Comité Valmy
Stéphane Hessel : « un véritable crime
contre l'humanité » à Gaza
Lundi 5 janvier 2009
L’Ambassadeur de France Stéphane Hessel, ancien résistant et
déporté, comdamne vivement le comportement d’Israël à Gaza et
appelle au retour à la table de négociation pour mettre en place
la seule solution à ses yeux, celle des deux Etats « rendue de
plus en plus difficile, au fur et à mesure que s’accumulent de
part et d’autre, soit le mépris et l’humiliation, soit la
haine. » Il faut que cette accumulation cesse le plus vite
possible, dit-il et alors, « au nom de ce que l’histoire nous a
appris sur la possibilité du pardon, [...] il faut avoir hâte
que cette possibilité de pardon et de solidarité dans un
Proche-Orient pacifique puisse être rétablie. »
Stéphane Hessel s’entretient avec Swiss
Info, 5 janvier 2009
Stéphane Hessel : En réalité, le mot qui
s’applique - qui devrait s’appliquer - est celui de crime de
guerre et même de crime contre l’humanité. Mais il faut
prononcer ce mot avec précaution, surtout lorsqu’on est à
Genève, le lieu où siège un haut commissaire pour les Droits de
l’Homme, qui peut avoir là-dessus une opinion importante.
Pour ma part, ayant été à Gaza, ayant vu les
camps de réfugiés avec des milliers d’enfants, la façon dont ils
sont bombardés m’apparaît comme un véritable crime contre
l’humanité.
Ce terme, vous osez le
prononcer ? C’est la disproportion qui vous choque, entre les
roquettes palestiniennes et une offensive terrestre massive ?
C’est l’ensemble du comportement. C’est
naturellement la disproportion, vous avez raison de le
souligner...Une terre densément peuplée, la plus dense du monde
probablement, sur laquelle on frappe avec des instruments
militaires qui ne peuvent pas faire la différence entre les
militaires et les civils. D’ailleurs il n’y a pas de militaires,
il n’y a que des civils à Gaza - des militants peut-être, mais
sûrement pas une armée.
Donc c’est une armée, l’une des plus puissantes
du monde, qui s’attaque à une population qui n’a vraiment pas de
défense. Ca, c’est typiquement un crime de guerre.
A quoi peut aboutir cette
offensive ?
C’est le plus grave. On a bien l’impression que
une fois de plus des militaires essayent de mettre un terme à
l’activité de guérilla. Nous avons vu que dans tous les cas de
figure récents dans le monde, que ce soit le Vietnam, la
Tchétchénie ou quoique ce soit d’autre, il n’y a pas de solution
militaire. La solution c’est la négociation.
Ce qui se passe en ce moment au Caire est
extrêmement important. Il faudrait que les dirigeants israéliens
se rendent compte qu’à ne pas accepter une négociation et un
cessez-le-feu, et une négociation pour la paix, ils font un tort
immense à leur pays, et aussi à leur armée. Tsahal avait la
réputation d’être une armée honorable. Elle ne l’est plus
lorsqu’elle frappe sur des gens sans défense.
C’est également le spectre
de l’échec en 2006 au Liban qui revient, et pourtant de
nombreuses résolutions depuis de nombreuses années, ont été
prises notamment au Conseil de Sécurité de l’ONU, mais jamais
appliquées pour quelles raisons selon vous ?
Parce que l’Etat d’Israël, depuis des décennies,
a réussi à berner sa population. A faire croire à sa population
que l’Etat était en danger, que sa sécurité était à chaque
instant menacée, et que pour cela il ne fallait ne tenir aucun
compte de ce que pense la communauté mondiale, et s’assurer en
tout cas de l’appui de l’Etat évidemment le plus puissant à
l’heure actuelle, les Etats-Unis. Nous ne pouvons qu’avoir un
espoir, c’est qu’avec l’arrivée au pouvoir de Barack Obama, les
Etats-Unis cesseront d’apporter un soutien inconditionnel et
dramatique à un Etat qui continue à violer les résolutions
internationales.
Mais le choix de la
violence, [provient du fait] que la blessure de la seconde
guerre mondiale et de la Shoah n’est pas refermé...
Oui, c’est évidemment ce qui permet à un
gouvernement qui lui n’a plus rien à voir avec cette Shoah, et
qui n’est plus composé de victimes potentielles de cette
Shoah... que ce gouvernement puisse s’appuyer sur ce souvenir
dramatique, auquel nous sommes tous extraordinairement
sensibles, moi tout le premier. C’est l’horreur, absolue commise
par les nazis. Mas cela ne doit pas permettre à un Etat
d’Israël, actuellement le plus puissant de la région, de violer
impunément toutes les règles internationales.
Vous êtes très sévère avec
l’Etat d’Israël, Stéphane Hessel... Jusqu’à maintenant le chemin
vers la paix c’était deux Etats côte à côte, un Etat Palestinien
et un Etat Israélien. Est-ce encore possible, ce partenariat
avec les Palestiniens ?
C’est la seule solution. Elle est rendue de plus
en plus difficile, au fur et à mesure que s’accumulent de part
et d’autre, soit le mépris et l’humiliation, soit la haine. Il
faut que cette accumulation cesse le plus vite possible, et
alors, au nom de ce que l’histoire nous a appris sur la
possibilité du pardon - nous l’avons éprouvé, nous européens, et
dans d’autres pays, en Afrique du Sud aussi - il faut avoir hâte
que cette possibilité de pardon et de solidarité dans un
Proche-Orient pacifique puisse être rétablie.
Stéphane Hessel est un
diplomate, ambassadeur, ancien résistant et déporté français,
qui a notamment participé à la rédaction de la Déclaration
universelle des Droits de l’Homme de 1948.
Publication originale SwissInfo (audio),
transcription Contre Info.
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