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Le Quotidien d'Oran

Abdelouahab Derbal, ambassadeur de la Ligue arabe à Bruxelles,
au quotidien d'Oran : « Les pays arabes sont les grands perdants
dans le processus d'Annapolis »

15 novembre 2008

Souvent décriée comme une coquille vide, la Ligue des Etats arabes demeure la seule organisation internationale qui les unie face aux bouleversements internationaux de ce nouveau millénaire. En écoutant son représentant à Bruxelles, on découvre chez cet intellectuel algérien, docteur d’Etat en Droit des universités anglaises, un fin intellectuel doublé d’un diplomate averti.

Le Quotidien d’Oran.: Jusqu’à la veille de la première réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union pour la Méditerranée (UPM) les 3 et 4 novembre dernier, Israël s’opposait à ce que la Ligue arabe soit membre à part entière de l’UPM. Finalement, la Ligue arabe a participé et admise comme membre à part entière. Qu’est-ce qui a fait fléchir la position d’Israël ?

Abdelouahab Derbal.: Ce qui s’est passé n’est pas nouveau. Depuis 1995 et le lancement du processus de Barcelone, Israël n’a jamais arrêté de voir ce processus de coopération comme une tribune politique plutôt qu’un instrument de coopération visant à la promotion et au développement de la région euro-méditerranéenne. A chaque fois qu’Israël était mis au pied du mur, il déclarait que le processus de Barcelone ne résoudra pas le problème de la paix au Proche-Orient et, d’une manière générale, ses relations avec le monde arabe. C’est terrible, puisque Israël laisse entendre vouloir bien être reconnu par les pays arabes et normaliser avec eux ses relations diplomatiques, mais fait tout le contraire dans la réalité des choses. A Marseille, ça a été différent, et l’Etat hébreu a modifié sa stratégie. Il souhaite être reconnu par les Etats arabes en tant qu’ensemble politique, pour ensuite discuter sur la question palestinienne. A mon avis, ce sont les éventuels changements qui sont en train de se produire sur la scène internationale qui poussent Israël à une telle attitude. Je veux parler de l’arrivée des démocrates au pouvoir aux USA avec Barack Obama ; du retour de la Russie dans les affaires internationales ; de l’évolution de la situation en Irak etc. Il faut dire qu’il y a eu une vraie « bataille » diplomatique concertée entre les pays arabes avant la rencontre de Marseille, et la Ligue arabe s’est présentée avec une position ferme et unie sur la question palestinienne.

Le résultat a été en contrepartie d’un poste de Secrétaire adjoint (sur les cinq) attribué à Israël, la Ligue arabe est reconnue comme membre à part entière dans l’UPM. Au final, l’UPM est de nouveau conçue comme un forum politique, plus qu’une structure de coopération technique, commerciale, culturelle... Là encore se pose pour la Ligue arabe la question de fonds : a-t-elle les moyens matériels, financiers, techniques... pour s’impliquer et suivre les futurs projets de coopération inscrits dans le cadre de l’UPM ?

Q.O.: Que devient l’Initiative arabe, celle précisément du Sommet arabe de Beyrouth de mars 2002 ?

A.D.: Israël a rejeté l’Initiative arabe, comme d’ailleurs toutes les propositions de paix qui lui ont été faites depuis 1967. La réponse d’Israël à l’offre de paix arabe au Sommet de Beyrouth a été l’accélération des colonies sauvages en Palestine, la répression sanglante contre les populations civiles telle celle qui a frappé la ville de Djenine, un encouragement démographique à son profit à Jérusalem Est (El Qods)... Face à l’occupation et la destruction de ce qui reste de la Palestine, l’Union européenne (UE) et l’Occident d’une manière générale n’a, en dehors de quelques condamnations de principe, pas réagi ni fait pression sur Israël pour l’arrêter dans sa politique d’occupation. Au contraire, l’UE a renforcé sa coopération et ses échanges commerciaux avec l’Etat hébreu.

Pire, toutes les discussions du processus d’Annapolis sous le parrainage du Quartet ont été menées contre l’Initiative arabe. Je pense que les pays arabes devraient soumettre « l’Initiative » arabe à un référendum populaire dans leurs pays respectifs pour lui donner plus de poids et de légitimité internationale.

Q.O.: Le 9 novembre dernier, le Quartet (ONU, USA, Russie, UE) s’était réuni à Charm Echeïkh (Egypte), pour relancer le processus d’Annapolis en février prochain. C’est un nouvel espoir de retour à la négociation ?

A.D.: Je vous l’ai dit, Israël rejette depuis le début d’Annapolis l’offre arabe contenue dans leur Initiative de 2002. Posons-nous la question : qu’avons-nous gagné dans les discussions d’Annapolis ? Rien. Nous sommes les grands perdants. Israël a gagné en temps et en stratégie d’occupation de la Palestine. Alors que les discussions se poursuivaient à Annapolis, Israël multipliait les colonies sauvages, finissait d’encercler Jérusalem Est et El Qods. Une fois de plus, nous sommes mis devant le fait accompli. Qu’a fait l’Occident pour arrêter Israël ? Et jusqu’à la solidarité arabe qui s’est durement effritée, démolie. Nous sommes les grands perdants d’Annapolis.

