En direct de Gaza
Gaza : un mois de couvre-feu sanitaire
aux conséquences économiques et sociales
désastreuses
Ziad Medoukh
Lundi 5 octobre 2020
Article de Ziad Medoukh dans le
site Middle Eeast Eye
Après la découverte
fin août 2020 de dizaines de cas
infectés par le coronavirus à
l'intérieur de la bande de Gaza, et afin
de lutter contre la propagation du virus
dans cette région très densément peuplée
au système sanitaire en faillite, les
autorités de Gaza ont imposé
immédiatement un couvre-feu, avec une
fermeture totale de toutes les régions,
villes, quartiers, et lieux publics,
tandis que les mesures préventives ont
été renforcées.
Avec l'augmentation
du nombre de cas touchés et contaminés
au quotidien- plus de 3000 cas en un
mois dont 20 décès- et malgré une
réouverture partielle et très limités
début octobre, le couvre-feu est
maintenu et renouvelé pour une durée
supplémentaire, ce qui a accru les
souffrances de la majorité des habitants
de cette enclave isolée et a alourdi
leurs charges financières.
Cet état d'urgence
entre dans son deuxième mois, avec la
fermeture des marchés publics et la
plupart des magasins sauf les
boulangeries, les pharmacies, et les
petits commerces dans les quartiers,
sans oublier l'interdiction de
déplacement entre les villes de la bande
de Gaza.
L'arrêt de la
production de presque toutes les
activités, à part les quelques usines de
fabrication de masques et de produits
hydroalcooliques, a aggravé une
situation économique déjà fragile.
Tous les secteurs
économiques et commerciaux de l'enclave
palestinienne ont connu un déclin
important : leur capacité de production
a diminué de 90 % au cours du dernier
mois en raison de la faiblesse du
pouvoir d'achat des habitants, qui se
limitent aux dépenses de première
nécessité.
La population de
Gaza est déjà éprouvée par plusieurs
offensives israéliennes, sans oublier le
blocus imposé depuis plus de14 ans, un
blocus renforcé jour après jour par les
forces d'occupation israéliennes.
Un mois après cette
fermeture, la situation économique est
en détérioration complète, la vie
commerciale est paralysée, et les pertes
économiques sont très lourdes estimées à
des dizaines de millions de dollars.
Selon la Chambre de
commerce et d'industrie de la bande
côtière à la fin septembre, les pertes
économiques directes liées à l'état
d'urgence dépassaient les 27 millions de
dollars.
D'après Maher Tabaa,
directeur des relations publiques à la
Chambre de commerce et d'industrie de
Gaza, tous les secteurs économiques et
commerciaux ont été affectés.
Désormais, le
revenu moyen actuel par jour ne dépasse
pas 3 dollars, selon le Comité populaire
contre le blocus de Gaza, une
organisation non gouvernementale. Le PIB
a pour sa part diminué de 40%. Alors que
70% des familles sont menacées
d'insécurité alimentaire.
Le bureau des
Nations Unis à Gaza a mis en garde
contre les répercussions de coronavirus
sur la survie de l'économie du
territoire assiégé ainsi que sur la
cohésion sociale, et a appelé la
communauté internationale à fournir une
aide urgente et une assistance
technique.
La première
conséquence de cette fermeture, c'est la
perte de plusieurs milliers d'emplois
dans différents secteurs, en particulier
les travailleurs journaliers.
L'Union générale
des travailleurs palestiniens a indiqué
que plus de 54.000 travailleurs et
ouvriers de Gaza avaient perdu leur
emploi en un mois, dont environ 5.000
employés dans les écoles privées, les
jardins d'enfants et les centres
éducatifs ( il y a
environ 700 jardins d'enfants, 52 écoles
privées, et 345 centres éducatifs dans
la bande de Gaza), 6000 travailleurs
dans le secteurs du tourisme, de
l'hôtellerie et de la restauration, plus
de 14.000 ouvriers et travailleurs
journaliers dans des ateliers et champs
et le secteur de la construction,6000
conducteurs et transporteurs et 21.000
travailleurs dans le secteur privé, et
presque 2000 travailleurs sur les
marchés populaires comme vendeurs
journaliers.
Selon Sami Al-Amsi,
responsable de la Fédération générale
des syndicats du travail dans la bande
de Gaza , 200 usines ont fermé leurs
portes entre fin août et fin septembre
2020 , et seules subsistent une
trentaine de petites
entreprises et usines qui continuent de
fonctionner temporairement dans le
domaine de la couture pour la
fabrication de vêtements médicaux , de
masques ,de produits alimentaires,
de vêtements de protection, de
lait, de plastique, de sacs, et de
boites en carton, avec une capacité de
production limitée, et seuls des
centaines de travailleurs y sont
employés avec la moitié de leurs
salaires.
Le problème est que
90 % des travailleurs sont dépendants du
revenu quotidien, et leur contribution
au PIB a diminué de 40%, ce qui augmente
le chômage et la pauvreté dans la bande
de Gaza.
