Interview
Prince Sixte Henri
de Bourbon Parme :
Le lion est mort et les chacals
glapissent
Mardi 1er novembre
2011
C’est par
cette formule que S. A. R. le Prince
Sixte Henri de Bourbon Parme a conclu
l’entretien qu’il a bien voulu nous
réserver à propos de l’affaire libyenne…
Saint Plaix: Mgr,
quelle était la raison de votre voyage
en Libye au printemps ?
« Il était très clair que voir l’OTAN
engager nos forces aériennes – puisque
grâce à Monsieur Sarkozy nous avons
réintégré le commandement unifié de
l’OTAN – posaient un certain nombre de
questions.
Notamment à quel titre, et sans aucun
motif sérieux, pouvait-on, au mépris de
toutes les lois internationales, décider
un beau matin de bombarder, voire
d’envahir, un pays souverain avec lequel
la France entretenait des relations
diplomatiques depuis des décennies et
dont le président avait été il y a
encore peu l’hôte de l’Elysée ?
Je voulais me rendre compte sur le
terrain de la réalité de la nature des
sentiments du peuple libyen que j’ai
trouvé alors très majoritairement uni
derrière son chef.
Je voulais aussi témoigner de ce que le
peuple français ne se faisait pas
unanimement complice de l’agression
militaire sans précédant dont le peuple
libyen était la victime et qu’au-delà de
la classe politique, des voix
s’élevaient en France contre cette
action. »
Saint Plaix: Que pensez-vous du
prétexte invoqué par BHL à propos d’un
bain de sang à éviter à Benghazi ?
« Que penser d’un philosophe de comptoir
dont le plus bel exploit littéraire à ce
jour a consisté à donner dans le panneau
du canular burlesque de l’affaire Botul ?
BHL n’est rien moins qu’un agent
sioniste qui utilise une notoriété
littéraire bien usurpée pour jouer un
rôle dans le monde sociopolitique
français.
Il est clair que la rébellion de
Benghazi n’est pas née du hasard : un
certain nombre de gens déterminés,
soutenus notamment par Israël, puis par
les Etats- Unis, sont entrés en
dissidence face au pouvoir central
libyen.
On a aussitôt vu toutes nos bonnes
consciences, à commencer par BHL, se
précipiter au chevet de cette poignée de
rebelles, clamer que la répression
serait terrible et qu’il fallait les
soutenir pour éviter précisément un bain
de sang. Où a-t-on vu dans l’Histoire
récente une ingérence de la sorte dans
les affaires intérieures d’un état
souverain qui fait face à un soulèvement
local ? Ce qui est stupéfiant, c’est que
la Ligue Arabe a fini par donner son
accord et que l’OTAN se soit jetée avec
enthousiasme dans cette opération de
soutien à des rebelles, devant
l’indifférence totale des peuples
européens concernés : songez qu’il n’y a
eu, en France, aucune déclaration de
réprobation d’un quelconque leader
politique, aucune manifestation
d‘envergure pour réprouver le début des
bombardements de Tripoli et que
lorsqu’enfin l’affaire libyenne est
arrivée devant le Parlement, il ne s’est
trouvé que 27 députés pour voter
contre !
Mais la responsabilité arabe est
considérable, car jamais l’OTAN n’aurait
osé se lancer dans l’aventure sans le
soutien avéré de la Ligue Arabe. »
Saint Plaix:
Croyez-vous à l’influence d’Israël dans
cette affaire ?
« Il suffit de voir qui sont les acteurs
européens et non européens qui ont
entraîné le monde occidental dans cette
opération : tous sont des sionistes de
cœur, qu’ils soient juifs eux mêmes ou
sympathisants.
Il faut bien voir que cette affaire de
destruction programmée de la Lybie – car
il n’y a pas d’autres mots pour décrire
l’ampleur des bombardements effectués et
des destructions civiles constatées –
s’inscrit dans un mouvement géopolitique
beaucoup plus vaste de déstabilisation
de l’ensemble des pays du Moyen Orient,
déstabilisation qui vise à une
balkanisation de ces états au seul
profit d’Israël. Elle touche déjà, après
l’Irak et aujourd’hui la Libye, le
Soudan et l’Egypte, en attendant la
Syrie et le Yémen, sans parler de menées
insurrectionnelles périodiquement
fomentées au Maghreb et en Iran.
