Interview
« Ne perdez plus de temps
avec les médias occidentaux ! »
Luc Michel
Jeudi 5 mai 2016
Analyste
géopolitique, il a dénoncé à plusieurs
reprise la déstabilisation du Burundi
par les pays tiers. Il s’appelle Luc
Michel et depuis son arrivée au Burundi,
il y a une semaine, il visite les
provinces, rencontre la population et
découvre ce pays qu’il a défendu
plusieurs fois dans ses émissions sans
l’avoir foulé. Ikiriho l’a croisé en
cours de route ce lundi à Kayanza.
IKIRIHO :
Pour ceux qui ignorent qui est Luc
Michel, quelques mots sur votre
engagement politique ?
Je suis consultant
et panéliste chez Africa Media, avec un
parcours en eurasisme, aujourd’hui une
idéologie en vogue en Russie. Mais
principalement, j’ai un parcours de plus
d’un quart de siècle en Afrique, surtout
en Libye de Kadhafi, où j’ai été
notamment le coordinateur des comités
des mouvements révolutionnaires libyens
en Europe depuis l’Espagne jusqu’en
Russie. Les Burundais me connaissent de
la part d’une collaboration que j’ai
avec Afrique Media en tant que panéliste
et représentant de cette chaîne à
Bruxelles et a Moscou.
D’où viens
votre intérêt pour le Burundi ?
C’est une longue
histoire, que je vais résumer: mon oncle
avait une compagnie d’import-export dans
les années 1960 qui travaillait avec le
Burundi. J’avais autour de 5 ans, et
j’entendais souvent parler de ce pays,
des Hutus et des Tutsis. Mon oncle et ma
tente sont venus en visite à quatre
reprise, et ils revenaient
enthousiasmés. C’est à la même époque
que j’ai découvert le Congo. Le Burundi
pour moi a donc toujours fait partie de
mon univers. Et quand j’ai commencé a
m’intéresser sur la politique en
Afrique, je suivais également la
politique du Burundi.
Pourquoi
avez-vous choisi de défendre souvent le
Burundi dans vos analyses ?
C’est parti d’une
réaction énergique que j’ai eu sur les
plateaux de la chaîne Afrique Media.
Vous savez qu’au départ, ce medium était
contre Pierre Nkurunziza, en faisait une
mauvaise lecture des Accords d’Arusha
démentie par la Cour constitutionnelle.
Souvent, on attend que les panélistes
reprennent ce que diffusent les media
occidentaux. Et là, je me suis retrouvé
au milieu d’un panel qui peignait le
portrait d’un Nkurunziza-Bashir … Je
suis intervenu en dernier et j’ai piqué
une colère : j’ai expliqué que ce qui se
passe au Burundi est une révolution de
couleur, que c’était une déstabilisation
d’un gouvernement, par ailleurs
démocratique et légitime. A partir de
là, il s’est développé une grande
polémique sur la Afrique Media, et le
sujet du Burundi revenait assez souvent.
En deux semaines on a fait basculer le
public, certains des panélistes m’ont
rejoint et on a vu beaucoup de choses
changer sur les réseaux sociaux. Mes
interventions étaient polémiques et très
vigoureuses, parce que je trouvais qu’il
fallait défendre ce président et surtout
ce gouvernement qui subissait des
déstabilisations pilotées par les
Américains à travers le Rwanda avec le
soutient de la Belgique et des Français.
Luc Michel
et sa compagne en visite dans le parc de
la Ruvubu, à l’Est du Burundi
Vous avez
suivie la crise burundaise
régulièrement, d’après vous quel sont
les issues possible actuellement ?
Auparavant, j’avais
vu le scenario de révolutions de couleur
classique. Puis, quand ça n’a pas
marché, il y a eu le coup d’État. Et
quand cela n’a pas marché, on a cherché
à saboter les élections. Et puis on est
passé aux escadrons de la mort, à partir
du mois de juillet 2015. Votre
gouvernement est quand même parvenu à
stabiliser la situation, puisque toutes
les formes de renversement du pouvoir
tournent désormais au terrorisme. Cela
montre une perte de stratégie qui tienne
la route. Et la guerre contre le
terrorisme, le Burundi est entrain de la
gagner. Vous avez une police efficace,
car la police n’est jamais tombée dans
le violence, surtout lors du Coup
d’Etat. Il faut voir ce qui se passe
dans d’autres pays confrontés aux mêmes
problèmes, au Congo Brazzaville par
exemple …
Il y a aussi
le volet diplomatique …
Voila. Il ne faut
rien attendre des Nations Unies, rien
attendre évidement de l’Union
Européenne: les décisions de ces
institutions se basent sur des analyses
vieilles de plusieurs années. Rien
qu’avec l’échec du coup d’État, il était
visible que le Burundi a totalement
changé, et qu’actuellement il n y a plus
des conditions pour un retour à la
guerre civile. Pour l’issue
diplomatique, il faut se tourner vers
l’Union Africaine. Bon, l’UA a essayé de
vous envoyer des troupes, mais cela
c’était à l’instigation des
gouvernements pro-occidentaux. Ceux-là
même qui estiment qu’il faut profiter de
l’absence de Kadhafi, sans lequel l’UA
parait souvent comme un grand corps sans
tête.
Je pense que l’institution se cherche
sur le dossier burundais, comme sur tant
d’autres, avec la présidence prometteuse
d’Idriss Déby. Il faut voir la solution
du Burundi dans le panafricanisme, car
ceux qui soutiennent le Burundi sont
essentiellement issus de cette vision.
Quand on voit l’irruption de la CPI sur
le dossier Burundi, on voit clairement
qu’on est dans une bataille
panafricaine.
Vous avez
visité pas mal de provinces du Burundi:
quelle est votre impression ?
La première chose,
c’est une impression personnelle de
bonheur. Je savais que mes analyses
avaient un impact ici. Mais je ne me
l’imaginais pas tel que je le découvre
ici: des ministres, des députés, des
sénateurs, des journalistes, et
énormément des jeunes viennent me
saluer. Cela me fait énormément plaisir,
car les voix comme les miennes sont
assez rares dans le concert médiatique
dominé les productions mainstream
occidentales. Le deuxième constat, c’est
la gentillesse des gens, et l’engagement
de la population dans la reconstruction
du pays. Il y a un vrai dynamisme de
développement du pays, avec des routes,
des constructions en peu partout et
surtout le mélange de la population. Je
pense qu’il est temps de laisser votre
pays en paix: toutes les conditions du
développement existent, une population
éveillée, un pays avec un climat
magnifique, le pétrole et les minerais …
Mais cela explique aussi les sources de
vos soucis: si vos dirigeants n’avaient
pas donné le pétrole et les minerais aux
Chinois et aux Russes, vous auriez eu
moins de souci évidement.
Que faire
pour combler le déficit de l’image du
Burundi dans les médias internationaux ?
Il faut communiquer
sur votre pays lui-même, sur l’état du
Burundi, sur les routes, sur ce qui se
passe au niveau de la population, pas
uniquement sur le terrorisme ou la
guerre. La deuxième chose, ne perdez pas
du temps avec les médias occidentaux,
car depuis le départ ils vendent un
scenario du Burundi au bord d’un nouveau
génocide.Vous pouvez amener ici autant
de journalistes occidentaux que vous
voulez, et leur montrer un mur blanc:
ils vous diront qu’il est noir, ou
rouge. Ce qu’il faut faire c’est jouer
au niveau de l’opinion publique
africaine. Quand le Burundi aura une
grande masse panafricaine qui soutiendra
la juste position du Burundi, il n’y
aura plus tous ces problèmes.
IKIRIHO : Un
dernier mot pour nos lecteurs ?
J’aimerai saluer
tout vos lecteurs, et j’aimerai
féliciter votre media en ligne qui fait
un travail exceptionnel, de
contre-propagande contre le Burundi, ses
institutions et sa population.
Aujourd’hui, la bataille des idées se
passe aussi sur les réseaux sociaux, et
je constate que vous pouvez inspirer
d’autres panafricains sur la voie.
Source : http://www.ikiriho.org/2016/05/03/luc-michel-que-le-burundi-ne-perde-plus-de-temps-avec-les-media-occidentaux
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