Q.O.: A Damas, lors du dernier Sommet de la Ligue arabe de mars 2008, seuls 11 chefs d’Etat arabes sur les 22 étaient présents ; l’Egypte, la Jordanie ont envoyé des représentants et le Liban était absent. N’y a-t-il pas une responsabilité arabe dans ces échecs successifs face à Israël ?

A.D.: Ce n’est pas Israël qui est fort, ce sont les Etat arabes qui sont faibles, divisés. Nous sommes les grands perdants, je vous l’ai déjà dit. Mais il faudrait tenir compte du contexte dans lequel évoluent les pays arabes. Ils traversent un moment difficile de leur histoire, ils affrontent un contexte international qui ne les favorise pas. Malgré cela, ils maintiennent une position ferme sur la question palestinienne, ils appellent à la paix et au respect des obligations et règles de droit international...

L’absence de certains chefs d’Etat à Damas, en mars dernier, ne remet pas en cause leur solidarité sur la question palestinienne. Si les approches politiques sont différentes, le but est le même : la paix et un Etat palestinien dans ses frontières de 1967 avec Jérusalem Est comme Capitale.

Q.O.: La victoire de Barack Obama aux USA vous donne-t-elle de nouveaux espoirs de paix aux Proche et Moyen-Orient ?

A.D.: Le Secrétaire général de la Ligue arabe a félicité le nouveau président américain, et observe cette nouvelle évolution politique aux USA avec beaucoup de respect. Le slogan de Barack Obama était « le changement ». Logiquement, ça va changer la politique internationale américaine, notamment aux Proche et Moyen-Orient. C’est-à-dire sur l’Irak et la Palestine. Nous mesurons tout le travail titanesque qui attend le nouveau président américain. Il doit réparer tout ce que Georges Bush a détruit, déstabilisé... Il faut rester vigilant, car il n’y a pas trop de différences entre républicains et démocrates américains dans la politique extérieure des USA.

Cependant, nous espérons que la nouvelle administration américaine va oeuvrer plus pour la paix que pour la guerre, d’autant plus que l’apaisement et la paix au Moyen-Orient sont aussi dans l’intérêt des Américains eux-mêmes. N’oublions pas qu’il y a un autre élément qui aura tout son poids dans les relations internationales aujourd’hui : la crise financière internationale.

Q.O.: Le retour de la Russie sur la scène internationale va-t-il changer la donne pour les pays arabes ?

A.D.: Certainement. Mais il n’y a pas que la Russie. Il y a aussi l’arrivée de la Chine et bien d’autres pays émergeants. Chez les Américains, la notion du droit est liée à l’idée de force, alors que pour nous, le droit est lié à la notion de justice. Ce n’est pas la même conception. De plus, regardez comment les USA ont mis à profit la situation difficile qu’a traversée la Russie à partir de 1990 pour l’encercler pour des raisons stratégiques et économiques (énergie). La donne a changé et la Russie est en train de dire aux Américains qu’ils ne peuvent pas faire tout ce qu’ils veulent dans le monde. Fini l’unilatéralisme violent des USA de George Bush. Il faut faire avec le reste du monde.

Q.O.: Quels sont les principaux domaines de coopération de la Ligue arabe avec l’Union européenne ?

A.D.: Il est surtout d’ordre politique, d’autant plus que les mécanismes et structures de travail sont différentes. L’UE conçoit son travail dans une optique supra nationale. Elle construit des politiques communes et finit son projet d’intégration. Ce n’est pas le cas pour la Ligue des Etats arabes, même si historiquement la Ligue est plus ancienne que l’UE. Par ailleurs, l’UE a des relations bilatérales avec chaque Etat arabe (accords d’association) et c’est toute la complexité pour la Ligue qui fait du multilatéral. Autrement dit, comment joindre les accords d’association dans la politique de coopération de la Ligue arabe avec l’UE ? Il est nécessaire pour la Ligue arabe de revoir son organisation, ses mécanismes, ses projets communs... pour arriver à des standards de coopération et d’échanges entre les pays arabes eux-mêmes, ensuite avec l’UE et le reste du monde. Actuellement, nous intensifions le dialogue politique Ligue arabe - UE et nous allons nous impliquer dans des domaines de coopération concrets, tels ceux de l’énergie, l’environnement etc.

Q.O.: Vous semblez optimiste pour l’avenir des pays arabes...

A.D.: Je suis fier de représenter le monde arabe à Bruxelles. Vous savez, presque toutes les puissances occidentales ont occupé les pays du monde arabe, alors que les pays arabes ne l’ont pas fait. Les peuples arabes savent bien ça. Il manque aujourd’hui au monde arabe un projet qui tend vers la modernité, l’ouverture, la tolérance... Sans abandonner ses principes, le monde arabe peut construire une vraie démocratie. On peut avoir une lecture de la démocratie différente, mais on peut construire des sociétés basées sur la justice, la tolérance, la diversité, le respect des spécifiés etc. Pour être respectés par les autres, il nous faut un monde arabe démocratique, ouvert et fort.

par Notre Bureau A Bruxelles: M’hammedi Bouzina Med



Source : Le Quotidien d'Oran
http://www.lequotidien-oran.com/...


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