C’est Garaudy qui, dans deux de ses
livres, avait évoqué ce projet sioniste
de balkanisation rédigé dans la revue de
stratégie sioniste Kivounim dès 1982 :
un article dont il a reproduit la
traduction et l’original hébreu.
J’y ai relevé cette phrase des plus
significatives, qui fait suite, avant
l’évocation du sort du Liban et l’Irak,
à la description de la « dislocation de
l’Egypte » : « Une fois l’Egypte ainsi
disloquée et privée de pouvoir central,
des pays comme la Lybie et le Soudan, et
d’autres plus éloignés connaîtrons la
même dissolution. » (sic !)
Je crois qu’il n’y a rien à ajouter !
« Dislocation », « dissolution », on
n’est pas plus clair !
S’il en était besoin, l’annonce
officielle faite par le Conseil National
de Transition de l’octroi d’une base
militaire aérienne à Israël dans l’ouest
du pays, lèvera le doute dans les
esprits les plus sceptiques…
Et une telle modification de l’équilibre
de l’implantation des forces militaires
en méditerranée constitue une menace
extrêmement grave aujourd’hui tant pour
le Maghreb que pour toute l’Europe de
l’Ouest… »
Saint Plaix: Puisque
qu’à travers ce plan de stratégie
sioniste vous avez évoqué le sort de
l’Egypte, que penser des affrontements
actuels entre coptes et musulmans ?
« Nous sortons évidemment là de la
question de la Libye. Il est clair que
ces affrontements ethno-religieux en
Egypte s’inscrivent clairement dans le
processus de dissolution égyptien que je
viens d’évoquer : la stratégie sioniste
prévoit une partition de l’Egypte avec
création d’un état copte au sud et une
mosaïque d’entités confessionnelles
musulmanes diverses en Basse Egypte. Les
affrontements religieux actuels sont
tout à fait de nature à conforter ce
processus et je crains que cela ne se
reproduise durablement…
Comme on l’a déjà vu au Liban et en
Irak, les chrétiens au Moyen Orient sont
partout les premiers à faire les frais
de la nouvelle stratégie géopolitique de
déstabilisation! A chacun d’en tirer ses
conclusions… »
Saint Plaix: Pour en
revenir à la Libye, connaissant votre
attachement pour l’Espagne, ne
voyez-vous pas un certain rapport des
situations ?
« Je vois ou vous voulez en venir, non
sans malice! Il est certain que le
parallèle est très tentant !
Il ya des anniversaires qui ne peuvent
être des coïncidences : les premières
frappes aériennes sur la Libye ont été
effectuées 48 heures avant
l’anniversaire du bombardement de
Guernica ! Quel symbole !
Ajoutons que ce bombardement de Guernica
avait été décidé par les autorités
allemandes deux jours plus tôt pour
aider la dissidence franquiste !
Autrement dit, le bombardement de la
Libye est à la bonne date !
Il est intéressant de voir que la
situation est exactement la même :
l’appui aérien d’un pays étranger à des
forces dites rebelles au pouvoir en
place !…
Mais un cas, toutes les bonnes
consciences ont fait assaut
d’indignation, alors que dans l’autre,
les mêmes viennent toutes
d’applaudir…Etrange conception à
géométrie variable de la morale
politique comme de la conscience dite
démocratique…
Mais il faut limiter là la comparaison :
la destruction de Guernica a été
reconnue avoir été très exagérée par la
propagande républicaine communiste, et
cela n’a eu finalement que peu de
conséquences sur le déroulement de la
guerre civile espagnole. Ce bombardement
n’a d’ailleurs duré que quelques
heures…Rien à voir avec la destruction
quasi complète des infrastructures
libyennes par l’OTAN aujourd’hui après
des mois de bombardements…Mais l’Europe
va pouvoir les reconstruire en se
finançant sur le pétrole libyen !
Il n’y a pas eu de Brigades
International en Libye, seulement des
« agents infiltrés »…Rien de comparable.