Dans son bulletin
de fin septembre 2020, le Bureau
palestinien des statistiques indique que
le taux de chômage en août-septembre est
passé à plus de 72 % et la pauvreté à 66
%. Plus de 79% de la population de Gaza
dépend désormais de l'aide
internationale, c’est-à-dire 4 personnes
sur 5.
Le pourcentage
d'insécurité alimentaire est passé à 37%
en un mois, selon le ministère du
développement à Gaza.
Pour le secteur de
la restauration et de l'hôtellerie, il
était le plus touché par cette crise
économique et sanitaire.
Salah Abou Hasira,
responsable du syndicat des restaurants,
hôtels et services touristiques a
déclaré que presque 200 établissements
touristiques, salles de conférences,
salles de mariage, agences de voyage et
du tourisme, restaurants et cafés ont
été fermés depuis fin août dernier ce
qu'a laissé plus de 6000 travailleurs à
la porte sans autre source de revenu. Un
secteur déjà endetté avec la première
fermeture entre mars et juin dernier.
Actuellement, il y a uniquement 250
travailleurs qui assurent un travail
minime dans quelques restaurants pour
fournir des repas pour les hôpitaux, les
centres de quarantaine et les clients
confinés chez eux, avec une baisse de
leurs salaires.
Le secteur de la
construction a été aussi touché par
cette fermeture
Osama Kheil,
responsables de l'union général des
entrepreneurs palestiniens à Gaza,
estime qu'environ 230 entreprises qui
embouche 9000 travailleurs et ingénieurs
ont cessé leurs activités en un mois. Un
secteur déjà en crise en raison de
baisse du nombre de projets à cause de
la poursuite du blocus, et le manque du
financement international pour les
projets de reconstruction dans la bande
de Gaza, et le non-versement des
paiements par des organisations
internationales et des donateurs.
Un autre secteur
infecté, c'est le secteur des
technologies de l'information, qui a
connu dans ce mois de fermeture une
forte baisse de productivité, et plus de
2000 travailleurs et techniciens qui
travaillent dans des sociétés de
matériel informatique et de téléphone
portable, des logiciels, des
fournisseurs d'internet, et de la
formation dans ce domaine ont perdu
leurs emplois provisoirement.
Le secteur du
transport a été touché, à cause de la
fermeture des universités, des écoles et
des ministères, et l'interdiction de
déplacement pour les citoyens dans les
rues sauf cas urgence.
Beaucoup de
commerçant ont été obligé à fermer leurs
magasins en raison de leur incapacité de
payer les loyers.
Il y a les simples
vendeurs dans la rue qui ont perdu leurs
moyens de subsistance, eux qui vendaient
leurs produits à bas prix dans les
marchés populaires et les marchés
hebdomadaires, et qui avaient déjà une
faible marge de bénéfices.
Face à cette crise
profonde qui touche tous les secteurs
vitaux les quelques initiatives d'aide
sociale déployées par les ministères de
Gaza et de Ramallah restent
insuffisantes face aux besoins énormes,
le ministère du développement social de
l'Autorité palestinienne a décidé une
aide urgente à presque 130.000 personnes
en difficultés, et une aide financière
de 200 dollars mi-septembre dernier pour
une seule fois. S'ajoute à cela, il y a
le plan d'urgence du ministère du
travail face à l'épidémie pour soutenir
les plus touchés de cette fermeture
comme les chômeurs et les travailleurs
qui ont perdu leurs emplois, dans le
cadre d'un fond national de solidarité.
Même le plan de
revitalisation économique des petites,
moyennes et micro-entreprises initié par
le ministère de l'économie par le biais
d'un fond spécial n’a pas été efficace
pour le moment à cause du blocus et de
la division inter-palestinienne.
Et le problème ne
réside pas seulement dans l'ampleur des
pertes mais aussi dans la durée
nécessaire pour relancer l'économie
après cette période particulière.
Les syndicats
locaux de Gaza ont demandé un soutien
des autorités locales, comme les
exonérations fiscales, et des aides aux
plus vulnérables et aux travailleurs,
mais l'augmentation des dépenses
publiques consacrées au secteur de la
santé, les frais de stérilisation des
lieux publics, une forte baisse de la
collecte des taxes le manque des impôts
à cause de l'arrêt des activités
économiques et commerciales a baissé les
ressources du gouvernement.
Finalement, de
nouveau la bande de Gaza est en train
d'affronter une situation humanitaire
catastrophique, avec des conséquences
dramatiques sur les deux millions de
Palestiniens qui y vivent. et de nouveau
laissée à son sort par l'occupation et
par une communauté internationale
officielle silencieuse et complice.
C'est vrai que les
Palestiniennes de Gaza à la vitalité
pleine de ressources impressionnent le
monde par leur capacité extraordinaire à
s'adapter avec cette nouvelle crise
économique et sociale dévastatrice, et
de supporter l'insupportable, au travers
une solidarité familiale et sociale
remarquable et des liens sociaux forts,
avec quelques aides internationales
limitées.
Oui, les
Palestiniens de Gaza essaient simplement
de mener une vie aussi normale que
possible dans des conditions extrêmement
anormales.
Mais la question
qui se pose : jusqu'à quand cette
souffrance pour cette population civile
enfermée, confinée et abandonnée ?
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