La France soutient les terroristes
qu'elle prétend combattre
Bachar al-Assad
Capture
d'écran PalSol
Dimanche 6 décembre 2015
Interview de
Bachar al-Assad par une chaîne de
télévision tchèque – 1er
décembre 2015
Alors que Laurent Fabius
vient de déclarer que la France ne
considère plus le départ de Bachar al-Assad
comme une condition préalable au
processus de transition politique,
rompant avec plusieurs années
d'intransigeance remarquable à cet égard
(notre Ministre des Affaires Etrangères
était allé jusqu'à déclarer que «
Bachar al-Assad ne mériterait pas
d'être sur la terre » et
qu'Al-Nosra, branche d'Al-Qaïda, «
fait du bon boulot » en Syrie, une
première dans les annales de la
diplomatie en temps de paix), et prétend
s'engager plus fermement dans la lutte
contre Daech en Syrie même, où le rôle
de l'Armée Syrienne est incontournable,
il est bon de rappeler que de son côté,
la Syrie n'est nullement prête à
coopérer avec la France, qui
avait notamment reconnu armer l' «
opposition modérée » syrienne.
Journaliste:
Mais 250 000 victimes, c’est
inconcevable, quel que soit le pays.
Bachar al-Assad :
C’est le résultat prévisible face à du
terrorisme soutenu par des puissances
régionales et par l’Occident. Il ne
s’agit pas seulement de terroristes
issus de l’intérieur de la Syrie. Il
s’agit de terroristes qui viennent de
plus de 100 pays du monde. Ils veulent
faire de la Syrie une plaque tournante
du terrorisme, et la situation actuelle
en est la conséquence naturelle. Et si
nous n’avions pas défendu notre pays, le
nombre de victimes serait décuplé.
Journaliste:
Vous parlez du terrorisme. Il semble
que durant les derniers jours, la crise
syrienne a connu des développements
majeurs. Selon vous, quelle fut la date
la plus importante quant au
développement de cette crise : le 30
septembre, avec l’intervention russe, ou
le 13 novembre, avec les attaques
terroristes à Paris ?
Bachar al-Assad :
Sans aucun doute, il s’agit de
l’intervention russe, ou de ce qu’ils
ont appelé le front contre le
terrorisme. C’est l’événement le plus
important car il s’agit de mesures
concrètes contre le terrorisme.
En revanche, ce qui
se passe à Paris au niveau politique ne
vise qu’à dissiper le sentiment des
Français, avec une posture des Français
prétendant qu’ils vont attaquer Daech,
d’une manière très différente. Mais
qu’est-ce que cela signifie ? Qu’ils
n’étaient pas sérieux avant les attaques
de Paris ? Tout ce qu’ils vont faire est
d’apaiser le sentiment des Français,
rien de sérieux, alors que les Russes
sont très sérieux dans la lutte contre
le terrorisme, d’autant plus qu’il y a
de la coopération entre eux et l’Armée
Syrienne.
Journaliste:
Vous pensez donc que l’augmentation
des attaques de la grande coalition
occidentale menée par les Etats-Unis est
sans effet ?
Bachar al-Assad :
Depuis la formation de cette coalition,
si on veut parler de faits et non pas
d’opinions, Daech s’est étendu, et son
recrutement partout dans le monde a
augmenté. Alors que depuis
l’intervention de la Russie dans cette
même prétendue lutte contre le
terrorisme, Daech a été affaibli, ainsi
qu’Al-Nosra et les autres groupes
terroristes. Telle est la réalité. Voilà
ce que disent les faits.
Journaliste:
N’est-ce pas simplement dû au fait
que sur le plan militaire, l’Armée de
l’Air russe a pu collaborer avec les
forces de l’Armée Syrienne ?
Bachar al-Assad :
Bien sûr qu’il y a une telle
coopération, c’est ce que j’ai dit. Vous
ne pouvez pas combattre le terrorisme
par des interventions aériennes, vous ne
pouvez pas, c’est impossible. Les
Américains ont essayé de le faire en
Afghanistan depuis combien de temps ?
Depuis plus de 12 ou 13 ans. Sont-ils
parvenus à un quelconque résultat ?
Nullement. Le terrorisme reste fort en
Afghanistan. C’est donc impossible. Vous
avez besoin de coopération à l’intérieur
du pays en question. Et quelle est la
puissance majeure en Syrie ? L’Armée
Syrienne, et, bien sûr, le gouvernement.
Journaliste:
Le Président français essaie de
former une coalition plus large contre
le terrorisme. Etes-vous sceptique quant
à ses efforts ?
Bachar al-Assad :
Bien sûr (que je le suis). S’ils
voulaient vraiment tirer les leçons de
ce qui s’est passé dernièrement à Paris,
pourquoi n’ont-ils pas appris de
[l’attaque contre] Charlie Hebdo ? Le
même principe, le même concept est à
l’œuvre. Et nous avions alors déclaré
que ce n’est que la partie émergée de
l’iceberg, et que ce qui se trouvait
sous l’eau était bien plus important.
Ils n’en ont pas tiré les leçons. Voilà
le premier point.
Deuxièmement, vous
ne pouvez pas combattre le terrorisme
tout en soutenant directement les
terroristes, en leur fournissant des
armes et en ayant des alliances avec les
soutiens les plus farouches du
terrorisme international, à savoir le
Royaume d’Arabie Saoudite. C’est
impossible. C’est contradictoire. Vous
ne pouvez pas être à la fois le gendarme
et le voleur. Il faut choisir votre
camp.
Journaliste:
Mais je n’ai pas entendu parler
d’approvisionnement occidental d’Al-Nosra
ou de Daech.
Bachar al-Assad :
Vous pouvez en trouver les preuves les
plus éclatantes sur Internet : les
Français, et d’autres parties bien sûr,
leur fournissent des armes, l’exemple
français est clair. Comment un pays
comme la France pourrait-il vendre de
telles armes pour une destination
inconnue, sans savoir entre quelles
mains elles finiront ? C’est impossible.
Ils le savent, via l’Arabie Saoudite,
via le Qatar, et peut-être via d’autres
pays, ils savent très certainement [que
leurs armes finissent entre les mains
des terroristes].
Journaliste:
Il y a eu un incident à la frontière
turque, un bombardier russe abattu [par
la Turquie]. Pensez-vous que cet
incident va avoir un impact sur les
résultats de l’effort de la présidence
française visant à former une coalition
plus large ? Pensez-vous que cela va
compliquer les pourparlers de paix en
Syrie ?
Bachar al-Assad :
Je ne le pense pas, mais je pense que
cet incident a montré les véritables
intentions d’Erdogan, qui, disons, a
perdu le contrôle de ses nerfs
simplement parce que l’intervention
russe a modifié l’équilibre des forces
sur le terrain. L’échec d’Erdogan en
Syrie, l’échec de ses groupes
terroristes implique la fin de sa
carrière politique. C’est pourquoi il
est prêt à faire n’importe quoi pour
entraver toute perspective de succès. Il
a fait cela, mais je ne pense pas que
cela changera en quoi que ce soit
l’équilibre des forces.
La guerre contre le
terrorisme se poursuit, la participation
russe va se faire de plus en plus forte
et elle l’est déjà de toute façon, et je
pense qu’il n’y a pas de possibilité de
marche arrière à cet égard, qu’Erdogan
fasse encore une telle chose, de la même
manière ou d’une autre manière (ou pas).
Journaliste:
Le Président américain dit qu’il ne
veut pas refaire la même erreur en
lançant une opération terrestre sans
savoir qui va remplir le vide
(politique). La plupart des candidats à
l’élection présidentielle ont
dernièrement déclaré qu’ils veulent
faire bien plus qu’une campagne de
bombardements aériens (contre Daech).
Selon vous, quelle est l’approche la
plus réaliste qui permettra de vaincre
véritablement Daech ?
Bachar al-Assad :
En fait, si vous voulez parler du
terrorisme en général et pas seulement
de Daech, vous avez plusieurs axes,
plusieurs aspects pour la résolution (de
ce problème) : une partie concerne
l’idéologie, une autre concerne
l’économie, ou la coopération et les
prises de positions politiques, etc. Et
le dernier point est la coopération sur
le plan sécuritaire et le combat direct.
Du fait de la
situation dans laquelle nous nous
trouvons actuellement, il n’y a pas
d’autre choix que de les combattre
directement, mais cela n’est pas
suffisant. Si vous voulez les combattre
et les vaincre, il faut couper et
étouffer leurs lignes
d’approvisionnement en armes, en argent
et en recrues, qui viennent
principalement de Turquie, avec le
soutien de l’Arabie Saoudite et du
Qatar. Telle est la première chose à
faire tandis que vous les attaquez au
sol.
Maintenant, le
problème est que nous combattons des
terroristes qui bénéficient d’un
approvisionnement illimité et
incontrôlable de la part de différents
pays, surtout des pays de la région,
avec le soutien ou la bienveillance de
l’Occident, de certains pays occidentaux
pour être précis.
Journaliste :
Vous avez dit que votre priorité est de
vaincre les terroristes avant toute
solution politique. Qu’entendez-vous par
vaincre le terrorisme ? Qu’il n’y ait
plus de groupes d’opposition armés en
Syrie ?
Bachar al-Assad :
Vous ne pouvez pas parler d’opposition
au sens politique tant qu’ils prennent
les armes. Vous savez bien que dans vos
pays, lorsque vous parlez d’opposition,
il ne s’agit que de mouvements
politiques. Premier point.
Deuxièmement, s’il
s’agit d’une opposition politique, elle
doit avoir une base populaire. Donc
lorsque nous parlons de rebelles, de
militants lourdement armés qui attaquent
le peuple, les Syriens, l’Armée
Syrienne, qui détruisent les biens
publics et privés, etc., il s’agit de
terrorisme, il n’y a pas d’autre terme.
Nous n’acceptons pas cette
catégorisation comme « militants de
l’opposition », ou « opposition
militaire », ou « opposition modérée
prenant les armes ». Ce n’est pas de
l’opposition, c’est du terrorisme.
L’opposition est
pour nous un mouvement politique. A
l’extérieur ou à l’intérieur de la
Syrie, peu importe. Bien sûr, l’autre
aspect de l’opposition est d’être
patriotique. On ne peut pas parler
d’opposition lorsqu’elle est formée en
France, au Qatar, en Arabie Saoudite,
aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni.
L’opposition doit être syrienne et pour
les Syriens, et nous avons une
opposition syrienne, nous avons une
véritable opposition syrienne. Quelle
est son importance, quelle est sa force,
c’est une autre question.
Vaincre le
terrorisme signifie donc supprimer tous
les obstacles qui entravent le processus
politique. Maintenant, si vous vous
mettez d’accord sur telle étape ou telle
procédure avec n’importe quelle
opposition dans le monde, et j’entends
par là l’opposition syrienne, que
pourrez-vous obtenir ? Pourrez-vous
tenir de véritables élections ?
Pourrez-vous apporter de la stabilité au
pays grâce à l’opposition ? En aucun
cas. Les terroristes vivent dans leur
propre monde, ils ont leurs propres
objectifs, leur propre agenda et leur
propre idéologie, c’est complètement
différent de la partie politique (du
problème).
Si vous vous
engagez dans le processus politique – et
il faut le faire, je n’ai pas dit que
nous n’avons pas commencé à le faire –,
je dis que si vous voulez véritablement
avancer, de manière concrète, cela doit
se faire après que nous ayons commencé à
vaincre le terrorisme. Je n’ai pas dit
après que nous l’ayons vaincu, car le
vaincre est un long processus. […]
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