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Lettre ouverte au président Manu, par
Michel Onfray
RT

Image d'illustration
© Charles
Platiau Source: Reuters
Lundi 10 septembre 2018
Source :
RT
Dans la tradition
littéraire des pamphlets et de la satire
politique, le philosophe et essayiste
français Michel Onfray réagit à la
nomination de Philippe Besson, ami du
couple Macron, au poste de consul de
France à Los Angeles.
Votre Altesse,
Votre Excellence,
Votre Sérénité,
Mon cher Manu,
Mon Roy,
La presse a
rapporté il y a peu que tu avais nommé
un gueux pour représenter la nation à
Los Angeles. Il aurait pour seul titre
de noblesse diplomatique, disent les
mauvaises langues, les jaloux et les
envieux, un livre hagiographique sur ta
campagne présidentielle. En dehors de ce
fait d’arme si peu notoire que personne
n’en connaît le titre, pas plus
d’ailleurs que celui des autres ouvrages
du susdit, la plume est bien de celles
qui se trouvent dans les parties les
moins nobles de la profession : le
croupion, car c’est celle que découvre
le plus souvent la position de
soumission inhérente à la fonction des
gendelettres – la prosternation. De
Sartre à BHL chez Sarko (après Mao),
d’Aragon à André Glucskmann chez le même
Sarko (après Mao lui aussi), de Drieu la
Rochelle à Sollers chez Balladur (après
Mao également), de Brasillach à Kristeva
chez le Bulgare Jivkov (après Mao elle
aussi), les cent dernières années n’ont
pas manqué d’écrivains doués… pour
l’agenouillement politique!
Michel Onfray est
un philosophe et essayiste français,
auteur de plus de 80 ouvrages. Fondateur
de l'université populaire de Caen, il
intervient régulièrement dans le débat
politique.
Philippe Besson entre dans cette vieille catégorie du valet
de plume, mais on sait désormais de
quelle plumasserie ce jeune homme comme
il faut relève. Ce genre de plume n’est
pas celui des plus talentueux, mais
c’est celui des plus vendus – je parle
de l’homme, pas de l’auteur.
Manu, on
comprend que, toi qui aimes tant les
lettres, tu aies envie de câlins venus
des écrivains les plus à même de marquer
le siècle et d’entrer dans la Pléiade
quand tu seras redevenu banquier. Mais
si ce siècle doit être marqué par toi,
il n’y a pas grand dommage à ce qu’il le
soit aussi par Besson le petit (à ne pas
confondre avec Besson le grand,
l’écrivain Patrick, ni avec Besson la
championne d'athlétisme, Colette, ou
bien encore avec Eric, le traître passé
de Ségolène à Sarkozy en pleine campagne
présidentielle, ou bien encore avec le
Minimoy, Luc).
Lire aussi
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«Emmanuel Macron remercie son VRP» :
l'écrivain Besson devient consul,
l'annonce fait polémique
Avant d’être flagorneur, Besson-le-Petit a été directeur des ressources
humaines auprès de Laurence Parisot,
dame du MEDEF, mais aussi auteur de
scénario de téléfilms, donc chevalier
des Arts et Lettres. Convenons-en, tout
ceci légitime l’affirmation d’Arlette
Chabot, qui faisait déjà de
l’éditorialisme politique à la
télévision quand elle était en noir et
blanc, la télévision, et n’avait qu’une
seule chaîne. Courageuse, audacieuse,
résistante, rebelle, insoumise,
l’Arlette n’a en effet pas craint
d’affirmer sur l’un des médias qui
l’appointent que tout ceci était
habituel : Napoléon n’avait-il pas nommé
Chateaubriand en son temps et de Gaulle
Romain Gary? En effet, en effet…
Arlette, chère Arlette, vous qui avez
déjà les grades de chevalier puis
d’officier de la Légion d’honneur, je
vous promets le grade supérieur pour
bientôt! Si ce n’est déjà fait, car vous
méritez d’y avoir votre rond de
serviette, vous serez aussi bientôt
invitée à la table de notre grand
Mamamouchi en compagnie du vérandaliste
Stéphane Bern et des frères Bogdanov,
les éminents membres correspondants de
la NASA française.