Mais on peut craindre aujourd’hui en
Libye des représailles et des règlements
de comptes effroyables qui rappelleront
les exactions sanglantes des
républicains espagnols et qui auront
d’autant plus d’ampleur que les médias
occidentaux s’abstiendront bien
évidemment d’en rendre compte : les
contestables vainqueurs d’aujourd’hui,
portés par l’OTAN, doivent paraître et
demeurer sans tache ! »
Saint Plaix: On a
annoncé hier la mort de Kadhafi, que
cela vous évoque- t -il ?
« Je suis atterré et indigné ! Il ne
s’agit pas de parer Kadhafi de toutes
les vertus mais il faut bien admettre
qu’il n’était pas le nouvel « ennemi
public numéro un » qu’une propagande
malsaine nous laisse supposer ! Il y a
eu autant de mensonges autour de Kadhafi
qu’autour de Saddam Hussein…
Les atlanto-sionistes, sans doute pour
se donner bonne conscience, ont besoin
de fabriquer des mythes pour justifier
leurs exactions. On l’a vu en Irak avec
les fameuses armes de « destruction
massive »…
La Libye était un pays riche de son
pétrole dont le Raïs faisait profiter
tout le monde : écoles et hôpitaux
gratuits, nombreuses infrastructures
populaires, etc.
C’était un pays stable, non aligné dans
sa politique étrangère, et qui n’avait
pas de dette extérieure…
Une aubaine pour les décideurs de la
haute finance internationale qui a vu là
un gâteau très juteux jusque là encore
inaccessible !
On ne s’étonnera pas dès lors que
Kadhafi ait qualifié les rebelles et
surtout leurs soutiens de « rats » !
Kadhafi avait financé beaucoup d’hommes
politiques en Occident, notamment en
France, et l’obsession d’aujourd’hui de
vouloir faire juger les chefs d’état
pour « crimes contre l’humanité »
risquait de conduire Kadhafi à disposer
d’une tribune d’où il n’aurait pas
manqué de dévoiler des choses des plus
compromettantes, notamment à six mois
des élections présidentielles
françaises : sa mort rassure donc tout
le monde !
Ce lynchage est particulièrement
ignoble, tout comme l’assassinat de son
fils Mouatassim qui l’accompagnait…mais
il pouvait s’avérer être aussi un témoin
dangereux. Tous les membres de la
famille Kadhafi – du moins ceux qui
n’ont pas encore été assassinés – sont
aujourd’hui menacés.
On peut s’étonner de voir les chacals
occidentaux revendiquer aujourd’hui leur
part à l’estocade, tels ces officiels
français qui insistent pour
« revendiquer l’exploit » et souligner
qu’il y avait bien « un avion français
parmi l’escadrille de l’OTAN qui a
anéanti le convoi qui abritait
Kadhafi ».
On dépasse là les limites de
l’abjection !
Mais c’est sans doute l’évolution morale
que souhaite pour notre pays Bernard
Kouchner, l’inventeur du « Droit
d’ingérence », ce qui risque de nous
entraîner encore bien au delà : ne
voit-on pas aujourd’hui le sénateur
américain Mc Cain déclarer que depuis la
mort de Kadhafi, les dictateurs du monde
entier se trouvent aujourd’hui menacés,
et de souligner :
« Nous croyons ferment que le peuple
libyen aujourd’hui est un modèle pour
ceux de Téhéran, Damas, et même Pékin ou
Moscou…Les libyens inspirent le monde et
démontrent que l’on peut renverser les
dictateurs et les remplacer par la
liberté et la démocratie. »
Damas, Moscou, Pékin ! Si cela ne
s’appelle pas un appel à l’insurrection
internationale !
Aujourd’hui c’est donc l’ensemble du
monde qui trouve sa stabilité menacée au
mépris du respect des juridictions
nationales, au nom de l’appréciation de
valeurs des plus contestables brandies
par le plus petit nombre qui les utilise
à son seul profit!
Un risque bien réel de guerre
mondiale donc, et l’on sait que les
conflits sont toujours les bien venus
dans les périodes de récession
économique!
« En Libye le lion est mort et,
de partout, les chacals glapissent »…
Propos recueillis par Saint – Plaix
23/ 10/ 11
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