hosni Moubarak
[11].
Mais qui est donc ce Cheikh dont Morsi s’est senti obligé de parler
dans un de ses premiers discours
présidentiels comme s’il s’agissait
d’une affaire cruciale pour le pays?
En fait, Cheikh Omar Abdel-Rahman, surnommé le « Cheikh aveugle » à
cause d’une cécité contractée pendant
son enfance, est le chef spirituel de la
Jamaa el-Islamiya, organisation
islamiste égyptienne qui prit la suite
du Jihad islamique égyptien et qui fut
responsable de plusieurs attentats
terroristes en Égypte et aux États-Unis.
Reconnu coupable dans le premier
attentat contre le World Trade Center en
1993, le Cheikh Abdel-Rahman purge
actuellement une peine de prison à
perpétuité aux États-Unis [12].
La demande de « libération » du Cheikh formulée par le président
nouvellement élu s’est attiré les
foudres de nombreux politiciens
américains, comme il est possible de
s’en rendre compte à la lecture de ces
quelques réactions.
Le sénateur Charles Schumer a mentionné que « les
déclarations offensantes du président
Morsi sont une insulte à la mémoire des
victimes de l'attentat du World Trade
Center », et que le Cheikh
Abdel-Rahman est « un
terroriste qui projetait de tuer des
Américains innocents, rassurez-vous, il
va rester là où il appartient, en prison
pour le reste de sa vie ».
Le sénateur Kirsten Gillibrand a, quant à lui, qualifié la
déclaration de Morsi de « non
seulement scandaleuse, mais représentant
une source de profonde préoccupation au
sujet du respect de Mohammed Morsi pour
la primauté du droit et de la démocratie »
[13].
Il est à noter qu’en 2006, Ayman el-Zawahiri, à l’époque n°2
d’Al-Qaïda, et lui-même ancien membre
influent du Jihad islamique égyptien,
avait annoncé la fusion de la Jamaa
el-Islamiya avec Al-Qaïda [14]. Une des
raisons qui ont été avancées pour cette
allégeance était justement
l’incarcération du Cheikh Abdel-Rahman.
Élément intéressant dans cette histoire : le Cheikh avait été
incarcéré à la suite du meurtre du
président Sadate, accusé d’avoir émis
une fatwa autorisant son assassinat [15]
et fomenté l’attentat. Faute de preuves,
le Cheikh a été, par la suite, relaxé
mais expulsé du pays.
Ainsi, il est aisé de constater l’ambivalence politique du
président Morsi : il est capable de
décorer à titre posthume un président
assassiné et demander la libération de
la personne sur laquelle pèsent de
lourds soupçons d’avoir orchestré son
homicide.
Cette affaire illustre bien le double jeu de Morsi : il se veut
« président pour tous » en honorant ses
prédécesseurs, mais n’oublie pas ses
« compagnons d’armes » islamistes,
preuve de sa fidélité à la confrérie et
à son « Mourchid » (guide suprême des
Frères musulmans).
Un
mariage bien particulier
Le 31 août 2012, soit un peu plus de deux semaines après la « mise
en retraite » du
maréchal
Tantaoui et du
général Sami Anan,
l’hôtel cinq étoiles « El Masah » du Caire accueillit un mariage
très huppé. La fébrilité qui s’est
emparé de cet établissement, propriété
des forces armées égyptiennes, était à
la hauteur de la notoriété des nouveaux
mariés, mais surtout de celle des
convives. Ce jour-là, Mohamed Mamdouh
Chahine convolait en justes noces avec
Ithar
Kamal el-Katatni.
L’heureux époux est le fils du général Mamdouh Chahine, membre
influent du CSFA et assistant du
Ministre de la défense chargé des
questions juridiques et
constitutionnelles. La charmante épouse
de 25 ans est la fille de l’ingénieur
Kamal el-Katatni qui a un lien de
parenté avec Saad el-Katatni, ancien
président de l’Assemblée du peuple
égyptien dissoute, membre du Bureau
d'orientation des Frères musulmans et
actuellement Président du Parti de la
liberté et de la justice (vitrine
politique des Frères musulmans).
Mais au-delà de son côté mondain, ce mariage entre le fils d’un
haut gradé militaire et d’un membre de
la famille d’un haut dignitaire
islamiste issu des Frères musulmans a
défrayé la chronique.