Votre Excellence, votre Sérénité, mon Roy, votre Altesse, mon cher Manu,
il a tout de même fallu, pour que cette
affectation de copinage ait lieu, que tu
prennes la décision d’un décret
modifiant les règles de la nomination
des diplomates afin que ce ne soit plus
le Quai d’Orsay qui ait la main mais le
gouvernement, c’est à dire, toi tout
seul, chacun le sait. C’est ce que les
langues vipérines qualifient de fait du
prince… Le décret te permet désormais de
récompenser des non-fonctionnaires,
pourvu qu’ils aient été serviles. Bern
ambassadeur chez l’impératrice Sissi ou
les Bogdanov nommés pour la même
fonction sur Mars, grâce à toi, c’est
désormais devenu possible… La France est
«great again»!
Lire aussi
:
«Il faudrait que ce petit garçon
devienne un adulte» : quand Michel
Onfray recadre Emmanuel Macron
J’ai appris
qu’en même temps, tu avais rendu
possible cet autre fait du prince:
madame Agnès Saal a été nommée par un
arrêté paru au Journal officiel
«haut-fonctionnaire à l’égalité, à la
diversité et à la prévention des
discriminations auprès du secrétaire
général du ministère de la Culture». En
voilà un beau poste, et si moral en
plus! Un beau jouet emblématique du
politiquement correct de notre époque.
Rappelons un peu le CV de l’heureuse élue que tu gratifies à son tour.
Cette dame s’était fait connaître par
des notes de taxi dispendieuses, plus de
40 000 euros tout de même, et ce en
grande partie au profit de ses enfants,
quand elle était directrice générale du
centre Pompidou et présidente de l’INA,
un institut que tu connais très très
bien, n’est-ce pas? Pour ces
malversations, elle avait été condamnée
à six mois de suspension sans solde
(probablement selon les principes de ce
que l’on peut désormais nommer la
jurisprudence Benalla…), puis à trois
mois de prison avec sursis et une double
amende. Elle avait été réintégrée en
douce au ministère de la Culture à l’été
2016 (il faut faire gaffe aux
nominations d’été...) comme chargée de
mission auprès du secrétariat général en
vue de la finalisation de labellisation
AFNOR sur l’égalité professionnelle et
la diversité.
Précisons aussi ceci : selon Mediapart, la même madame Saal, décidément
très récompensée – on se demande
pourquoi – figurerait également «dans la
liste très restreinte des hauts
fonctionnaires, qui, par un arrêté du 3
août 2018 signé par le Premier ministre,
ont été inscrits à compter du premier
janvier 2018», donc rétroactivement, au
«tableau d’avancement à l’échelon
spécial du grade d’administrateur
général». Ce qui, en d’autres termes,
veut dire que, pendant les vacances du
Roy à Brégançon, cette procédure qui ne
relève pas du traditionnel avancement
mais d’une volonté politique expresse, a
permis à ladite dame de profiter d’une
hausse de son traitement allant jusqu’à
6 138 euros par mois, indemnité de
résidence à Paris comprise, soit au
total près de 74 000 euros de traitement
annuel. S’y ajoute un supplément sous
forme d’indemnité qui augmente sa
retraite des fonctionnaires d’environ
10%. Quand tu aimes, mon cher Manu, ça
n’est pas pour rien et ça se voit!
