EODE
Le nouveau livre-enquête sur l'empire
Bolloré :
ʽVincent tout-puissantʼ
EODE-BOOKS
Mercredi 4 avril 2018
Le livre-choc dont Luc MICHEL vient de
parler dans LE DEBAT PANAFRICAIN sur
AFRIQUE MEDIA TV ...
EODE-BOOKS - lire - s’informer – se
former
Un service du Département EDUCATION &
RESEARCH
de l’Ong EODE
# ‘VINCENT TOUT-PUISSANT’.
L’ENQUETE QUE BOLLORE A VOULU EMPECHER …
Auteurs : Nicolas Vescovacci,
Jean-Pierre Canet
Editeur : JC Lattès (2018)
Quand un huissier s'est présenté à sa
porte, Nicolas Vescovacci a d'abord cru
à une erreur. Puis il a compris :
Vincent Bolloré lui réclamait 700 000
euros pour avoir simplement cherché à
obtenir une interview avec l'homme
d'affaires ou ses proches. Cette
"anecdote" dit tout : l'art de
l'intimidation du tycoon, son goût de la
transgression, sa puissance de feu
financière, la démesure de son monde
mais aussi sa hantise d'être l'objet
d'une enquête.
Il était, dès lors, impossible de
renoncer. Ce livre est le fruit de deux
années d'enquête sur les réseaux et les
méthodes d'un des hommes les plus
puissants de France.
LES AUTEURS :
Nicolas Vescovacci et Jean-Pierre Canet
sont journalistes d'investigation
(enquête sur le Crédit Mutuel, Cash
Investigation, Envoyé spécial. Ils sont
membres fondateurs du ‘collectif
Informer n'est pas un délit’.
# REVUE DE PRESSE :
LA CRITIQUE DE TELERAMA (PARIS)
AVEC DES « BONNES PAGES » DU LIVRE :
Renvois d’ascenseur, censure,
intimidation, invitations royales… Le
livre-enquête signé des journalistes
d’investigation Jean-Pierre Canet et
Nicolas Vescovacci révèle certaines
tactiques et pratiques de “Vincent
tout-puissant”… Extraits, en exclusivité
pour “Télérama”.
En 2015, Jean-Pierre Canet et Nicolas Vescovacci travaillaient pour Canal+.
Leur documentaire sur le Crédit
mutuel-CIC avait été déprogrammé par
Vincent Bolloré, à la demande du pdg de
la banque – et il avait finalement été
diffusé sur France 3. Les deux
journalistes d’investigation racontent
leur mésaventure dans Vincent
tout-puissant, un livre-enquête sur
l’homme d’affaires breton, dont nous
vous proposons de lire quelques extraits
choisis ci-dessous (les titres des
paragraphes ont été écrits pas nos
soins).
* Les vraies raisons de la censure :
« Pendant l’été 2015, Vincent Bolloré a
besoin des 3 % de Canal+ détenus par le
Crédit Mutuel-CIC qui lui-même gère pour
partie l’opération de rachat des actions
de la chaîne (par Vivendi…)… Autrement
dit, Vincent Bolloré a comme qui dirait
“besoin” de Michel Lucas, le patron
incontesté de la banque mutualiste pour
réussir son opération […] A ce jour,
cette opération de rachat des actions de
la Société d’édition de Canal+ (SECP)
nous semble l’explication la plus
plausible à la censure de notre film. Il
s’agirait donc d’un simple “renvoi
d’ascenseur à son ami Michel Lucas”,
comme il l’aurait expliqué à Rodolphe
Belmer, l’ex-numéro 2 de Canal+. »
* Diffusion du documentaire sur le
Crédit Mutuel-CIC sur France 3 en
octobre 2015 : l’étrange échange entre
le patron de la banque et Delphine
Ernotte, pdg de France Télévisions
« La censure, […] cela peut être aussi
simple qu’un coup de fil. […] Quelques
jours avant l’émission, Delphine Ernotte
décroche son téléphone pour prévenir
Michel Lucas, le grand patron du Crédit
Mutuel-CIC. La patronne de France
Télévisions se souvient de la voix “d’un
vieux monsieur embarrassé” qui “osa se
mettre personnellement en danger” pour
faire retirer notre film de l’antenne en
menaçant d’arrêter les contrats
publicitaires de sa banque avec les
chaînes du groupe France Télévisions.
Delphine Ernotte ne cède pas à ces
ultimes pressions. »
* Des Guignols à la sauce Bolloré :
« Les “nouveaux” Guignols en préparation
auraient reçu quelque temps après une
“commande” de l’actionnaire en personne.
Vincent Bolloré aurait demandé à ce
qu’un sketch, mettant en scène son
arrivée tonitruante à Canal+, soit
filmé. Le sketch, nous confirme une
source, “a effectivement été tourné”.
