CherEs Collègues,
Les accords d'association constituent l'une des formes de
conventions bilatérales qui ont été conclues avec de nombreux
pays méditerranéens. Ils visent notamment à créer une zone de
libre-échange entre l'UE et la région méditerranéenne. Ses
principales dispositions concernent l'instauration d'un dialogue
politique, la libre-circulation des marchandises et des capitaux,
l'intensification de la coopération économique, sociale,
scientifique et technique et la promotion de la coopération dans
tout domaine d'intérêt mutuel.
Conformément au traité de l'UE, le Parlement Européen est consulté
sur la proposition de décision du Conseil concernant le
renouvellement de l'accord de coopération scientifique et technique
entre l'UE et Israël pour la période 2003-2006 concernant le 6ème
Programme Cadre de Recherche permettant à Israël d'y participer
avec les mêmes droits et les mêmes obligations que les Etats
membres de l'UE. Il nous revient donc de l'approuver, ou non, et éventuellement
d'y apporter des amendements.
J'avoue être indignée par les conclusions de notre rapporteure
affirmant que ces échanges scientifiques ne peuvent être l'enjeu
de considérations politiques ! C'est en effet nier la dimension
politique des droits humains inscrits dans l'article 2 de l'accord
euro-mediterranéen et c'est se situer en contradiction avec
l'objectif même du processus de Barcelone fondé sur le respect des
principes démocratiques et des droits fondamentaux.
Permettez-moi quelques rappels indispensables pour mieux comprendre
les raisons qui m'incitent à intervenir avec force et vigueur
contre ce renouvellement :
- Israël viole systématiquement les droits humains dans les
territoires occupés par l'usage disproportionné d'une force
militaire, la colonisation et l'occupation, les sanctions
collectives, ...,
- Israël viole les principes démocratiques sur son propre
territoire à l'égard des milliers de Palestiniens, citoyens israéliens,
victimes de discriminations en terme d'emploi, de logement, de droit
de propriété, de liberté de circulation, de droit à la
citoyenneté et droits politiques, etc...
- Israël, membre de l'ONU, viole la Convention de Genève sur la
protection des populations civiles en temps de guerre et le
transfert de fait de la population occupée totalement interdit, le
Droit International par le non respect des résolutions de l'Assemblée
Générale et du Conseil de Sécurité, ainsi que la Charte des
Nations Unies en ne se conformant pas à son obligation de faire un
usage modéré de la force dans les relations internationales et en
refusant au peuple Palestinien son droit à l'autodétermination....
- Israël viole les clauses commerciales de l'accord d'association
concernant la règle d'origine des produits et le champ territorial
de l'accord, excluant en principe les Territoires occupés, afin de
bénéficier du traitement préférentiel des tarifs douaniers,
- Israël viole la Convention de Vienne, qui impose aux Etats d'exécuter
de bonne foi les traités auxquels ils sont parties, par le non
respect des traités et des accords internationaux, en méprisant
l'art 2 de son propre accord d'association dite clause démocratique.
Nous avons des témoignages accablants sur la situation
universitaire en Palestine occupée : blocages de routes, incursions
militaires et destruction des infrastructures, des livres et des
ordinateurs, fermetures arbitraires des classes de cours,
arrestations et détentions des étudiants et professeurs, des tirs
meurtriers... désorganisation permanente de la vie universitaire
palestinienne par l'occupation militaire israélienne, agressions et
violences menaçant tout le système d'éducation du peuple
palestinien.
Cette situation rend impossible tout dialogue et tout échange
universitaire israélo-palestinien. Ainsi, les universitaires
palestiniens, soutenus par quelques universitaires israéliens
militants pour la paix et par des universitaires européens (dont
notamment français et belges), réclament une politique de fermeté
de la communauté internationale à l'égard de l'Etat d'Israël.
En outre, aujourd'hui, l'Etat d'Israël est en train de construire
un mur en Palestine occupée, un mur qui incarne l'apartheid. Ce mur
est une véritable catastrophe humaine, écologique et politique. Il
constitue une mesure d'annexion qui porte atteinte à la création
future d'un Etat Palestinien, ghéttoïse des milliers de
palestiniens et ruine ainsi tout espoir de paix.
Sachant par ailleurs que les applications issues de cet accord
peuvent contribuer au développement de l'arsenal militaire israélien
dont les actions dans les Territoires palestiniens ont déjà été
condamnées par notre Parlement, il nous parait cohérent de refuser
le renouvellement de cet accord scientifique et technique avec Israël.
Certains collègues considèrent qu'il s'agit d'une sanction
symbolique et donc inutile car n'ayant pas d'effet réel. D'autres
pensent qu'il s'agit d'une mesure contre-productive et sans précédent.
