Interview
La seconde guerre mondiale
et le révisionnisme historique
occidental
Luc Michel
Vendredi 15 mai 2015
LUC MICHEL/ INTERVIEW POUR ‘SPUTNIK
INTERNATIONAL’ SUR LA SECONDE GUERRE
MONDIALE ET LE REVISIONNISME HISTORIQUE
OCCIDENTAL
EODE Press Office/ 2015 05 14 /
Avec Sputnik International /
http://www.eode.org/
https://vimeo.com/eodetv
Alexander Mosesov, Correspondent English
News Desk, Sputnik News Agency : As the
70th anniversary of Victory against Nazi
Germany in 1945 is just days away, I
would like to hear your opinion on the
most controversial issues surrounding
the historic coverage of the Second
World War and the role of USSR in it.
# Alexander Mosesov/Sputnik News Agency
: How do you assess the current
glorification of fascism and neo-Nazism
in Ukraine?
Luc MICHEL : Je
connais bien ces problèmes, dirigeant
depuis plus de 20 ans un Collectif
anti-nazi européen, EUROPÄISCHER
WIDERSTAND (Résistance Européenne, en
référence à la Résistance antinazie
allemande contre Hitler en 1933-45).
Nous avons particulièrement organisé dès
1998 les premières campagnes contre la
discrimination des Russophones et la
réhabilitation des SS baltes (j’étais
alors marié à une Russe de Riga). La
glorification du Fascisme et du
Néonazisme, et le révisionnisme
historique qui va de pair, ne sont pas
propres à l’Ukraine de 2014-2015. Ou
encore à celle de la pseudo « révolution
orangiste » de 2004. Ils accompagnent
toutes les étapes de l’expansion de
l’OTAN à l’Est. En particulier dans les
Pays baltes, mais aussi en Roumanie.
Et ces compromissions avec le Nazisme
sont partagées par l’OTAN et en
particulier la Bundeswehr allemande.
L’Estonie en offre un exemple révélateur
mais méconnu : Début 2000, Elle honorait
le colonel SS REBANE (commandeur de la
Légion SS estonienne et figure du
fascisme estonien avant 1939) dont les
restes inhumés en 1976 à Augsburg
venaient d’être transportés à Tallin, la
capitale estonienne. Une cérémonie
officielle en présence à la tribune du
commandant en chef de l’Armée
estonienne, le général Johannes KERT, et
des officiers SS survivants, portant
leurs décorations nazies, a été
organisée début février 2000, avec
salves d’honneur et défilé de l’armée
estonienne ! Avec une délégation
d’officiers de la Bundeswehr ! (Comme
nous l’apprenait alors avec ravissement
la « NATIONAL-ZEITUNG », le journal
d’extrême-droite allemand du Dr Frey, du
18 février 2000). Les cadets de l’Armée
estonienne conduisaient le défilé,
portant sur des coussins les décorations
de REBANE, frappées de la croix gammée.
Une précision encore, l’Ecole des élèves
officiers de l’Armée estonienne porte
depuis 1995 le nom de son patron, dont
l’exemple doit inspirer les jeunes
officiers estoniens : … le colonel SS
REBANE ! Le tout dans un pays membre de
l’UE depuis 2004 et dans une armée de
l’OTAN.
# Alexander Mosesov/Sputnik News Agency
: Some of the monuments devoted to the
Soviet soldiers who gave their lives to
defeat Nazi troops in Europe are now
being demolished. In Ukraine and in
Poland in particular. What do you think
of that?
Luc MICHEL : La
destruction des témoignages du passé va
de concert avec la destruction de la
mémoire. Alors intervient la
réhabilitation des figures noires du
passé. Avec des populations à qui on a
dissimulé ce même passé. C’est le
processus à l’œuvre en Pologne et en
Roumanie. Deux pays où les milieux
atlantistes et les américains
entretiennent la nostalgie géopolitique
et historique d’une « grandeur passée ».
Grande-Pologne de 1919-39, avec ses
annexions de territoires hongrois,
lithuaniens (Vilnius), tchèques (ayant
participé au dépeçage de la
Tchéchoslovaquie avec les nazis), liée
au IIIe Reich jusqu’en 1939 par un Pacte
militaire, gouvernée par un régime
militaire autoritaire et antisémite.
Grande-Roumanie de 1918-44, avec ses
annexions de populations russes,
ukrainiennes, polonaises, hongroises,
bessarabiennes, avec son annexion
d’Odessa et sa « province de
Transnistrie » en 1941, avec son régime
fasciste « national-légionnaire » du
Maréchal Antonescu. La Roumanie de 2015
ce sont les « marches pour l’annexion de
la Bessarabie », aujourd’hui la
Republica Moldova, état souverain et ex
république soviétique, les campagnes
pour la réhabilitation du Maréchal
Antonescu et de la Garde de Fer
antisémite.
