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Rapport de Human Rights Watch: « J'ai tout perdu : La destruction illégale de biens par Israël lors du conflit de Gaza »

Mardi 18 mai 2010

Israël devrait enquêter sur la destruction illégale de biens civils lors du conflit qui a eu lieu à Gaza en 2009, a indiqué Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd'hui.

Le rapport de 116 pages, intitulé « ‘I Lost Everything‘ : Israel's Unlawful Destruction of Property in the Gaza Conflict » (« J'ai tout perdu : La destruction illégale de biens par Israël lors du conflit de Gaza ») expose 12 cas distincts qui se sont produits pendant l'opération « Plomb durci » au cours de laquelle les forces israéliennes ont détruit massivement des structures civiles (maisons, usines, fermes, serres, etc.) dans des zones sous son contrôle sans qu'aucune finalité militaire légale ne le justifie. D'après les enquêtes de Human Rights Watch qui se sont fondées sur les preuves matérielles, les images satellites et les récits de nombreux témoins sur chaque site, rien n'indiquait qu'un combat se déroulait à proximité au moment où les destructions ont eu lieu.

Israël a prétendu que ses forces d'intervention ne détruisaient les structures civiles que dans les cas où des groupes armés palestiniens s'en servaient de base de combat ou les utilisaient pour stocker des armes, dissimuler des tunnels ou servir d'autres fins militaires. Israël allègue également que de nombreuses maisons de Gaza ont été détruites par des engins piégés installés par le Hamas. Aucune des preuves concernant les incidents sur lesquels Human Rights Watch a enquêté ne vient appuyer ces allégations.

« Près de 16 mois après la guerre, Israël n'a toujours pas sanctionné les troupes qui ont illégalement détruit des zones d'habitation civile dans des régions se trouvant sous leur contrôle », a indiqué Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient au sein de Human Rights Watch. « Le blocus décrété par Israël continue d'empêcher les habitants de Gaza de reconstruire leurs maisons, ce qui équivaut à punir la population civile de Gaza longtemps après la fin des hostilités. »

Les 12 cas examinés par Human Rights Watch ont révélé que les forces israéliennes ont procédé à la destruction soit dans une volonté de punir soit à d'autres fins illégales, et ce en totale violation de l'interdiction dictée par le droit international humanitaire - les lois de la guerre - prohibant la destruction d'habitations civiles sauf lorsque des raisons militaires légales l'imposent. Dans sept cas, les images satellites ont corroboré les récits des témoins indiquant que les forces israéliennes avaient détruit de nombreuses structures après avoir pris le contrôle d'une zone et peu de temps avant l'annonce d'un cessez-le-feu par Israël et le retrait de ses forces de Gaza le 18 janvier 2009.

Le blocus complet de la bande de Gaza imposé par Israël, qui constitue une forme de punition collective infligée aux civils en réaction à la prise de Gaza par le Hamas en juin 2007, a entravé le processus de reconstruction, notamment dans des régions dans lesquelles Human Rights Watch a recensé des destructions. Israël a autorisé l'importation de ciment pour plusieurs projets de réparation mais le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a indiqué en mars dernier que ce n'était qu' « une goutte d'eau dans l'océan » compte tenu des besoins en matière de logement.

Les responsables israéliens insistent sur le fait que le blocus - qui avait déjà dégradé les conditions humanitaires à Gaza avant l'opération « Plomb durci » - restera en place tant que le Hamas ne libèrera pas le sergent-chef Gilad Shalit, le soldat israélien capturé en 2006, ne cessera pas les violences et ne remplira pas d'autres conditions politiques. La détention à l'isolement prolongée de Shalit par le Hamas viole l'interdiction de traitement cruel et inhumain et pourrait s'apparenter à de la torture.

De nombreux produits sont passés en contrebande à Gaza à travers des tunnels se trouvant sous la frontière sud avec l'Égypte, et de nombreux bâtiments endommagés ont été réparés au moins partiellement avec des briques fabriquées à partir de ciment de contrebande et de gravats de béton recyclés. Toutefois, ces matériaux de construction improvisés sont apparemment de mauvaise qualité et ne peuvent pas être utilisés dans le cadre de grands projets de reconstruction. Dans les régions de Gaza où Human Rights Watch a constaté que les forces israéliennes avaient détruit des habitations dans des zones sous leur contrôle, presqu'aucun bâtiment détruit n'a été reconstruit ; l'approvisionnement insuffisant des matériaux de reconstruction rend prohibitif le coût de ces matériaux pour la plupart des résidents de Gaza, dont plus des trois quarts souffrent de la pauvreté.

En décidant de fermer la frontière sud de Gaza, l'Égypte a une part de responsabilité dans la punition collective imposée aux populations civiles de Gaza. Sauf dans certaines circonstances bien précises, l'Égypte refuse d'autoriser le transfert des biens ou des personnes par le poste frontalier que le pays contrôle à Rafah.

