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NADJWA SOLTANI, À PARTIR DE AMMAN, À
L’EXPRESSION
«Les Israéliens ont tiré sur nous à
partir des hélicoptères»
Nadjwa Soltani - Photo
L'Expression
Samedi 22 mai 2010 L’Expression a contacté
hier par téléphone l’épouse du président du Mouvement de la
société pour la paix, MSP, et présidente d’une association pour
la protection des droits de l’enfant hier matin, quelques heures
avant son retour au pays. A partir de la Jordanie, elle revient
sur les circonstances de l’assaut donné par l’armée israélienne
contre la Flottille de la liberté et celles de sa détention dans
la prison Dar Essaba ainsi que sur les abus subis lors de
l’interrogatoire mené par les Israéliens.
L’Expression: Mme Nadjwa Soltani, vous
avez pris part à l’opération «Flottille de la liberté»
qui voulait forcer le blocus imposé à Ghaza. Permettez-nous de
revenir sur les circonstances du raid donné par les commandos
israéliens.
Nadjwa Soltani: L’assaut a été donné à minuit, dans
l’obscurité. Des navires de guerre ont entouré la flottille de
chaque côté alors que des hélicoptères ont commencé à tirer au
moment où ils touchaient le pont du navire. Au début, ils ont
jeté des bombes lacrymogènes pour neutraliser les activistes;
quelques secondes après, nous avons entendu des tirs à balles
réelles tuant sur le coup quatre personnes et blessant des
dizaines d’autres, parmi elles le député algérien M.Zeouidi
Mohamed. Nous ne pouvions afficher aucune résistance face à des
commandos armés jusqu’aux dents. Des ordres nous ont étés donnés
pour nous regrouper sur le pont du navire. Les mains ligotées,
nous avons été reconduits ensuite à l’intérieur par des soldats
cagoulés. Cela a duré plus de dix heures sous une température
avoisinant les 50 degrés puisque les Israéliens ont décidé
d’éteindre les climatiseurs. Le lendemain, l’armée israélienne a
commencé à nous interroger un par un.
Avant d’arriver aux enquêtes, Israël a
accusé les militants d’avoir déclenché les violences en
attaquant les soldats avec des couteaux et des barres de fer.
Les télévisons locales ont diffusé des images sur les armes
blanches récupérées à bord des navires composant la flottille.
Quel commentaire faites-vous sur ces déclarations?
Je démens formellement l’existence d’armes à feu ou même d’armes
blanches à bord de la flottille. Il n’y avait ni arme, ni
bâtons, ni fourchette. Nous avions des ustensiles en plastique.
Je défie les autorités israéliennes d’apporter une preuve sur
ces accusations. Les navires transportaient des aides
humanitaires, des médicaments, des vêtements et des vivres pour
un peuple qui souffre le martyre. L’initiative est prise par des
activistes pacifistes qui militent pour une cause juste.
Le gouvernement israélien a tenté de trouver «un subterfuge»
pour justifier son acte barbare contre des civils.
Revenons maintenant aux enquêtes.
Comment avez-vous été traités par l’armée israélienne?
Nous avons été traités comme des criminels. Les enquêteurs ont
confisqué nos matériels (appareils photo, caméras téléphones,
micro-ordinateurs). Ils ont frappé les journalistes. Ils se sont
atrocement conduits avec les femmes. Des fouilles à corps
musclées ont été effectuées par quatre agents. Personne n’y a
échappé.
Personnellement, on m’a obligée à retirer mon foulard, C’est le
cas de mes collègues. Un enquêteur m’a interrogée sur les
raisons de ma présence en Israël alors que mon pays n’a pas de
relations politiques avec l’Etat hébreu. Il m’a posé cette
question en constatant que je détenais un passeport
diplomatique. Je lui ai répondu que mon pays ne reconnaît pas
l’existence de l’Etat hébreu et que le navire algérien se
dirigeait vers les territoires libérés à Ghaza avant d’être
détourné. Quelques heures après, j’ai reçu la visite d’un
général de l’armée israélienne qui m’a fait subir le même
interrogatoire. La même question revenait: pourquoi avez-vous
fait ce déplacement, vous qui détenez un passeport diplomatique
alors que vous n’avez pas de représentation diplomatique en
Israël?
Les autorités israéliennes ont
conditionné votre libération de la prison de Dar Essaba et votre
rapatriement à la signature de plusieurs documents. Peut-on
avoir une idée sur la nature de ces documents?
Premièrement, je tiens à souligner que la délégation algérienne
n’a accepté de signer aucune feuille. Parmi les documents
proposés, nous pou-vions lire un engagement inclus dans
l’article 152 qui impose aux activistes de ne plus retourner en
Israël. Les autorités israéliennes voulaient nous faire signer
aussi un aveu à travers lequel nous reconnaissions que les
commandos ont tiré sur les civils après avoir été agressés par
les activistes. Ce qui est complètement inacceptable.
Après la mésaventure que vous venez de
vivre et les moments difficiles passés aussi bien à bord du
navire algérien qu’à l’intérieur du lieu de détention à Ghaza,
êtes-vous tenté de refaire l’expérience?
Absolument! La question a été débattue par des activistes arabes
et occidentaux originaires de 50 pays. De retour en Algérie,
nous allons commencer les préparatifs pour l’organisation de la
prochaine «Flottille pour la paix et la liberté» au
profit des Palestiniens.
Entretien réalisé par Achira MAMMERI
Droits de reproduction et de diffusion
réservés © L'Expression
Publié le 4 juin 2010 avec l'aimable autorisation de l'Expression
Le dossier la «Flottille de la Liberté»
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