Rencontre - L'Orient le Jour
Gilad Atzmon, le
saxophone juif qu'Israël aimerait
étouffer
Béchara
Maroun

Gilad
Atzmon, un auteur controversé
Jeudi 10 janvier
2013 Gilad Atzmon
est auteur, saxophoniste et activiste
politique reconnu pour son antisionisme.
Il le fut un jour où il était soldat
dans l’armée israélienne.
Gilad Atzmon est insolite, et c’est le
moins qu’on puisse dire. Entre
l’activiste politique, soldat israélien
converti en juif haïsseur de soi et qui
arbore fièrement les couleurs d’une
Palestine blessée, et le saxophoniste
aux disques à succès, se dessine un
curieux personnage qui se veut «
essentialiste, dogmatique, philosophe à
l’allemande ». Une prétention qu’il
soutient par ses livres, qui véhiculent
une pensée antijudaïque de la haine de
soi et qui ont été sujets à de
nombreuses controverses. Dénigré par les
Juifs et par de nombreux Palestiniens
qui l’accusent d’antisémitisme, le
jazzman britannique reconnu pour sa
musique a plus d’une fois été appelé à
se consacrer au saxophone et à se
défaire d’une bataille politique
difficile. «Ma
carrière de saxophoniste est mon seul
bouclier contre les Israéliens, qui
auraient tôt fait de me liquider si le
prix musical à payer n’était trop cher»,
répond Gilad Atzmon avec humour. À l’occasion de la sortie de son livre
Quel Juif errant? en langue arabe,
l’auteur a été invité par la chaîne
télévisée al-Mayadine à une rencontre
avec des Libanais, lui qui revient au
Liban après 21 ans. Seule différence:
celui qui en 1982 participait à
l’invasion israélienne en soldat dévoué
revient aujourd’hui pour affirmer un
désistement total de la cause sioniste.
Sur la scène du théâtre Tournesol, à
Beyrouth, et avant de s’adonner au jeu
du saxophone, Gilad Atzmon a voulu
présenter ses récentes trouvailles dans
ce qu’il appelle «la réflexion sur
l’identité juive». «C’est la première
fois que je visite votre pays en tant
que touriste, dit-il. La dernière fois,
j’étais soldat israélien, et cela est
très embarrassant. Pourtant, c’est
précisément cette guerre révélatrice de
1982, au Liban, qui a planté les
premières graines de révolte dans mon
esprit. Aujourd’hui, et après 15 ans
d’analyse, je commence à comprendre le
fondement de l’identité juive.»
Refouler l’histoire
Gilad Atzmon explique: «Notre
connaissance du passé et de l’histoire
n’est jamais très claire, puisqu’elle
repose sur les faits que nous désirons
nous rappeler. L’histoire est une série
d’événements que nous pouvons
comprendre, ou d’événements qui nous
rendent fiers, même si on ne peut les
comprendre. En fait, l’histoire n’est
autre qu’une forme de dissimulation des
éléments qui contredisent qui nous
sommes, que nous ne voulons pas
incorporer dans notre identité et que
nous passons sous silence. Cela
ressemble un peu, au niveau personnel, à
une personne qui ressent des désirs
sexuels non communs et qui ne peut en
parler à ses parents. Dans l’histoire
juive, il est très clair que les Juifs
sont fiers d’avoir par exemple fleuri le
désert, d’avoir un pouvoir suprême, une
armée infaillible, mais ils cachent
d’autre part de nombreuses petites
choses. Comment est-il possible que, où
ils aillent, les Juifs rencontrent des
problèmes? Comment est-il possible que
l’histoire juive soit une série de
génocides et que les Juifs aient fait en
sorte de devenir le peuple le plus haï
de la région? Ces questions sont bien
évidemment des questions qu’ils ne se
posent jamais.» «Nous sommes tous pareils en tout cas,
ajoute M. Atzmon. Les Palestiniens ne se
sont jamais interrogés pourquoi les
Juifs ont afflué en Palestine à la fin
du XIXe siècle et ont commencé à s’armer
massivement. Par ailleurs, ce n’est
qu’après la guerre de 2006 qu’ils ont
réalisé que la plupart des ONG
palestiniennes sont financées par des
Israéliens libres. C’est une honte, mais
nous n’en parlons pas. La narration
collective comprend ce processus
d’oubli. Et pour maintenir cette
répression collective, on a recours à
l’idéologie, comme l’affirme si bien un
proverbe russe: “Si les faits ne
correspondent pas à l’idéologie, on
change les faits.” Aussi, on a recours à
un leader charismatique, et les Juifs en
ont eu beaucoup depuis Moïse. Mais le
problème surgit quand le leader meurt,
une distance se creusant entre
l’inconscient et la réalité. C’est alors
que la confusion commence. On commence à
entendre des menaces. Il est interdit de
parler de beaucoup de choses. Pourquoi?