Permettez-moi de vous rappeler que ce "symbolique" a déjà
prouvé son efficacité. En effet, en janvier 1990, le gel partiel
de la coopération scientifique a permis la réouverture des écoles
et des universités, fermées unilatéralement par Israël comme
sanctions collectives.
Au-delà de la solidarité collective et institutionnelle dont les
palestiniens ressentent cruellement trop souvent l'absence, c'est
aussi la crédibilité de notre Parlement qui est en jeu. En effet,
comment peut on être pris au sérieux si on accepte dans le silence
le non respect de nos accords ?
L'UE ne peut entretenir des relations commerciales ou scientifiques
avec des Etats tiers sans prendre en considération des exactions au
droit international auxquels ils peuvent se rendre coupable. Ainsi,
refusant toute complicité ou complaisance face aux violations du
droit international humanitaire, l'UE a su réagir en Ex Yougoslavie
(septembre 1998) ou en Afrique du Sud, Zimbabwe, Namibie, Haïti,
Libéria, etc...alors pourquoi se taire face à Israël ?
L'UE, en tant que membre du Quartet, est investie dans le processus
de paix, elle se doit donc de ramener les parties sur le chemin du
respect du droit international, seul garant du succès d'une paix
juste et durable.
En vertu des traités fondateurs de l'UE, il revient pourtant à la
Commission de veiller à la bonne application par les États
signataires des accords internationaux signés avec la Communauté,
et de veiller au respect des divers accords d'association et de coopération
scientifique et technique.
Bien que l'Union européenne ait réitéré sa demande qu'Israël se
conforme au droit international et à ses obligations humanitaires,
à ce jour la Commission européenne a pris peu de mesures contre
les violations commises.
La suspension de ces accords permettrait donc à la fois de
sanctionner le non respect des normes du droit international et de
pousser les États membres de l'UE à faire respecter la Convention
de Genève et le respect des Droits Fondamentaux et des Libertés Démocratiques.
En l'occurrence, les accords UE-Israël peuvent servir de moyen de
pression économique et politique, notamment pour demander l'arrêt
de la colonisation, le retrait israélien des Territoires occupés
palestiniens et la destruction de ce mur de l'apartheid.
Déjà, le 10 avril 2002, le Parlement européen avait pris position
en demandant à la Commission et au Conseil la suspension temporaire
immédiate de l'accord d'association UE-Israël.
Une semaine avant la réunion des ministres des affaires étrangères
de l'UE, le président de la Commission européenne, Romano Prodi,
avait prôné la convocation anticipée du Conseil d'association
UE-Israël. Mais celui-ci ne se réunira pas, faute d'unanimité
entre les quinze pays de l'Union européenne : la Grande-Bretagne,
les Pays-Bas et l'Allemagne refusent toute idée de pression à l'égard
d'Israël. On peut se poser la question du pourquoi historique et
politique ?!?
L'absence de réaction de la Commission européenne met en cause
l'ensemble de la législation européenne. De plus, par son
inaction, l'UE risque de facto d'être complice des graves
violations par Israël des Droits Fondamentaux, des Libertés démocratiques
et du Droit International.
Pour conclure, il me semble important de rappeler qu'il ne s'agit
aucunement d'une sanction mais de la stricte application des
conventions internationales qui obligent les parties contractantes.
Il est également urgent de réaffirmer que la science n'est pas
au-dessus du droit, et ne peut servir de prétexte pour garder le
silence face à un tel crime contre l'humanité.
Peut-on ne se soucier que d'une science pure, que de la production
intellectuelle de la création et de la recherche scientifique, sans
prendre en compte ce qui se passent dans les universités voisines
et ce que vivent d'autres universitaires, étudiants et chercheurs ?
Ce refus de renouvellement exprimerait notre fidélité aux forces
de progrès et de paix, notre solidarité aux universitaires et
intellectuels, et notre soutien avec le peuple victime d'oppressions
et de violences, dans sa lutte contre le colonialisme et
l'occupation militaire.
Des universitaires ont fait leur devoir en dénonçant et condamnant
ces violences car c'est aussi leur rôle de crier, haut et fort,
lorsque les Droits Fondamentaux et les Libertés démocratiques sont
bafoués. Chaque jour, des citoyens prennent la relève et
interviennent devant l'incapacité de nos diplomaties à intervenir
grâce à des missions civiles de protection du peuple palestinien.
A nous aujourd'hui, parlementaires, d'assumer nos responsabilités
et faire notre devoir en rejetant cette proposition du Conseil
concernant le renouvellement de cet accord de coopération
scientifique et technique avec Israël.
Nous ne pouvons pas accepter que d'un côté règnent les droits et
libertés académiques, et de l'autre côté règnent la violence de
la colonisation et de l'occupation militaire, en total impunité !
Je vous remercie,
Alima Boumédiene-Thiery
Députée au Parlement Européen / MEP Groupe des Verts / ALE -
Greens / EFA
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