|
Al-Ahram Hebdo
La paix trompeuse au Moyen-Orient
Abdallah Al-Achaal
Mercredi 8 septembre 2010
L’une des méthodes qui étaient
courantes dans les recherches relatives au conflit
arabo-israélien est de partir du fait qu’il a connu de
nombreuses chances perdues. Parfois, d’aucuns l’appelaient la
paix trompeuse. Pour dire que la paix fait signe de loin, mais
une fois qu’on s’y attache, elle se dérobe à la dernière
seconde. Certains estimaient que si Nasser avait consenti à ce
que Sadate avait approuvé plus tard, avant 1967, ou même après,
la confrontation militaire de 1973 n’aurait pas eu lieu. Mais
cette théorie ne s’applique qu’à la paix égypto-israélienne. Le
discours politique égyptien a eu l’habitude d’affirmer, à chaque
occasion, que Sadate avait bien assimilé les dimensions du
dossier ainsi que ses complications, raison pour laquelle il a
pu saisir la chance, à un moment où les autres n’avaient pas de
vue d’ensemble et leurs visions étaient en retard de plus d’une
décennie et demie. Pour appuyer leurs propos, ils avançaient
comme preuve que les concessions faites par Arafat, lors des
négociations de Mena House en 1980, celui-ci a pu les récupérer
à un prix plus élevé à Oslo 1993. Les Israéliens, quant à eux,
estiment qu’ils ont payé cher le prix de la paix avec les
Egyptiens, alors qu’ils pouvaient avoir mainmise sur le Sinaï
sans le restituer, d’autant plus qu’ils ont vu dans la
soumission de la volonté de l’Egypte une clé pour faire passer
le projet sioniste. Certains analystes affirment que l’absence
de la paix dans la région revient à l’accession de l’extrême
droite en Israël. Alors que c’est cette droite qui a conclu tous
les accords de paix depuis Begin jusqu’à Rabin, en passant par
Netanyahu, qui s’engage dans les négociations avec les
Palestiniens, en vue de liquider toute la cause, pour en faire
autant sur les fronts syriens et libanais et à Gaza, pour que le
projet reprenne son cours en toute quiétude.
En réalité, la logique des
chances perdues s’étend à tous les détails se rapportant à
l’historique du conflit. Les tenants de cet avis ont tendance à
croire que les Arabes ont perdu les chances qui s’offraient à
eux lorsqu’ils n’ont pas accepté immédiatement la résolution du
partage. Et si les Arabes avaient accepté à l’époque cette
résolution, la superficie d’Israël aurait été la moitié de la
terre. A ce moment-là, un Etat palestinien voisin à l’Etat
hébreu aurait vu le jour, et la décision de la judaïsation de
Jérusalem serait restée lettre morte. Je pense qu’afin
d’analyser la logique des chances perdues, il faut déterminer la
signification du terme « chances » au sens propre, et de définir
la perte. Cette logique, dans sa totalité, repose sur une
hypothèse incorrecte. Selon laquelle les groupes juifs ont
immigré en Palestine à la recherche d’un refuge. Alors que la
logique du partage se réfère à un
fondement similaire, quoique plus atroce et plus proche d’un
projet organisé et planifié, selon lequel il existe un peuple
juif détenant le droit de partage de la terre avec le peuple
palestinien. Ceci veut dire que la relation des juifs avec la
Palestine est passée par trois phases. La première, les juifs
étaient en quête de refuge. Dans la deuxième, ils prétendaient
qu’ils détenaient un droit similaire, voire même plus grand que
celui des Palestiniens. Ensuite, ce fut la troisième phase, où
les juifs niaient tout droit palestinien sur la Palestine.
Y a-t-il
jamais eu une occasion pour une paix réelle, et une
cœxistence entre les nouveaux
arrivés et les propriétaires de la terre, et les Arabes l’ont
perdue ? Les Arabes ont-ils regretté certaines occasions
offertes à eux et que d’aucuns ont estimé comme propices à la
réalisation de la paix ? Est-il vrai que la paix réclamée est un
point de rencontre à un moment donné entre deux parties, mais ce
point n’a jamais vu le jour et le moment n’est jamais venu ? Le
résultat a été le recul des Arabes devant l’avancée du projet.
Dans le passé, nous étions
éblouis par les théories des chances perdues. Mais « la paix
trompeuse » a revêtu plus tard sa signification réelle. Selon
laquelle, il s’agit d’une paix solide brandie pour anesthésier
la partie qui s’affaiblit de plus en plus. Telle est la leçon
que nous avons apprise de l’Histoire, disant que le fort est
celui qui crée la paix qu’il désire et qui l’impose à la partie
faible. Sur ce, avons-nous toujours une chance de faire revenir
cette paix qui s’évadait pour ne jamais plus revenir ?
Je crois que ceux qui ont écrit
sur la notion de « paix trompeuse » ou sur les chances perdues
de la paix se fiaient à la méthode descriptive, et certains ont
même pu voir que la paix s’approchait puis s’éloignait, tantôt
du côté d’Israël, tantôt du côté arabe. Le fait de faire
échapper le fantôme de la paix fut l’accusation que l’Egypte a
collée, à maintes reprises dans les années 1980 du siècle
dernier, à la résistance. Le plus récent de ces épisodes fut les
accusations échangées entre le Fatah et le Hamas d’un côté et
entre l’Egypte, la Syrie et le Hamas de l’autre. L’Egypte
accusait parfois la Syrie d’encourager la résistance au côté de
l’Iran, afin de servir des objectifs n’ayant rien à voir avec
les intérêts du peuple palestinien. Comme si le fait de
repousser la résistance serait à l’origine d’une paix équitable
pour ce peuple. Mais nous sommes tous conscients qu’Israël veut
toute la paix, toute la terre et que le peuple palestinien
recherche la vie et le droit légitime. Alors que les autres
parties sont en quête de leurs intérêts, qu’elles s’accordent
avec les intérêts du peuple palestinien ou qu’elles soient en
harmonie avec le plan israélien. L’important est que le point de
rencontre entre les données de la paix, quelle que soit sa
signification, ne porte pas préjudice aux intérêts des autres.
Enfin, je pense que Mohamad
Ibrahim Kamel, ancien ministre égyptien des Affaires étrangères,
qui a démissionné à cause de Camp David en 1978, et avant lui
Ismaïl Fahmi en 1977, à cause de la
visite de Sadate à Jérusalem, était influencé par ces concepts,
lorsqu’il a titré ses mémoires sur Camp David : « La paix perdue
». Peut-être a-t-il voulu dire qu’à Camp David, il a été affirmé
qu’il n’y avait pas d’espoir réel dans ces arrangements et ces
négociations, parce qu’ils représentaient, d’un point de vue
israélien, une défaite des Arabes et une soumission à la logique
d’Israël ?
Droits de reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 8 septembre 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo |