Liban
France-Liban : Lettre ouverte au
Président
Emmanuel Macron (et à ceux qui
l’applaudissent)
Roger Assaf

Lundi 28 septembre 2020
Par Roger Assaf,
homme de théâtre, Citoyen libanais et
français
Monsieur le
Président,
Je salue votre
engagement personnel dans les efforts
pour trouver une solution au
‘’problème’’ libanais. Votre discours en
témoigne. Je me permets de vous rappeler
la parole d’un sage: ‘’la solution d’un
problème commence par savoir se
reconnaître comme une composante du
problème’’.
Je partage avec la
plus grande partie du peuple libanais
votre condamnation de la classe
dirigeante au Liban, votre réprobation
de leur comportement criminel dans leur
attachement crapuleux à leurs intérêts
partisans (voire personnels) au
détriment des besoins vitaux du peuple.
Votre discours ne
nous apprend rien que nous ne sachions
déjà, votre colère est même loin d’être
égale à la nôtre, et votre sentiment de
‘’honte’’ est loin d’égaler notre
exécration des malfaiteurs qui
contrôlent l’État libanais, de leur
cupidité insatiable et de la gabegie
effrénée qu’ils pratiquent impunément.
Et pourtant, votre
discours me révolte, parce qu’il occulte
délibérément votre responsabilité
foncière dans la catastrophe libanaise
(quand je dis votre ou vous, il ne
s’agit pas bien sûr de vous
personnellement, mais de l’État
français, aujourd’hui, naguère et
jadis)…
Vous polarisez
votre diagnostic de la crise actuelle
sur le Hezbollah. Nous sommes au Liban
témoins, victimes et dénonciateurs des
exactions de ce parti. Il est, au même
titre que tous les autres protagonistes
de l’indigne oligarchie qui accapare
l’État libanais, coupable de corruption,
gabegie et dégradation des institutions.
La milice du
Hezbollah et la mainmise de son acolyte
‘’Amal’’ sur le Parlement sont des
obstacles (mais pas uniques) à une issue
positive de la crise actuelle.
Or les raisons
(légitimes) de l’existence du Hezbollah,
les justifications (même si elles
servent de prétextes) de leur politique,
ont pour origine et pour raison d’être
la présence de l’État d’Israël,
l’injustice criante de son installation,
la perpétuelle impunité de ses crimes,
les innombrables agressions perpétrées
contre le Liban depuis 1948, (1949,
1952, 1955, 1959, 1961, 1968, 1969,
1970, 1971, 1972, 1974, 1975, 1976,
1977, 1978 suivie de 22 ans d’occupation
du Liban-Sud (en majorité chiite), 1979,
1980, 1981, 1982 guerre qui a détruit
les infrastructures civiles du pays),
1983, 1984, 1985, etc. etc. etc. ,
Ces dates dûment
détaillées se trouvent dans les archives
publiées en juin 1986 par le Centre de
Documentation Arabe. Pour la suite, il
suffit de se référer aux documents
d’Amnesty International, en particulier
pour les violations du Droit
International dans la Guerre de 2006.
Monsieur le
Président, J’AI HONTE pour l’État
Français et la Communauté internationale
pour la désinvolture et/ou l’impuissance
de leur attitude à l’égard de
l’injustice flagrante, implantée,
entretenue, développée, en continuelle
expansion, que représente l’État
israélien, colonialiste, raciste, super
militarisé… et religieux (Monsieur le
défenseur de la laïcité et des valeurs
républicaines !).
On ne peut pas être
à la fois ami du Liban et de Benyamin
Netanyahu.
On ne peut pas être
à la fois accusateur du Hezbollah et
complice (ou témoin silencieux) de la
colonisation sauvage de la Palestine
occupée.
On ne peut pas à la
fois exiger le désarmement du Hezbollah
et autoriser l’arsenal nucléaire
israélien.