Françoise Nyssen, rappelons-le pour les millions de Français qui
l’ignorent encore, est ministre de la
Culture. C’est elle qui a mis en musique
la mélodie sifflée à son oreille par le
président. Face au déchaînement que
cette nomination a légitimement suscité,
elle fait savoir ceci sur les réseaux
sociaux: «J’ai nommé Mme Agnès Saal
[j’épèle : S . A . A . L, car on
pourrait mal orthographier…] haute
fonctionnaire à l’égalité et à la
diversité. J’ai fait de cette cause une
priorité dès mon arrivée au ministère de
la Culture. La qualité de son engagement
et de son travail au service de ces
valeurs fondamentales devrait guider les
commentaires aujourd’hui». On ignore
quelle est la «cause» en question :
madame Saal, ou les fameuses valeurs ici
prises en ôtage?
Lire aussi
:
La candidature de Ferrand au perchoir
compromet-elle la moralisation de la vie
politique ?
Mais
Françoise Nyssen, c’est également
l’éditrice qui a sciemment fraudé deux
fois le fisc en ne déclarant pas de
considérables agrandissements d’espace,
une fois en Arles, au siège de sa maison
d’édition, une autre fois à Paris. Le
Canard enchaîné, qui a levé le
lièvre, a chiffré la fortune économisée
par ce double forfait! Ca en fait des
APL pour les étudiants désargentés, je
te jure!
Qui se ressemble s’assemble. Dès lors, il était normal que, sous ton
autorité, sous tes ordres, selon ton
désir, selon ton souhait, selon ta
volonté, selon tes vœux, mon Prince, mon
Roy, mon grand Mamamouchi, le vice
récompense le vice. En un peu plus d’un
an, de Richard Ferrand à Alexandre
Benalla, via cette dame Saal, tu
nous y as déjà tellement habitués!
Sais-tu, mon cher Manu, que des caissières qui ont utilisé à leur petit
profit des bons de réduction de deux ou
trois euros qui trainaient sur la
caisse, ou que des employés de grand
magasin qui ont mangé un fruit prélevé
dans les rayonnages, ont été sèchement
licenciés, eux, sans indemnités, sans
planques payées par les contribuables et
sans possibilité de retrouver du travail
fort bien payé avec les avantages de la
fonction à la clé? Probablement une
nouvelle belle et grosse voiture avec
chauffeur…
J’ai appris aussi que ton si bon ami Benalla s’était rendu coupable de
charmants forfaits depuis ceux que l’on
a bien connus l’été dernier. Mais
l’incendie a été joliment éteint –
sûrement pas avec l’eau de la piscine
que tu t’es fait construire à Brégançon,
pas pour toi, oh non, bien sûr, mais par
altruisme, pour les enfants du personnel
de la résidence royale plus sûrement.
Lire aussi :
Exemplarité, mon beau souci
En garde à
vue, la police a souhaité
perquisitionner le domicile de ton si
cher ami Benalla. Elle voulait notamment
accéder à son coffre-fort. Tenus par la
loi à ne pas entrer dans l’appartement
avant l’heure légale, les policiers ont
posé des scellés le soir et attendu le
lendemain. Mais le coffre-fort a été
vidé dans la nuit! On a le bras long
chez les Benalla puisque du commissariat
on peut atteindre un coffre-fort chez
soi en pleine nuit. Les quatre armes qui
devaient s’y trouver n’y étaient plus –
soit tout de même trois pistolets et un
fusil, pour un homme qui n’a que deux
mains, ça fait tout de même beaucoup… Sa
femme avait les clés, il avait dit
qu'elle était à l’étranger : elle se
cachait en fait dans le seizième
arrondissement de Paris. Il est vrai que
pour de nombreux français cet
arrondissement de nantis équivaut bien à
un pays étranger.
Votre Excellence, votre Sérénité, mon Roy, votre Altesse, mon cher Manu,
il me semble tout de même qu’il vaut
mieux faire partie de ta cour que d’être
un senior amputé de sa retraite, être un
plumitif courbé plutôt qu’un écrivain
debout, être une énarque de gauche qui
tape dans la caisse de l’Etat pour
financer les transports de sa
progéniture, plutôt qu’un étudiant à qui
tu voles dans sa poche cinq euros d’APL,
être un cogneur de manifestants avec un
brassard de la police et une
accréditation de l’Elysée qu’un
syndicaliste défendant le droit du
travail.