Voici quelques bribes du scénario
proposé par… Vincent Bolloré lui-même.
Le patron breton aurait été présenté en
Clint Eastwood, un cow-boy revêche et
rapide comme l’éclair. A Canal+ toute la
direction est en train de faire la fête,
champagne et cotillons à gogo, “Vincent
Clint Eastwood Bolloré”, en redresseur
de torts, débarque alors sans prévenir,
défouraille dans tous les coins et remet
toute la maison au pas. Lee Van Cleef
plutôt que Clint Eastwood, la Brute
plutôt que le Bon. […] Ce sketch
narcissique scénarisant la brutale
reprise en main de Canal+ n’a évidemment
jamais été diffusé sur les antennes du
groupe. »
* Le CSA aux abonnés absents :
« A la fin de la réunion [avec le
collectif Informer n’est pas un délit et
Reporters sans frontières, ndlr], l’une
des rares sages de l’institution à avoir
une expérience de journaliste de terrain
lâche à la délégation : “Tirez le signal
d’alarme ailleurs, ici, malheureusement,
il ne se passera rien.” Et, de fait, le
CSA ne lèvera pas le petit doigt contre
les censures ordonnées par Vincent
Bolloré. »
* La “philosophie” de Serge Nedjar, le
nouveau boss d’i-Télé :
« Règle numéro un : ne jamais déplaire à
Vincent Bolloré.
Règle numéro deux : ne jamais nuire aux
clients et partenaires de Vincent
Bolloré.
Règle numéro trois : assurer si possible
la promotion des produits et services
“maison” ainsi que ceux desdits clients
et partenaires.
Surnommé le général Tapioca par ses
équipes, Serge Nedjar aurait appliqué
avec zèle les consignes de son maître.
»
* Les salariés d’i-Télé défendus par… le
fils du président de la République :
« Pendant quatre-vingt-dix minutes,
Thomas Hollande [avocat, il est
spécialisé dans le droit du travail,
ndlr] remonte le moral d’une rédaction à
la dérive. “La direction aurait dû
mettre en place un plan de sauvegarde de
l’emploi, explique-t-il à des
journalistes médusés. Sinon, les 52
ruptures sont nulles et vous pourrez
demander leur réintégration.” […] A la
manière d’un leader syndical, il suggère
à ses interlocuteurs un moyen de
pression : “Dans une négociation, l’arme
des salariés, cela ne peut être que la
grève. Vous pouvez voter la grève tout
de suite. […] Peu d’entreprises ont un
tel pouvoir de nuisance, vous ne vous
rendez pas compte !” »
* Coup de fil au député qui porte la loi
sur… l’indépendance des médias :
Un samedi matin, Patrick Bloche entend
sonner son téléphone. “Bonjour, c’est
Vincent Bolloré.” Le patron de Vivendi
se recommande de Bernard Poignant, le
conseiller de François Hollande
[ex-maire de Quimper, c’est un ami de
trente-cinq ans du milliardaire breton,
ndlr]. “Ce qui m’a frappé, c’est le
mépris que j’ai senti dans ses propos,
nous confie Patrick Bloche. Il a été
tellement obséquieux, répétant cent
mille fois qu’évidemment il ne voulait
en rien m’influencer et qu’il était
éminemment respectueux de la
représentation nationale et du suffrage
universel que j’ai eu le sentiment d’un
mépris social. Il ne m’a rien demandé
sinon pour me dire sa disponibilité dans
la discussion. Il a pensé
m’impressionner. […] C’était une manière
de me dire : fais gaffe ! »
* Loi Florange : quand Bolloré soutient
Montebourg :
« “Vous savez que je suis un défenseur
de cette loi, c’est formidable !” aurait
alors tonné le patron breton [lors d’un
déjeuner à l’Elysée avec Jean-Pierre
Jouyet, alors secrétaire général de la
présidence, ndlr]. Cette loi recèle
effectivement une disposition qui a tout
pour plaire à Vincent Bolloré […]. Elle
octroie un double droit de vote pour
chaque action détenue depuis plus de
deux ans par un investisseur. »
* Echange surréaliste avec un
responsable de Spécial investigation :
« Costume clair, teint hâlé, détendu,
Vincent Bolloré remonte une travée et se
fige devant un tableau noir, sur lequel
figure la liste des enquêtes diffusées
et celles qui le seront bientôt.
