Al-Ahram Hebdo
Hossam Fawzi Manna:
« Les pays arabes ne participent qu'à 2% du financement »

Photo: Al-Ahram
Mercredi 7 juillet 2010
Hossam Fawzi Manna,
chef du programme de secours et des
services sociaux de l’UNRWA à Gaza, évoque les difficultés de
travailler sous le blocus et les dernières attaques contre les
camps d’été des enfants. Entretien.
Al-Ahram Hebdo : Les camps d’été des enfants
créés par l’UNRWA ont été la cible d’attaques successives en
deux mois. En quoi consiste exactement leur mission et pourquoi
ont-ils été attaqués ?
Hossam Manna :
Les camps d’été des enfants constituent un
projet qui a été créé par l’UNRWA (agence de l’Onu pour le
secours des réfugiés palestiniens) après le blocus et face aux
conditions de vie difficiles dont souffrent les enfants, surtout
après les derniers raids israéliens contre la bande de Gaza.
L’UNRWA a pensé à alléger les problèmes économiques, sociaux et
psychologiques de 250 000 enfants entre 7 et 15 ans en leur
permettant l’accès à des différentes activités artistiques,
sportives et culturelles dans des camps d’été qui se tiennent
dans les écoles ou au bord de la mer, pour les plus âgés. Un
projet qui a porté ses fruits et qui attire de plus en plus
d’enfants qui recherchent une distraction sous ce blocus. Cela
permet aussi aux jeunes en chômage de travailler pendant l’été.
Cependant, le projet a été critiqué pour plusieurs raisons.
Premièrement, la mixité dans les camps a été refusée. On a créé
des camps pour les filles, interdits aux hommes, et où tous les
surveillants et le personnel sont des filles. D’autres sont
réservés aux garçons. Nous tenons à respecter les traditions et
à tout faire pour permettre aux enfants d’avoir accès aux
activités et aux divertissements dans ces camps. Certains disent
que les activités de l’UNRWA privent les enfants d’autres genres
d’activités et que le financement des camps d’été influe sur le
budget des autres programmes d’aides de l’UNRWA. Je leur réponds
que l’UNRWA n’est en compétition avec personne. Elle accomplit
une mission : offrir des services aux réfugiés depuis 60 ans
sans entrer en compétition avec quiconque. En ce qui concerne le
programme, ces camps offrent des activités aux enfants, 4 heures
par jour pendant 12 jours seulement, afin de permettre à tous
d’avoir accès aux divertissements, ce qui leur permet de faire
d’autres activités. Et pour ceux qui disent que le financement
du projet de camps d’été absorbe celui d’autres projets
importants, j’assure que c’est un projet indépendant avec son
budget et ses outils. Cependant, des hommes masqués ont incendié
les installations de deux camps d’été en mai et juin derniers.
— Quelle a été la réaction de l’UNRWA face à
ces attaques ?
— Nous ne
connaissons toujours pas les coupables. La police poursuit son
enquête. De telles attaques n’affecteront pas notre mission qui
vise à apporter un peu de joie dans le quotidien des enfants qui
ont tant souffert et qui mènent toujours une vie précaire et
étouffante sous le blocus. Les camps détruits ont été rapidement
réparés et ont repris leur travail le lendemain de l’attaque.
Cette année, la quatrième depuis le lancement du projet,
enregistre le plus grand taux de présence. Ce qui assure que les
attaques n’ont pas réussi à nuire au projet. Nous continuerons à
offrir ces services avec une qualité meilleure, surtout que ce
projet offre des opportunités de travail à environ 7 000 jeunes
chômeurs à Gaza, et participe à faire bouger le mouvement
commercial en achetant la plupart du matériel et des outils
nécessaires au projet sur le marché local. Ici, Nous n’avons pas
le droit de baisser les bras. Nous sommes là pour traiter et
défier les sentiments négatifs chez les Gazaouis face à leur
détresse.
— Après quatre ans de blocus, comment
évaluez-vous la situation humanitaire à Gaza ?
— Le blocus a
paralysé les différents aspects de la vie à Gaza. Les queues
devant les boulangeries, les coupures de l’électricité, la
stagnation économique, la fermeture des usines et les
interdictions de la pêche ont eu des conséquences néfastes sur
le quotidien des gens et leur santé psychique. Le taux de
pauvreté a augmenté. En plus de 20 000 familles déjà considérées
comme menant des conditions de vie difficiles et méritant des
aides urgentes, 36 000 autres familles ont été classées en
dessous du seuil de pauvreté (1,23 dollar par jour, selon
l’UNRWA et moins de deux dollars, selon le Centre palestinien
des statistiques). Des familles vivent toujours avec leurs
enfants sous les tentes par manque de matériaux de construction.
En ce qui concerne la santé, la situation est déplorable, à
cause du manque du matériel médical et de l’état lamentable des
hôpitaux. Ces circonstances entraînent des problèmes sociaux et
psychiques très compliqués chez les Gazaouis, notamment les
enfants pour qui nous essayons d’élaborer des programmes de
réhabilitation et des séances psychologiques dans les écoles. Et
ce, pour leur garantir un développement humain et une éducation
normale.
— Quelle est votre contribution dans
l’allégement des impacts du blocus ?
— Outre les
aides alimentaires que nous offrons à 70 % des réfugiés de Gaza,
nous avons doublé nos aides pour environ 180 personnes dans le
cadre du programme d’urgence. 8 000 personnes sont aussi
recrutées pour lutter contre le chômage, pour une durée de six
mois ou un an. Nous avons lancé aussi des initiatives pour
améliorer le système éducatif et la capacité des enfants à
poursuivre leurs études dans des conditions compliquées. Nous
offrons aussi les premiers soins médicaux, y compris la
vaccination des enfants et le traitement de quelques maladies
chroniques. Nous essayons aussi de faire des pressions pour
permettre l’accès du matériel médical.
— Quels sont les problèmes qui entravent
votre travail à Gaza sous le blocus ?
—
L’interdiction du passage des matériaux de construction est un
vrai problème. Des milliers de familles de réfugiés ont besoin
de maisons. Nous avons passé des mois à coordonner avec la
partie israélienne pour nous permettre d’accéder aux matériaux
de construction. Après de longues négociations, on nous a permis
d’avoir les matières pour construire 151 unités à Khan Younès.
Nous attendons toujours d’autres quantités pour le reste du
projet. L’entrée et la sortie des employés de l’UNRWA sont aussi
soumises à plusieurs restrictions. Les Israéliens compliquent
leurs mouvements et nous essayons de faire des accords avec le
gouvernement égyptien pour permettre à nos employés de voyager à
travers le terminal de Rafah. Nous avons aussi un grand problème
qui concerne notre financement. Il y a un grand déficit dans le
budget de l’UNRWA à Gaza. Parfois, nous ne pouvons pas couvrir
les salaires des employés. Nous recherchons toujours des
ressources supplémentaires pour couvrir les dépenses et les
besoins de nos projets. Cependant, les pays arabes ne
participent au financement qu’à la hauteur de 2 % et dans
quelques projets seulement. Ce qui rend notre mission très
difficile. Nous appelons les pays arabes à réagir et à offrir
plus d’aides, afin de relancer et d’encourager les projets
humanitaires de l’Onu à Gaza.
— Les Israéliens ont annoncé dernièrement des
mesures pour alléger le blocus. Qu’en pensez-vous ?
— Je ne vois
pas de vrai changement. Ils ont permis l’entrée de quelques
produits alimentaires seulement. Les habitants de Gaza ne
réclament pas cela, ils veulent qu’on mette fin à ce blocus. Les
gens ont besoin d’avoir de matériaux de construction, de
relancer ce genre de projets, de rouvrir les usines et de créer
un mouvement économique, afin de limiter le chômage qui règne
dans la bande. Il n’y a pas de changement réel, et la situation
ne s’améliorera pas si on ne met pas de terme à ce blocus.
Propos recueillis par Doaa
Khalifa avec Nader Taman
Droits de reproduction et de diffusion réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 7 juillet 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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