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Qadoura Fares: « Nous devons continuer la résistance »
Marwan Barghouti
Mardi 4 août 2009
Qadoura Fares est la voix de Marwan
Barghouti, leader du Fatah, toujours emprisonné en Cisjordanie.
Il a accepté de parler à l’Humanité en exclusivité.
Le dernier congrès du Fatah s’est tenu il y a vingt ans.
Qu’est-ce qui a amené l’organisation de cette conférence ?
Qadoura
Fares.
Pourquoi maintenant ? C’est comme ça. L’unité du mouvement était
en danger si la direction continuait à reporter sans cesse la
tenue de ce congrès.
Quels sont les principaux points qui seront discutés durant ce
congrès ?
Qadoura
Fares.
L’ordre du jour du congrès est riche. Mais je pense que le plus
important pour nous est de réévaluer notre agenda politique au
regard de la crise politique que traverse le processus de paix.
En face de nous, nous n’avons qu’un gouvernement israélien
extrémiste. Il n’y a pas de négociations. D’autre part, il est
important d’examiner les structures de l’organisation, les
procédures de décision à l’intérieur du mouvement et, bien sûr,
d’élire une nouvelle direction.
Farouk Kadoumi, qui est à la tête du Fatah (mais qui se trouve à
Tunis et ne viendra pas au congrès), a lancé de graves
accusations contre Mahmoud Abbas et Mohammed Dahlan, il y a
quelques jours, les impliquant dans « l’assassinat » de Yasser
Arafat. Quel est votre sentiment ?
Qadoura
Fares.
Farouk Kadoumi a fait une erreur. Il a utilisé des documents
fournis par des médias. Mais il ne représente pas la majorité et
pas même une petite minorité au sein du mouvement. Il a fait
cela pour des raisons personnelles, pas pour renforcer ou
développer le mouvement.
Comment avez-vous préparé ce congrès, sachant qu’il apparaît
qu’à l’intérieur du Fatah tout le monde n’est pas sur la même
longueur d’ondes ?
Qadoura
Fares.
Concernant la préparation, il y a eu pas mal d’obstacles. D’une
part, le Hamas a empêché nos cadres de la bande de Gaza de
participer au congrès. D’autre part, j’estime que le comité
préparatoire du congrès a fait un certain nombre d’erreurs. Ceux
qui y participaient n’avaient pas en tête - et donc n’ont pas
pris en compte, comme s’ils ne s’en souvenaient pas - le fait
que ce congrès est le premier depuis vingt ans. ce qui veut dire
que pour beaucoup de cadres du mouvement, c’est la première fois
qu’ils ont l’opportunité de participer à un tel congrès. C’est
d’ailleurs leur droit. Mais leur nom même n’a pas été mentionné.
Ce qui revient à les empêcher de prendre toute leur part dans le
congrès et dans les débats. Résultat, beaucoup de cadres sont en
colère.
Quelle sera votre attitude durant le congrès ? Vous ferez-vous
le porte-parole de Marwan Barghouti ?
Qadoura
Fares.
Je suis certain qu’il y aura un consensus autour de Marwan
Barghouti dans les rangs du Fatah. Les délégués au congrès
auront à coeur de l’élire au comité central du Fatah. Plusieurs
autres proches de Marwan seront également candidats pour
l’élection du comité central.
Quelles sont vos orientations ? En quoi se distinguent-elles de
celles de Mahmoud Abbas ?
Qadoura
Fares.
Nous pensons d’abord que le mouvement, le Fatah, doit être
beaucoup plus actif pour être à l’initiative. Il faut changer la
mentalité du mouvement, pas seulement la politique que nous
avons menée depuis vingt ans. Tout doit être changé, en fait.
Nous ne pouvons pas poursuivre les négociations alors que la
colonisation se poursuit dans les territoires palestiniens,
qu’Israël ne reconnaît pas, dans ses principes, nos droits
nationaux. Dans ces conditions, on ne peut pas continuer à
négocier. Cela ne rime à rien. C’est juste utile pour
l’occupation, pas pour le peuple palestinien.
Comment comptez-vous renforcer votre position au sein du Fatah ?
Qadoura
Fares.
Pour être franc, nous n’avons aucun représentant au sein du
comité préparatoire au congrès. Il y a eu de nombreux problèmes.
Ils ont mis en place les cadres qui leur sont favorables, qui
voteront pour eux. Malgré cela, nous avons décidé de participer
au congrès. Nous ferons de notre mieux pour faire avancer nos
idées et les faire partager par le plus grand nombre.
Pensez-vous nécessaire de changer le comité central du Fatah ?
Qadoura
Fares.
Il le faut. Peut-être ne parviendrons-nous pas à changer tous
les membres du comité central. Mais je pense que la majorité
sera remplacée.
Est-ce que quelqu’un, au sein de la tendance que vous
représentez, entend présenter sa candidature à la tête du
Fatah ?
Qadoura
Fares.
Le congrès est souverain sur la question du secrétaire général.
Il sera bien évidemment amené à discuter de cette question. Mais
je pense qu’Abou Mazen (Mahmoud Abbas) continuera à être le
leader du mouvement.
Comment l’idée même de résistance doit-elle être portée par le
Fatah ?
Qadoura
Fares.
Nous sommes, en tant que Fatah, les fondateurs de la résistance
du peuple palestinien. Nous devons continuer notre résistance
jusqu’à la victoire. Mais, bien sûr, il y a de nombreuses
questions qui se posent, notamment celle de savoir quel type de
résistance il faut développer. Je tiens à souligner que nous
préférerions retourner à la table des négociations et qu’Israël
reconnaisse nos droits. Mais si ce n’est pas possible, le peuple
palestinien ne doit pas abandonner son droit à résister. C’est
le droit de tout peuple dans le monde d’avoir la liberté, le
droit à l’autodétermination, de construire un État indépendant.
Qu’est-ce que le Fatah doit faire, selon vous, pour reconstruire
l’unité palestinienne ?
Qadoura
Fares.
Tout en reconnaissant qu’il est de notre responsabilité de
retrouver cette unité, il faut toutefois souligner que nous ne
pourrons parvenir seuls à une réconciliation avec le Hamas.
Cette organisation a également des responsabilités qu’elle doit
assumer. Elle doit partager cette volonté de réconciliation.
Malheureusement, jusqu’à maintenant, l’attitude du Hamas ne
montre pas une volonté de réconciliation. Mais après l’élection
de notre nouvelle direction, nous reconsidérerons toutes les
questions et toutes les possibilités. En sachant que le plus
important est de poursuivre le dialogue et de parvenir à un
accord avec le Hamas.
Entretien réalisé par Pierre Barbancey
© Journal L'Humanité
Publié le 5 août 2009 avec l'aimable autorisation de
L'Humanité
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