“Bolloré a bloqué son regard sur deux
films, se souvient Jean-Baptiste Rivoire
[alors rédacteur en chef adjoint de
Special iinvestigation, ndlr]. Le
premier portait sur la famille Mulliez,
propriétaire d’Auchan, et l’autre sur
Dominique Strauss-Kahn, DSK. Il a
bredouillé les deux noms […] en faisant
une moue, et là je ne sais pas ce qui
m’a pris, j’ai dit : “Vous voulez qu’on
ajoute Vincent Bolloré ?” Surpris par
tant d’insolence, l’industriel éclate de
rire et répond : “Allez-y, je n’ai rien
à cacher !” »
* Les relations Bolloré-Sarkozy :
S’ils ont pu « se renifler » dès le
milieu des années 80, s’apprécier au
début des années 90, « l’épisode
Bouygues » [la fameuse tentative d’OPA
de Bolloré sur Bouygues fin 1997-début
1998, ndlr], malgré sa violence, semble
paradoxalement avoir rapproché Nicolas
Sarkozy et Vincent Bolloré [Nicolas
Sarkozy est alors l’avocat de Martin
Bouygues, dont il est très proche,
ndlr].
* L’escapade de Nicolas Sarkozy sur le
yacht du milliardaire :
« Départ le lendemain [de son élection,
le 6 mai 2007, ndlr] pour l’île de Malte
dans le jet privé de Vincent Bolloré :
un séjour aller-retour tous frais payés.
L’avion, le bateau, le personnel, la
pension complète, tout est offert par la
« maison Bolloré. » Bienvenue sur le
Paloma, 60 mètres de long, 2 ponts, 7
cabines pour une capacité de 12
passagers, plus les hommes d’équipage.
Tarif de location à la semaine : 190 000
euros. Le jet privé, un Falcon 900, est
habituellement facturé 6 000 euros de
l’heure. Sept mois plus tard, à Noël,
rebelote, encore un petit tour “gratis”
dans le Falcon 900 de Vincent Bolloré
pour aller en Egypte. »
* Les relations de Bolloré avec l’abbé
Grimaud :
« Nous avons rencontré un prêtre qui
observe l’homme d’affaires depuis plus
de vingt ans. […] Notre témoin, qui
souhaite garder l’anonymat, croit tenir
la clé de la relation Grimaud-Bolloré :
“Bolloré, c’est un catholique qui se
sert de la religion […] Lui et son abbé
croient au pouvoir magique du sacrement.
C’est simple : quand Bolloré fait une
bêtise, il se confesse. Il se blanchit
et il repart. C’est une conception très
vieille France de la religion,
préconciliaire (Vatican II) que l’on
inculquait aux enfants avant guerre pour
les tenir.” […] Il semble que l’abbé
Grimaud soit celui qui réconcilie la vie
terrestre de Vincent Bolloré avec ses
aspirations spirituelles. »
TELERAMA : ENTRETIEN
JEAN-PIERRE CANET ET NICOLAS VESCOVACCI
: “VINCENT BOLLORÉ, C'EST L'IMPUNITÉ
TOTALE”
Extraits :
« Les deux auteurs de “Vincent tout
puissant” reviennent
sur la génèse de ce livre révélation,
qui met à nue les pratiques du patron de
Canal+.
Lors de la déprogrammation sur Canal+ du
documentaire sur le Crédit Mutuel-CIC,
décidée par Vincent Bolloré, vous étiez
aux premières loges. Dans les mois qui
ont suivi, vous avez même été contraints
de quitter KM, le producteur. Vous
réglez vos comptes ?
Non. Beaucoup de choses avaient été
écrites sur cette histoire, mais jamais
par ceux qui l’ont directement vécue !
Cette censure brutale, « à l’ancienne »,
constitue le premier acte de la
révolution éditoriale menée à Canal+ par
Vincent Bolloré. Quand un des lanceurs
d’alerte du Crédit Mutuel-CIC nous a dit
« vous savez, ce n’est pas sûr qu’elle
sorte, votre enquête… », on lui a ri au
nez. En fait, il était bien informé.
Après ce documentaire, on devait faire
aussi de l’investigation pour Le grand
journal ! Avec ce livre, on voulait
comprendre ce qui nous était arrivé.
Et alors ?
On a péché par naïveté. Personne n’avait
imaginé que Vincent Bolloré pouvait
exercer un tel contrôle. On était sur
Canal+, l’antenne qui a révolutionné le
PAF dans les années 90 et lancé
l’investigation à la télévision, avec 90
minutes et Le vrai journal. Il existait
à notre sens un véritable « esprit Canal
», une sorte de pacte avec les abonnés
qu’on peut résumer comme suit — à part
le foot et le cinéma, on peut dire à peu
près ce qu’on veut. L’intérêt marketing
de la chaîne rencontrait l’intérêt
journalistique en interne. Bref, subir
la censure était impensable, au risque
d’abîmer l’image de la chaîne en
profondeur. Vincent Bolloré s’en moque.
A i-Télé, il s’est débarrassé sans
vergogne d’une centaine de personnes.