Votre Excellence, votre Sérénité, mon Roy, votre Altesse, mon cher Manu,
j’aimerais que tu m’aimes et ce pour
trois raisons. La première : pour être
nommé sans compétence consul des
provinces et des régions françaises dans
le sixième arrondissement de Paris,
voire le seizième – tu le peux, je le
sais, il suffit que tu le veuilles ; la
deuxième : pour permettre à ma vieille
mère qui n’a pas son permis de conduire
et qui a quatre-vingt-quatre ans, de
pouvoir disposer d’un taxi gratuit à
n’importe quelle heure du jour et de la
nuit pour aller faire ses visites
médicales à une demi-heure de chez elle,
le tout payé avec l’argent du
contribuable tu le peux, je le
sais, il suffit que tu le veuilles ; la
troisième : pour avoir chez moi des
armes à feu en quantité, mais aussi et
surtout, pour pouvoir tabasser les gens
qui me déplaisent en portant un casque
sur la tête, en distribuant des coups de
matraque et en disposant de CRS ou de la
police comme couverture à mes descentes
de petite-frappe – tu le peux, je le
sais, il suffit que tu le veuilles.
S’il te plait, votre Excellence, votre Sérénité, mon Roy, votre Altesse,
mon cher Manu: veuille-le. Je te promets
pour ce faire de me prosterner moi
aussi, de montrer les plumes de mon cul
aux passants, de dire du bien de toi
avec des articles, des conférences et
des livres, je te jure, j’irai sur les
chaînes et les radios du service public
pour certifier, comme Arlette Chabot,
qu’entre Napoléon, de Gaulle et toi, il
n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de
cigarette, Joffrin ne me reconnaîtra
pas, il m’aimera peut-être lui aussi
comme il a aimé jadis Bernard Tapie et
Philippe de Villiers. Je pourrai écrire
aussi une biographie de Stéphane Bern
avec une préface de Brigitte ex-Trogneux,
passer une thèse de physique quantique
avec tes amis les frères Bogdanov comme
directeurs de travaux. Je pourrais même
consacrer un séminaire de littérature
comparée à l’œuvre de Philippe Besson
que je mettrai en perspective avec celle
de James Joyce. S’il te plaît, tu le
peux, tu es mon Roy. J’habite place de
la Résistance à Caen, fais-moi signe.
Veuillez, votre Excellence, votre Sérénité, mon Roy, votre Altesse, mon
cher Manu, mon chéri, recevoir
l’expression de ma considération la plus
courtisane. Vive la République, vive la
France, mais surtout: Vive Toi !
Michel Onfray
Post-scriptum : des bises à la Reine.
Post-scriptum
2: j’apprends à cette heure que tu as
fait du jet-ski à fond les ballons avec
Brigitte quand tu étais à Brégançon et
ce dans une zone interdite à la
navigation et au mouillage - tu y as
pourtant grandement navigué et vraiment
mouillé. Cette réserve marine protégée
ne doit être troublée par aucun véhicule
à moteur. Il y eut pourtant tes deux
jets-ski et ton gros bateau avec un
moteur de 150 chevaux - qui sait, peut
être empruntés à Nicolas Hulot, car on
sait que, comme toi, il est un
écologiste qui collectionne les engins
motorisés. Protéger l’environnement
marin et préserver la biodiversité dans
les eaux du parc national de Port-Cros,
pour toi qui fumes du glyphosate chaque
matin au petit déjeuner, ça compte pour
rien, n’est-ce pas?
Lire aussi : Michel Onfray : «On
n'a pas eu de chefs d'Etat avec une
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