Les lois de la guerre interdisent les attaques sur des biens à caractère civil, y compris des habitations et des usines civiles, à moins que ces attaques n'aient un objectif militaire légitime, ce qui signifie qu'elles donnent aux forces ennemies un avantage militaire manifeste dans les circonstances prévalant à ce moment-là. Le rapport de Human Rights Watch examine divers cas de destruction qui pourraient constituer des violations des lois de la guerre interdisant toute destruction délibérée, définie comme la destruction massive des biens civils non justifiée légalement par des exigences militaires. De telles destructions constitueraient notamment une violation grave de la quatrième Convention de Genève de 1949 qui s'applique à Gaza. Les individus ayant commis ou ordonné ces destructions devront être poursuivis pour crime de guerre.

Human Rights Watch n'a pas intégré dans son rapport les cas dans lesquels la destruction n'a pas été massive ou dans lesquels les éléments de preuves laissaient penser que les destructions par Israël des habitations en question auraient pu se justifier d'un point de vue militaire ou se basaient sur des informations erronées.

Human Rights Watch a recensé la destruction totale de 189 bâtiments, dont 11 usines, 8 entrepôts et 170 bâtiments d'habitation - soit environ 5% du nombre total de biens détruits à Gaza - qui a privé de toit 971 personnes au moins. Dans les cas examinés dans les quartiers d'Izbt Abd Rabbo, de Zeitoun et de Khoza'a, les forces israéliennes avaient détruit la presque totalité des maisons, usines et vergers dans certaines régions, ce qui montre une volonté apparente de destruction systématique dans ces sites. Des usines de jus de fruit et de fabrication de biscuits, une minoterie et sept cimenteries comptent parmi les établissements industriels détruits. Human Rights Watch n'a pas déterminé si ces incidents reflètent une tendance plus générale, mais Israël devra enquêter précisément sur ces cas - y compris sur le caractère légal de toutes décisions politiques pertinentes - et punir comme il se doit les personnes ayant agi illégalement.

« Les recherches menées par Human Rights Watch démontrent que dans certains cas, les forces israéliennes ont détruit inutilement des domiciles et des biens permettant à des habitants de Gaza de gagner leur vie », a indiqué Mme Whitson. « Si le gouvernement israélien ne mène pas d'enquêtes et ne punit pas les responsables, ceci reviendrait effectivement à avaliser les souffrances que ces civils ont endurées. »

Les avocats des Forces de défense israéliennes (FDI) ont déclaré à Human Rights Watch que les FDI enquêtent actuellement sur la destruction d'habitations documentée dans ce rapport. Toutefois, il ne s'agit pas d'enquêtes criminelles menées par la police militaire mais de comptes-rendus appelés rapports de mission qui n'impliquent pas de rencontrer des témoins palestiniens. Sur les 150 enquêtes ouvertes à ce jour sur l'opération « Plomb durci », 36 sont des enquêtes criminelles et les autres sont des rapports de mission. Deux de ces affaires criminelles couvrent des allégations de dommages sur des bâtiments individuels.

La seule sanction signalée qui a été prononcée pour la destruction de biens illégale pendant l'opération « Plomb durci » a été une mesure disciplinaire non spécifiée prise immédiatement par le commandant sur le terrain à l'encontre d'un soldat pour « arrachage de végétation » à Gaza. Les FDI n'ont fourni aucune autre information sur l'incident ou la mesure disciplinaire. En général, à ce jour, Israël n'a condamné au criminel qu'un seul soldat et a pris des sanctions disciplinaires à l'égard de quatre autres soldats et commandants pour des infractions lors de l'opération de Gaza.

Israël n'a notamment mené aucune enquête poussée et impartiale sur la question de savoir si les décisions politiques prises par les principaux décisionnaires politiques et militaires, y compris les décisions préalables à l'opération, ont abouti à des violations des lois de la guerre, dont la destruction illégale d'infrastructures civiles.

Israël a publié les résultats d'une enquête militaire sur un cas recensé dans ce rapport ; l'enquête a conclu au caractère légal de l'attaque d'une minoterie. Toutefois, ces conclusions sont contredites par les vidéos et les autres éléments de preuve à disposition. (Fin mars 2010, Israël a annoncé que les importations de ciment pour réparer la minoterie avaient été autorisées). Les FDI n'ont fourni aucune explication sur les 11 autres incidents que Human Rights Watch a recensés et a déjà évoqués auprès des FDI.

