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Massacres à Gaza
Les bistouris des hôpitaux de Gaza ne connaissent pas la trêve
Photo Help Doctors
Gaza, 17 janvier 2009. Mr Mehdi Fedouach
Dans l'hôpital Shiffah de Gaza City, les bistouris ne
connaissent aucune trêve et bataillent dans le cadre d'une
médecine de guerre.
Dans le bloc opératoire du premier étage de l'établissement
hospitalier principal de Gaza City, des chirurgiens et des
infirmiers attendent dans le hall devant l'ascenseur. La porte
s'ouvre, un jeune homme, vêtu d'un tee-shirt rouge, anormalement
pâle, respire lentement. "Emmenez-le dans ce bloc",
ordonne un médecin en montrant l'une des six salles d'opération.
Un soignant fait très vite rouler le brancard sur le sol au lino
gris. Le Dr Régis Garrigue pénètre avec le Dr Mamoun Al
Barquaoui, chirurgien au CHR de Calais. Ils viennent assister le
personnel Palestinien déjà en place. "Il faut arrêter
l'hémorragie'', explique le Dr Al Barquaoui, en comprimant
une plaie par balle au niveau du Bassin. Un anesthésiste
endort très vite le jeune Brahim, 19 ans, blessé dans la nuit
devant sa maison. Un chirurgien Palestinien introduit une longue
bande imbibée d'un anti-septique par cet orifice, avant de
recouvrir le tout d'un pansement. "il va mal. Il a besoin
d'environ 2 culots globulaires", indique le Dr Régis
Garrigue, en plaçant une première poche de sang. Il aspire
doucement le sang dans une grosse seringue avant de débuter la
transfusion. Ici, elle se fait manuellement. "Il va s'en
sortir. Mais, je pense que le nerf a été touché et qu'il risque
d'avoir des séquelles", constate le Dr Al Barquaoui avant
de quitter la salle d'intervention.
Le chef du bloc opératoire de cet hôpital de 400 malades, le
Dr Sobhi Sokeek, tente de gérer la fatigue de ses chirurgiens et
d'organiser l'accueil des nombreux blessés quotidiens lors des
attaques israéliennes : "Mes chirurgiens opérent 24h non
stop avec un jour de repos. Nous avons déjà amputé plus de 60
personnes depuis le début du conflit", s'indigne le
médecin.
"Vite! Préparez-vous, j'ai une fille de 15 ans qui arrive
en état de choc. Elle a vécu l'enfer", prévient le Dr
Mohamed Abou-Arab, chef anesthésiste à Shiffah depuis 20 ans.
L'ascenseur s'ouvre, Amira, 15 ans, arrive. Elle a le visage
pâle, sous une chevelure abondante et brune. Elle a le regard
perdu, "elle cherche sa famille" indique le Dr Abou-Arab."
C'est une miraculée. Elle est restée deux jours et deux
nuits sous les gravats de sa maison. Elle est en état de choc.
Mais quel enfer cela a dû être pour elle! ", souligne le
médecin.
Elle est allongée avec une simple blouse verte sur son corps
frêle. Le Dr Garrigue commence son examen. Il soulève une
épaisse couverture rouge posée sur elle. Elle gémit. Elle
présente deux larges plaies à la jambe gauche. Il nous dit: "je
suis touché par sa résistance à une telle douleur". Il lui
prend la main pour la calmer avant de chercher une veine et de
lui injecter de la morphine. On l'admet très vite dans la salle
5 du bloc opératoire. Elle demande, la voix étouffée par la
fatigue, "mes parents, ma famille, je ne sais pas où ils
sont", avant de lancer la voix tremblante et les yeux
exorbités, "les juifs, les juifs!". L'anesthésiste est
occupé sur une autre intervention. Le Dr Garrigue commence à
endormir la jeune fille. "En tant qu'urgentiste, je dois
m'adapter à toutes les situations et dans un tel contexte, je
n'hésite pas à avancer le travail de mon collègue", confie
le médecin français avant de transmettre à haute voix le bilan
médical aux chirurgiens: "12/7 de tension et 144 pulsations
cardiaques par minute".
Le Dr Al Barquaoui commente les radios, "elle a le pied
très abîmé et cette autre fracture ouverte au-dessus de la
cheville". On enlève l'attelle provisoire et apparaissent
deux larges plaies, l'une ouvre le pied en deux, de l'autre
émerge le tibia brisé.
Au son du moniteur cardiaque et du va et vient du respirateur,
le Dr Abou-Arab relaie le Dr Garrigue pour compléter
l'anesthésie générale de la jeune fille, les bras en croix sur
la table d'opération.
Un drap bleu laisse apparaître la jambe gauche de la jeune
fille, qui est criblée de nombreux petits impacts d'explosion.
Elle dort enfin. Les chirurgiens tamponnent le sang entre deux
coups de bistouri pour enlever la peau brûlée. Puis, le Dr Al
Barquaoui, avec une pince, extrait les morceaux d'os éclatés. "On
va tenter de lui sauver cette jambe avec des broches",
explique le médecin de Calais. "Elle était ensevelie sous sa
maison dans le quartier Tan Al Awa où de violents combats n'ont
pas cessé plusieurs jours durant. Je n'ai pas voulu lui dire
avant l'opération que son pére et ses deux frères étaient morts".
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