On ne peut pas à la
fois pleurer sur la détresse du peuple
libanais et détourner les yeux de la
tragédie humaine de Gaza… (Cette liste
n’est pas exhaustive).
Vous voulez aider
le peuple libanais ? Je vous crois
sincère (tout en sachant très bien que
vous défendez en même temps vos intérêts
et que ce n’est pas pure philanthropie).
Qu’avez-vous fait
pour libérer le Liban de l’occupation
israélienne (1978 – 2000) ? Ni vous, ni
l’État libanais n’ont aidé la résistance
libanaise et réussi à mettre fin à cette
odieuse violation du droit international
?
Qu’avez-vous fait
en 2006 pour faire échec à la
scandaleuse agression massive de
l’aviation et de l’artillerie
israéliennes, ni vous, ni l’État
libanais, mais la formidable solidarité
du peuple libanais autour des
combattants du Hezbollah ?
Que ferez-vous dans
l’avenir si, en supposant le Hezbollah
désarmé, le Liban subissait une nouvelle
agression ? probablement rien de
concret, mais je sais au plus profond de
moi que le peuple libanais inventera sa
future résistance, à l’image de
l’insurrection civile actuelle,
citoyenne et non confessionnelle?.
Vous voulez aider
le peuple libanais? Soignez le mal à la
source. Supprimez la raison d’être du
Hezbollah. Mais je sais que ce n’est
qu’un vœu pieux. Nos dirigeants locaux
sont corrompus, et les dirigeants du
monde actuel le sont également.
Cependant la formule occidentale est
beaucoup plus perverse.
Les dirigeants
libanais sont la mafia qui vampirise les
libanais, les dirigeants du monde ne
sont que les serviteurs de la mafia qui
extorque les ressources de la planète,
en vampirisant de préférence les peuples
au-delà de leurs frontières.
La France comme les
États-Unis d’Amérique et la Russie,
comme la Turquie, l’Iran, les pays
arabes pétroliers, feront toujours
passer leurs intérêts économiques avant
les besoins des peuples dont ils se
disputent les ressources.
Continuez votre
politique, persévérez dans vos
politiques discriminatoires, mais
épargnez-nous vos discours
déontologiques.
Par Roger Assaf,
homme de théâtre, Citoyen libanais et
français
Note de la
rédaction
Emmanuel Macron a
servi aux Libanais sa recette
habituelle: la poudre de perlimpinpin.
Il cite nommément
le Hezbollah, mais omet de mentionner
son protégé Saad Hariri ; le trio
sunnite, Fouad Siniora, Najib Mikati et
Tammam Salam dont il dilue la
responsabilité dans le vocable collectif
mais anonyme de « classe politique ». De
même que le grand absent de son sermon
dominical Riad Salameh, le si décrié
gouverneur de la Banque du Liban.
Jupiter de France
fustige les Libanais, mais ne souffle
mot du jeu nauséabond des États-Unis,
qui l’ont littéralement marqué à la
culotte après chacun de ses déplacements
à Beyrouth. Ni non plus du rôle
obstructeur de l’Arabie Saoudite, le
chérubin de l’humanité.
Il tance l’Ukraine,
la Turquie, le Venezuela, mais
s’offusque que le Hezbollah, la
sentinelle de l’indépendance libanaise,
ait une projection régionale, infiniment
plus efficiente en tout état de cause
que celle de la France avec ses déboires
en Libye, en Syrie voire même au Yémen
et en Tunisie.
Le balnéaire du
Touquet a le souffle court. Il se
parachute au Liban pour s’aligner
finalement sur son cerbère américain.
Qu’elle est loin la grandeur française.
Pour aller plus
loin sur ce thème, ci-joint ce lien en
guise de piqure de rappel
https://www.madaniya.info/2020/08/31/le-centenaire-de-la-proclamation-du-grand-liban-une-demarche-passeiste-nostalgique-dune-grandeur-passee/
Illustration
: AFP
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