On ne sait plus. On a oublié pourquoi.
Ceci est juste politiquement incorrect.
Et c’est ainsi que fonctionne
l’endoctrinement juif.» Une théorie que Gilad Atzmon développe
en long et en large dans son récent
ouvrage, où il appelle à gratter la
couverture qui cache les vrais faits de
l’histoire pour mettre au grand jour la
réalité. «C’est en entamant ce processus
que les gens découvriront que les
Israéliens ne sont que des trouillards,
précise-t-il. Leurs soldats ne mènent
plus de combats sur terre; ils n’ont
recours qu’aux avions, et leur faiblesse
a été dévoilée au monde dans la guerre
de 2006 au Liban. Il faut gratter
l’histoire et se poser les bonnes
questions. Parler du lobby juif qui a
poussé à la guerre en Irak et qui pousse
au quotidien les États-Unis à la guerre
contre l’Iran. L’identité juive
politique est la plus dangereuse
aujourd’hui. Elle menace même l’Europe,
et l’arrêter est urgent.»
Un Juif antisémite ?
Critiqué pour son antisémitisme, Gilad
Atzmon souligne qu’il ne s’en «prend pas
aux Juifs ni au judaïsme, ni même au
sionisme». «Ceux qui sont juifs parce
qu’ils croient en la Torah ou parce
qu’ils ont des ancêtres juifs sont
innocents. Ce sont ceux qui voient dans
la doctrine politique juive une priorité
distinctive qui sont coupables, et
malheureusement, Israël est une
démocratie. Les tyrans criminels qui
dirigent cet État sont choisis par le
peuple, ce qui prouve que le peuple en
entier est endoctriné dans cette
politique», ajoute M. Atzmon. Gilad Atzmon est confiant en l’avenir.
«On assiste à un éveil en Occident. On
sent que quelque chose ne tourne pas
rond. En Occident, on n’a pas le droit
de parler de Juifs car cela est
politiquement incorrect. Le lobby juif
et les organisations politiques juives
sont sécurisés au nom de
l’antisémitisme. Mais les choses
changent, confie-t-il à l’OLJ. Les Juifs
font tout leur possible pour maintenir
l’inconscient collectif qu’ils désirent.
Ils écrivent l’histoire alors qu’ils ne
l’ont jamais fait pour plus de 16
siècles. Quand j’étais enfant, à
Tel-Aviv, ma famille était très éduquée.
Pourtant, je n’avais jamais entendu
parler de la naqba, ni des refugiés
palestiniens. Ce sont des choses
interdites. On critique le nazisme, mais
nazisme et idéologie juive sont très
semblables. Le nazisme était même
meilleur par son côté socialiste. »
Enfin, Gilad Atzmon raconte qu’il a été
reçu dans le bunker du Hezbollah à Khiam
la veille. Pour lui, un jour, la
Palestine triomphera et la solution d’un
seul État sera établie, pour de simples
raisons démographiques. Lui poursuivra
sa réflexion sur la question juive, de
manière tout à fait indépendante, en bon
« self-hating Jew ». « La haine de soi
est commune à beaucoup de Juifs, en
passant par Jésus, Spinoza et Freud. Ces
derniers ont transformé cette haine en
vérité universelle pour le monde»,
dit-il avec un sourire, comme voulant
inscrire son nom sur la liste d’honneur.
Le jazzman ne verrait-il pas trop grand?

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Publié le 10 janvier 2013
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