Tout d’abord, la présence du général Sami Anan assis à côté de Saad
el-Katatni ne pouvait passer inaperçue.
Cette première apparition publique du
général « limogé » a mis fin aux rumeurs
de sa mise en résidence surveillée. Pis
encore, Sami Anan est arrivé avec la
même voiture de service qu’il avait lors
de l’exercice de ses fonctions et
protégé par des gardes du corps. D’autre
part, le journal
« Al-Youm
el-Sabii » rapporte qu’à la fin de la
cérémonie de mariage « le
général Sami Anan est entré dans une
salle VIP accompagné du docteur Saad
el-Katatni et la porte de la salle fut
fermée derrière eux » [16]. Le même
journal a publié de nombreuses
photographies de l’évènement où figurent
des personnalités qu’il est difficile
d’imaginer ensemble : le mufti de la
République, des personnalités
salafistes, soufies ou issues des Frères
musulmans, des anciens ministres, des
hommes d’affaire, etc.
Cette assemblée hétéroclite montre à
quel point l’armée et les islamistes
peuvent cohabiter en « parfaite
harmonie » et indique que Sami Anan
cultive de bons rapports avec les Frères
musulmans, comme mentionné précédemment.
Sa mise à la retraite ainsi que celle de
son supérieur par Morsi, le président
islamiste, ne peut être interprétée
comme un « limogeage », mais plutôt
comme un accord conclu entre les deux
institutions les plus fortes sur la
scène égyptienne : l’armée et la
confrérie.
L’armée à
la rescousse de Morsi
Contrairement à ce qu’ils prétendent
actuellement, les islamistes ne sont pas
des « révolutionnaires » de la première
heure. Ils ont été très sceptiques aux
débuts des émeutes contre Moubarak et
n’ont rejoint le mouvement de
protestation que très tardivement. En
plus, quelques mois à peine après la
chute du président déchu, ils
affichèrent leur volonté de se séparer
du mouvement pro-démocratie né de la
place Tahrir. Commentant cette période,
le professeur Stéphane Lacroix écrit :
« S'ils
avaient été alliés pendant la
révolution, jeunes révolutionnaires et
Frères choisissent très vite des chemins
différents. Les Frères prennent leurs
distances avec la rue, préférant s'investir dans le jeu politique institutionnel. Ils font mine d'afficher leur confiance dans le processus "de transition" guidé
par le Conseil suprême des forces armées
(CSFA) avec lequel, reprenant leurs
habitudes des années Moubarak, ils
n'hésitent pas à négocier en coulisses »
[17]. Depuis, les Frères sont
régulièrement accusés de collusion avec
les militaires.
Déjà, en juillet 2011 (plus d’un an
avant la mise à la retraite des deux
hauts gradés du CSFA), Mohammed Badie,
Mourchid des Frères musulmans, montrait
le chemin aux membres de sa confrérie.
Après les incidents de la place
Abbassiya qui avaient fait près de 300
blessés dans les rangs des manifestants
pro-démocratie qui désiraient marcher
sur le ministère de la Défense, il
déclara : « Nous
défendrons toujours l’armée et l’armée
nous défendra »
[18].
Avec la promulgation du décret du 22
novembre 2012, Morsi s’octroyait des
pouvoirs qualifiés de « pharaoniques »
par ses opposants. Il s’ensuivit des
batailles rangées entre les islamistes
et l'opposition libérale et de gauche
qui ont fait sept morts et des centaines
de blessés. Les chars militaires ont
réapparu dans les rues du Caire et Morsi
demanda, par décret, à l’armée d’assurer
la sécurité du pays. Il leur accorda le
droit d’arrêter des civils, pouvoir très
décrié par les « révolutionnaires »
durant la période de transition
post-Moubarak. Revoilà donc l’armée à
l’avant-scène politique du pays,
protégeant les islamistes à leur demande
comme l’avait prédit plus d’un an
auparavant le Mourchid, et évitant que
le pays ne sombre dans le chaos.
Le Front du salut national (FSN),
principale coalition de l'opposition
rassemblant des mouvements de gauche,
des laïques et des libéraux, s’est
mobilisé contre la dérive autocratique
du président Morsi. La coalition s’est
aussi fortement opposée à la volonté
affichée par le gouvernement de forcer
l’écriture accélérée de la constitution
par des islamistes et d’organiser un
référendum constitutionnel dans des
délais très courts.