D'après les informations à disposition, les autorités du Hamas n'ont pris aucune mesure significative en vue d'enquêter ou de condamner les membres du Hamas ou les autres groupes armés palestiniens responsables de graves violations des lois de la guerre avant, pendant ou après l'opération « Plomb durci », principalement des attaques à la roquette sur des régions peuplées d'Israël. Toutefois, en vertu des lois de la guerre, l'illégalité des actions d'une partie à un conflit ne justifie pas les actions illégales de l'autre.

En vertu des lois de la guerre, les destructions de biens à caractère civil ne sont pas toutes illégales. Le Hamas et les groupes armés palestiniens se sont parfois servis des infrastructures civiles pour engager le combat avec les forces israéliennes et pour stocker les armes ; ils ont également piégé les structures civiles et creusé des tunnels en dessous.

En outre, Human Rights Watch a reproché au Hamas et aux autres groupes palestiniens les tirs de roquette sur des régions peuplées. Dans ces cas, les dommages aux biens causés par les contre-attaques israéliennes à l'encontre des groupes armés auront pu être des « dommages collatéraux » légaux. Les groupes armés palestiniens auront pu également être responsables des dommages aux biens civils dans les cas où les attaques des FDI ont déclenché des explosions induites d'armes ou d'explosifs stockés par les groupes armés qui ont endommagé les structures environnantes. La destruction de biens civils se produisant pendant un combat immédiat ou visant à permettre les avancées des forces israéliennes compte tenu du minage et du caractère impraticable des routes voisines pourra être légale également, en fonction des circonstances.

Les enquêtes de Human Rights Watch ont pris en considération ces possibilités et se sont axées sur 12 cas dans lesquels les éléments de preuve montrent qu'aucune raison légale ne justifie la destruction des biens civils. Concernant ces incidents, les FDI ne se battaient pas contre les forces palestiniennes au moment où elles ont détruit les biens - dans tous les cas, les combats dans la région avaient cessé - et dans la plupart des cas, la destruction des biens s'est produite une fois que les forces israéliennes ont éliminé ou dispersé les combattants palestiniens dans la région et ont consolidé leur contrôle, par l'occupation de maisons, par le stationnement de tanks dans les rues ou dans les collines voisines et par la surveillance constante depuis des avions pilotés et non pilotés, par exemple.

La simple possibilité d'une future utilisation militaire par des groupes armés de certaines structures civiles dans ces régions - comme pour la pose de pièges, pour le stockage d'armes ou pour la construction de tunnels - ne peut, en vertu des lois de la guerre, justifier la destruction à grande échelle et parfois systématique de quartiers entiers ainsi que d'usines et de serres qui fournissaient de la nourriture et d'autres produits aux populations civiles.

Les déclarations publiques de certains chefs politiques israéliens laissent croire à une volonté de détruire les infrastructures à Gaza en vue de dissuader les attaques à la roquette des groupes armés dirigées contre Israël. Human Rights Watch a recensé plusieurs cas dans lesquels les groupes armés palestiniens à Gaza ont lancé des tirs de roquette contre des agglomérations israéliennes pendant et avant l'opération « Plomb durci » en violation des lois de la guerre. Pendant le combat, environ 800 000 Israéliens se sont trouvés sous le feu de centaines d'attaques à la roquette qui ont tué trois civils israéliens et gravement blessé plusieurs douzaines d'autres. Les individus qui ont perpétré ou ordonné les attaques à la roquette délibérées ou intempestives sur des civils sont responsables de crimes de guerre. Toutefois, comme cela a été indiqué, les violations des lois de la guerre par une partie à un conflit ne justifient pas les violations d'une autre partie.

Israël contrôle l'accès par la terre, par les airs et par la mer à la Bande de Gaza, à l'exception d'une frontière de 15 km avec l'Égypte. Depuis la fin du conflit, Israël a approuvé un nombre limité d'expéditions de nourriture, de carburant et de matériels vers Gaza, mais ces expéditions sont bien inférieures aux besoins humanitaires de la population. Le pays a autorisé l'importation de matériaux de construction destinés à des projets spécifiques mais continue de refuser l'entrée de ciment, de barres de fer et d'autres matériaux de construction de base. Même si, en termes de sécurité, Israël a des raisons valables de penser que le Hamas pourrait utiliser le ciment pour construire ou consolider des bunkers militaires et des tunnels, les organismes d'aide humanitaire déclarent qu'Israël a refusé d'envisager un système de fonctionnement permettant de garantir la surveillance indépendante de l'utilisation finale des matériaux de construction. Israël devra chercher à mettre au point un système de ce type de toute urgence.

« Les États-Unis, l'Union européenne et les autres États devraient de toute urgence appeler Israël et l'Égypte à ouvrir les frontières de Gaza afin de permettre le transport des matériaux de construction et d'autres produits de ravitaillement essentiels à la population civile », a conclu Mme Whitson.

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Publié le 31 mai 2010

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Source : REMDH
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