C’est surtout l’oubli total de la
« shoah roumaine », qui a vu de pogroms
en massacres en Roumanie, Bessarabie,
Bucovine et Transnistrie,
l’extermination sauvage, par l’armée et
la gendarmerie roumaines, de plus de
350.000 Juifs roumains et ukrainiens de
1939 à 1941. Avant la Conférence de
Wamsee et la « shoah allemande » ! Un
livre décrit cette « shoah roumaine »,
CARTEA NEAGRA, le « livre noir » - d’un
intérêt historique comparable au Livre
noir sur l’extermination des Juifs en
URSS et en Pologne (1941-1945) de
Vassili Grossman et Ilya Ehrenbourg - a
été écrit par un survivant, l’avocat
juif roumain Matatias Carp. Destiné
explicitement par son auteur, dès 1946,
« à ceux qui oublient trop vite, à ceux
qui ne savent pas ou qui ne veulent pas
savoir ce qui s’est passé ». La Roumanie
est un pays, en Europe, « où 350 000
juifs furent exterminés sans que les
Allemands aient eu à intervenir, ou
seulement de façon marginale. Un pays où
les tueries atteignirent un tel degré de
sauvagerie que les nazis eux-mêmes se
dirent parfois choqués ». Et, comme
l'écrivit l'historien américain Raul
Hilberg, « aucun pays, Allemagne
exceptée, ne participa aussi activement
au massacre des juif ». Sujet tabou à
Bucarest …
# Alexander Mosesov/Sputnik News Agency
: Many Europeans underestimate the role
of Russia in the Second World War. The
United States is believed to be the main
victor in many European countries even
though more than 20 million Soviet
people died in that war. Do you think
that the history of the WWII in Europe
should be portrayed in a more balanced
way than it is now?
Luc MICHEL : Les
USA ont perdu moins de 400.000 hommes
sur tous les fronts, Europe, Afrique,
Pacifique, entre 1941 et 1945. L’URSS a
supporté des pertes de l’ordre de plus
de 27 millions de soviétiques entre 1941
et 1945 sur le seul Front de l’Est !
Ce débat là non plus n’est pas nouveau,
pas propre à la crise ukrainienne, mais
lié à l’expansion atlantiste.
L’éditorialiste britannique Jonathan
Steele, il y a dix ans déjà, dans THE
GUARDIAN (6 mai 2005) dénonçait cette
forme de révisionnisme historique
concernant la Seconde Guerre mondiale en
la mettant en parallèle avec celle du
génocide nazi : « Si la négation du rôle
de l’Union soviétique et de l’Armée
rouge n’est pas aussi perverse que la
négation de l’Holocauste, elle est
néanmoins largement répandue en Occident
(…) Personne ne peut contester le fait
que, après le débarquement allié en
Normandie les Occidentaux s’attaquaient
à 58 divisions allemandes alors que
l’URSS en affrontait 228. L’Armée rouge
a donc infligé 80 % des pertes à la
machine de guerre nazie – mais combien
d’hommes politiques européens et
américains l’admettent ? ».
Ce refus de reconnaître à sa
juste valeur l’apport décisif de l’Armée
rouge dans la victoire contre Hitler est
tout aussi mensonger que le discours –
typique de l’idéologie
libérale-atlantiste – visant à placer
sur un même plan le nazisme et le
stalinisme. « Les éminents historiens du
XXe siècle que sont Moshe Lewin et Ian
Kershaw ont déjà démontré, dans leur
ouvrage sur le stalinisme et le nazisme,
l’inefficacité d’une telle approche, car
les deux régimes ont des points de
divergence fondamentaux », précise
encore Jonathan Steele.
Steele s’en prend enfin – en des termes
similaires aux miens – aux dirigeants
baltes d’aujourd’hui qui « ont également
tort de prétendre que les régimes
d’avant-guerre dans les Etats baltes
n’étaient pas autoritaires et
chauvinistes et que l’occupation
soviétique était égale, voire pire que
celle des nazis. Il suffit de lire les
mémoires des rares survivants juifs
lituaniens».
# Alexander Mosesov/Sputnik News Agency
: What is the view of your country’s
citizens on this issue?
Luc MICHEL : La
Belgique n’est pas autant contaminée que
les pays des marches orientales de l’UE
par le révisionnisme atlantiste. Certes
le gouvernement belge est un des piliers
de l’OTAN (ayant fourni bon nombre de
ses secrétaire-généraux) et participe à
la Russophobie ambiante, boycottant les
cérémonies du 9 mai à Moscou. Certes
encore les soi-disant « groupes
anti-fascistes » et médias assimilés,
qui sont comme en France des officines
financées ou subsidiées par le
gouvernement atlantiste, participent aux
campagnes russophobes et se sont
déchaînées lors du Référendum et du
retour de la Crimée à la Russie.
Mais le souvenir de la seconde guerre
mondiale et de l’occupation nazie reste
présents. La Belgique a particulièrement
été soulevée par une grande crise
politique entre 1945 et 1951, suscitée
par l’attitude du roi Léopold III (père
du roi Albert II et grand-père du roi
Philippe I), qui avait notamment été
serrer la main d’Hitler à Berteschgaden,
et qui conduisit à son abdication sous
la pression de la rue walonne en 1951.
La TV RTBF vient de diffuser le film
Stalingrad (France 2) de Pascale Lamche
et Daniel Khamdamov, qui montre le rôle
décisif des grandes batailles
soviétiques dans la défaite du Nazisme.
Et la Ville de Bruxelles a toujours son
Avenue de Stalingrad inaugurée en 1946 …
EODE PRESS OFFICE
Photos : Sputnik News.
Marche des vétérans des divisions
lettones de la Waffen SS, à Riga,
Lettonie, Sunday, ce 16, mars 2014.
http://www.eode.org/
EODE-TV on Vimeo :
https://vimeo.com/eodetv
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