Au vu de cette dangereuse bipolarisation
de la société égyptienne, l’armée
égyptienne a
sommé le gouvernement islamiste et l’opposition de dialoguer. Le
porte-parole des forces armées a énoncé
que, faute de pourparlers, l’Égypte
emprunterait « un sentier obscur qui
déboucherait sur un désastre », ce
que l’institution militaire « ne
saurait permettre »
[19].
Ainsi, contrairement à ce qui a été
véhiculé par les médias « mainstream » à
l’occasion de l’apparente « éviction »
de Tantaoui et Anan, cette décision
unilatérale des forces militaires du
pays montre à quel point l’armée n’est
pas assujettie au pouvoir en place et
qu’elle demeure toujours au timon du
pays. Même si la rencontre entre les
deux parties n’a finalement pas eu lieu,
il est à noter que l’armée n’a abandonné
l’idée de la réunion qu’après s’être
assurée que le FSN ait appelé ses
troupes à la participation au référendum
constitutionnel, ce qui a notablement
diminué la tension politique dans le
pays.
En définitive, tout indique que
l’institution militaire a choisi
l’option de travailler avec le groupe
politique le plus fort et le plus
structuré du paysage politique égyptien,
c'est-à-dire les Frères musulmans. Cette
option a très probablement été
« encouragée et conseillée » par
l’administration américaine
[20]
qui possède d’étroites relations
avec les deux parties et ce, depuis des
décennies.
Dès lors, la décision de mettre en
retraite le maréchal Tantaoui et le
général Anan semble avoir été prise
conjointement, et de manière
consensuelle, par l’armée et le
gouvernement islamiste de Morsi.
Selon l’opposition, la collusion entre
ces deux institutions est visible dans
l’article 197 de la nouvelle
constitution du pays dans lequel le
budget de l’armée n’est pas vraiment
soumis à contrôle, ce qui permet de
continuer à protéger les privilèges dont
jouissait l'armée sous Moubarak [21].
Le 22 décembre dernier, journée de la
deuxième phase
du référendum sur la
constitution,
Anne Patterson, l’ambassadrice des
États-Unis au Caire, a visité un certain
nombre de bureaux de vote de la capitale
égyptienne. À la vue de la diplomate,
des électeurs ont commencé à scander « Islamiya,
Islamiya » (Islamique, Islamique) [22],
voyant dans la visite de Mme Patterson
une ingérence américaine dans les
affaires intérieures de leur pays. Cette
animosité populaire a contraint
l’ambassadrice à rebrousser chemin et à
éviter quelques bureaux
« inhospitaliers ».
Une anecdote qui montre à quel point la
méfiance du « petit peuple » à l’égard
de l’omniprésence américaine en Égypte
(avant et après le départ de Moubarak)
contraste singulièrement avec la qualité
des relations de l’armée égyptienne et
des Frères musulmans avec
l’administration américaine.
Dans la mythologie de l’Égypte ancienne,
le Dieu « Rê » se transforme en un
énorme « ichneumon »
(mangouste) pour combattre « Apophis »
(serpent géant personnifiant le mal).
Dans l’Égypte actuelle, la mangouste et
le cobra ont plus tendance à danser de
concert, au son d’une flûte maniée par
un charmeur doué d’une grande dextérité.
Mais les spectateurs ne semblent guère
apprécier la musique.
Ahmed Bensaada
Montréal, le 25 décembre 2012
Cet article a été
publié le 29 décembre 2012 par le
quotidien algérien
Reporters
Références
1-
Christophe Ayad, « Le
président égyptien frappe l'armée à la
tête », Le Monde, 13 août 2012,
http://www.lemonde.fr/international/article/2012/08/13/le-president-egyptien-frappe-l-armee-a-la-tete_1745535_3210.html
2-
AFP, « En
Égypte, Mohamed Morsi décore les
généraux qu'il a limogés », Le
Monde, 14 août 2012,
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/08/14/en-egypte-mohamed-morsi-decore-les-generaux-qu-il-a-limoges_1746160_3212.html
3-
AFP, « Un
général égyptien justifie les "tests de
virginité" sur des manifestantes »,
Le Point.fr, 26 juin 2011,
http://www.lepoint.fr/monde/un-general-egyptien-justifie-les-tests-de-virginite-sur-des-manifestantes-26-06-2011-1346233_24.php
4-
Karim Kebir, « Morsi
écarte l’armée du pouvoir »,
Liberté, 13 Août 2012,
http://www.liberte-algerie.com/actualite/morsi-ecarte-l-armee-du-pouvoir-il-met-a-la-retraite-le-marechal-tantaoui-et-annule-la-declaration-du-17-juin-183640
5-
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« Le
général Anan, au chevet de l’Égypte »,
3 août 2012,
http://www.maghreb-intelligence.com/portrait/2523-le-general-anan-au-chevet-de-legypte.html
6-
Essafir, « Morsi
décore Sadate! », 4 octobre 2012,
http://www.assafir.com/Article.aspx?EditionId=2273&ChannelId=54554&ArticleId=606&Author=
7-
Alain
Gresh, « Égypte,
de la dictature militaire à la dictature
religieuse? », Le Monde
diplomatique, Novembre 2012,
http://www.monde-diplomatique.fr/2012/11/GRESH/48350
8-
Essafir,
Op.Cit.