Les gens ne se rendent pas compte ce qui
est arrivé à cette chaîne ! Dès qu’on a
compris que notre affaire était grave,
on s’est dit qu’on se battrait pour que
ce documentaire soit diffusé. Notre
affaire pose aussi la question de la
concentration des pouvoirs : cet
homme-là plus que d’autres utilise ses
médias pour servir ses intérêts
personnels, sans aucune limite.
Evasion fiscale Crédit mutuel : les
dessous d'une enquête censurée
Comment analysez-vous la façon dont
Vincent Bolloré mène ses affaires ?
C’est un activiste financier, au sens
anglo-saxon du terme : il investit dans
des boîtes pour en tirer un maximum de
dividendes et de cash le plus rapidement
possible. La manière dont il a mis la
main sur Canal+ — vendre ses chaînes
Direct 8 et Direct Star, pour ensuite
monter au capital de Vivendi et prendre
le contrôle, on n’est pas loin du coup
du siècle ! A chaque fois, les gens en
face, comme Martin Bouygues, Alain de
Pouzilhac chez Havas ou Bertrand Meheut
à Canal+, ne le voient pas venir. Ses
méthodes choquent même le monde des
affaires, qui admire pourtant ses coups
financiers. Le Meccano industriel, comme
savoir s’il faut ou non faire des
synergies avec Dailymotion, etc., ce
n’est pas son sujet (…)
Et la manière dont il exerce le pouvoir
?
Ce qui frappe, c’est son impunité
totale. Il n’a aucun rôle opérationnel à
Canal+, mais c’est lui qui fait tout. Il
y exerce un pouvoir par la peur – il a
dit lui-même qu’il faut un peu de «
terreur » pour gouverner. Il y a eu une
forme de soumission de cette chaîne —
alors que i-Télé a fait grève un mois —
qui interroge. Vincent Bolloré joue sur
l’incapacité des gens à exercer une
résistance éclairée. Pourquoi des
historiques comme Michel Denisot,
Antoine de Caunes, ou même Pierre
Lescure, n’ont-ils jamais pris la parole
pour défendre Canal+ ? On peut faire le
parallèle avec le « shock and awe » (le
choc et l’effroi), mis en œuvre par
l’armée américaine en Irak en 2003. Tu
frappes fort, tu crées la peur et
l’effroi, et après plus personne ne
bouge. Que ce soit les salariés, les
dirigeants mais aussi l’Etat. Très peu
de politiques ont réagi à ce qui s’est
passé à i-Télé, à l’exception d’Arnaud
Montebourg, Marie-Noëlle Lienemann et
David Assouline. François Hollande et
Manuel Valls n’ont pas dit un mot ! (…)
“Emmanuel Macron a soutenu la montée de
Bolloré dans le capital de Vivendi quand
il était à Bercy… Et aujourd’hui
président de la République, il répond au
téléphone à Cyril Hanouna”
Dans le livre, vous évoquez aussi les
nombreux relais de Vincent Bolloré dans
le monde politique...
Alors qu’il était conseiller de François
Hollande à l’Elysée, Bernard Poignant a
déclaré à l’un de nous deux que «
Vincent Bolloré, c’est un bout de la
France ». Il estime qu’un industriel
comme lui doit être soutenu et vénéré
par le pouvoir car il représente notre
pays. François Hollande confirme pour la
première fois dans le livre avoir évoqué
avec son homologue Paul Biya le sort du
port de Kribi, au Cameroun, lors d’un
voyage officiel dans ce pays en juillet
2015. Candidat à sa concession, le
groupe Bolloré, non retenu dans un
premier temps, l’a finalement décrochée
quelques semaines après cette visite. De
son côté, Emmanuel Macron a soutenu la
montée de Bolloré dans le capital de
Vivendi quand il était à Bercy… Et
aujourd’hui président de la République,
il répond au téléphone à Cyril Hanouna
quand celui-ci lui souhaite son
anniversaire en direct à la télé ! C’est
assez dingue.
En janvier 2017, alors en pleine
enquête, Nicolas Vescovacci a été
assigné en justice, le groupe Bolloré
lui réclamant 700 000 euros de dommages
et intérêts. Cela vous-a-t-il surpris ?
C’est du jamais-vu. Car cette
assignation concernait… de simples
demandes d’interview sur des questions
précises afin de respecter le principe
du contradictoire. Sept en tout, ça nous
fait 100 000 euros la question, c’est un
peu cher, non ? Plus sérieusement, c’est
à notre sens l’exemple type de «
poursuite-bâillon », destinée à
dissuader les journalistes d’enquêter et
à les réduire au silence. Comme de
nombreux confrères, collectifs et
sociétés de journalistes, nous avons
d’ailleurs signé la semaine dernière la
tribune publiée dans de nombreux médias
(dont Télérama) pour dénoncer ces
procédures abusives. »
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