9-
Névine Ahmed, « Entre
Nasser et Morsi, des jeunes si
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Progrès Égyptien, 24 juillet 2012,
http://213.158.162.45/~progres/index.php?action=news&id=14706
10-
Bernard Lugan, « Irak, Libye, Syrie, Égypte et demain Iran. La stratégie du chaos », Metamag, 14
décembre 2012,
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David D. Kirkpatrick, « Egypt’s New Leader Takes Oath,
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13-
Jonathan Dienst, « Area Pols Condemn Egypt's Next
President for Supporting '93 WTC
Terrorist
», NBC New York, 29 juin 2012,
http://www.nbcnewyork.com/news/local/mohammed-morsi-egypt-president-terrorist-free-sheik-omar-abdel-rahman-160899635.html
14-
Andrew Cochran,
«
New
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Egyptian Islamic Group, a.k.a. Gamaa
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»», Counter Terrorism Blog, 5 août 2006,
http://counterterrorismblog.org/2006/08/new_al_qaeda_tape_
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15-span style="font:7.0pt "Times New Roman"">
Christophe
Ayad, « Géopolitique
de l’Égypte », Editions Complexe,
Bruxelles, 2002, 143 pages. Le passage
cité dans l’article peut être consulté à
l’adresse URL suivante :
http://books.google.ca/books?id=PsSis3j9u40C&pg=PA101&lpg=101#v=onepage&q&f=false
16-
Mohamed
Ahmed Tantaoui, « En
photos : Le général Anan assiste au
mariage du fils du général Mamdouh
Chahine et rencontre l’ancien chef de
l’assemblée du peuple Saad el-Katatni »,
El-Youm el-Sabii, 31 août 2012,
http://www1.youm7.com/News.asp?NewsID=771649
17-
Stéphane Lacroix, « L'Égypte, l'armée et les Frères », Le Monde, 25 juin 2012,
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/06/25/l-egypte-l-armee-et-les-freres_1724180_3232.html
18-
Alexandre Buccianti, « Égypte
: les Frères musulmans confirment leur
rapprochement avec l'armée contre les
révolutionnaires »,
RFI, 25 juillet 2011,
http://www.rfi.fr/afrique/20110724-freres-musulmans-confirment-leur-rapprochement-armee-contre-revolutionnaires
19-
AFP, « L'armée
égyptienne somme pouvoir et opposition
de dialoguer », Libération, 8 décembre 2012,
http://www.liberation.fr/depeches/2012/12/08/egypte-les-islamistes-refusent-de-reporter-le-referendum_866142
20-
Jacques Chastaing, « Égypte
: la révolution et les islamistes »,
Culture & Révolution, 28 septembre 2012,
http://culture.revolution.free.fr/en_question/2012-10-06-Egypte_la_revolution_et_les_islamistes.html
21-
R.B., « Égypte
: pourquoi le projet de Constitution
inquiète » Le Parisien.fr. 23
décembre 2012,
http://www.leparisien.fr/international/egypte-pourquoi-le-projet-de-constitution-inquiete-23-12-2012-2430051.php
22-
Bahjat Abou Deif, « Les
électeurs scandent contre l'ambassadrice
américaine "islamique ... islamique" »,
El-Youm el-Sabii,
22 décembre 2012,
http://www2.youm7.com/News.asp?NewsID=884626
Le sommaire d'Ahmed Bensaada
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