C’est vrai
que c’est
un moment difficile pour assumer le
poste de
commissaire général de
l’Unrwa. Mais
il
faut aussi
dire que cela
a été le cas
pour tous mes
prédécesseurs.
Il a toujours
été très
difficile de
travailler sur le dossier
sur lequel
on travaille.
Car l’Unrwa se
penche sur
l’un des
problèmes centraux
dans le débat
politique du
Moyen-Orient, à
savoir la question des réfugiés
palestiniens.
Bien
sûr, au cours
des dernières
soixante années, le
baromètre
politique a changé
plusieurs fois,
surtout au
cours des vingt
dernières
années. Il y a
eu des moments plus
favorables, où
l’on
s’approchait plus d’une
solution politique.
Malheureusement,
nous témoignons
aujourd’hui
d’une situation de stagnation qui ne
rend pas les choses
faciles dans
notre travail.
Je fais allusion de
manière plus
précise au blocus
imposé à
la bande de Gaza, aux violations des
droits des
réfugiés en Cisjordanie et
à Jérusalem-Est.
Et une absence
totale de l’horizon
politique pour le
problème des
réfugiés.
- Comment fonctionne
donc l’Agence
dans ce
contexte de
blocage d’horizon
politique et situation
d’émergence sur
plusieurs fronts
?
- Il faut dire, tout
d’abord, que
l’Unrwa a
été créée
pour fournir
certains services aux réfugiés
en attendant une solution
politique.
Celui-ci est
notre contexte
de travail. Donc,
un contexte
politique
plutôt bloqué.
L’Unrwa a
évidemment
devant elle encore,
malheureusement,
une longue
période de travail. Et
cela est
notre
priorité :
la fourniture des services
essentiels à
la population palestinienne
réfugiée. Ceci
comprend
l’éducation, la santé, l’aide
aux plus pauvres
à
travers
différents moyens et,
surtout, dans
les situations de conflit,
une aide
humanitaire. Notre priorité
est de
nous assurer
que ces
services soient
maintenus au niveau
requis par la situation et
que la qualité
de ces services
soit adéquate aux
besoins des
réfugiés.
- Comment arrivez-vous
à assurer
ces services
dans le contexte
du blocus
israélien
imposé à
Gaza ?
- Il y a un problème de
contexte comme
celui de
l’impossibilité, par exemple,
à Gaza,
d’apporter des matériaux de
construction pour pouvoir
soutenir la reconstruction des
maisons et des infrastructures qui
ont
été
détruites pendant les derniers
conflits de Gaza.
Cela
est un
contexte qui a une raison
politique. Et
donc, l’UNRWA
toute seule
ne peut
pas résoudre ce
problème. Nous
faisons appel
à toutes
les instances politiques, aux
autorités
israéliennes, qui ont la
responsabilité première en
tant que
force occupante, pour
assurer le flux des
matériaux
nécessaires. Mais
nous faisons
également appel
à tous
les pays amis
d’Israël pour
qu’ils demandent
à celui-ci
d’honorer les engagements qui
ont été
pris par le passé et de
ne pas
pénaliser la population civile
de Gaza. Donc,
notre problème principal
est le
blocage par
Israël de beaucoup de produits
et de plusieurs types de
matériaux
destinés à la reconstruction
de la bande de Gaza.
Il ne
faut pas
oublier une chose
importante. Une
année après la
tenue de la Conférence de
Charm Al-Cheikh,
dans laquelle
les Etats
donateurs avaient
promis des
sommes importantes pour la
reconstruction de Gaza, seulement
une partie
minime de ces
montants a
pu être
utilisée car la
majorité de cette aide
était destinée
à la reconstruction. Or, on
ne peut
pas reconstruire sans
matériaux et
sans équipements.
- Comment évolue la situation
humanitaire
dans la bande de Gaza face
à la poursuite
du
blocus ?
- La situation reste
très difficile.
Elle n’est pas
simplement une situation
humanitaire,
comme elle
est
souvent décrite.
Mais
c’est une
crise beaucoup plus
vaste.
C’est
une crise
de l’économie, des institutions,
c’est une
crise qui
touche surtout,
très
profondément, la psychologie
des personnes.
Lorsqu’on est
obligé de vivre avec un million et
demi d’autres
personnes dans
un territoire qui
mesure 40 km de long et 10 km de
large et vous
ne pouvez
ni sortir
ni rentrer,
cela vous
affecte non
seulement économiquement,
mais surtout
psychologiquement.
Donc, c’est
une crise
globale qui a des
conséquences, à
notre avis,
très dangereuses pour la
stabilité de Gaza.
Mais aussi
pour la stabilité de la
région toute
entière. Donc,
c’est beaucoup plus
qu’une crise
humanitaire et
c’est pour cela
que nous
devons ouvrir
les passages de Gaza.
- Voyez-vous
une possible amélioration de
la situation à
Gaza ?
- On entend
souvent parler de la
possibilité
qu’Israël allège la
pression sur
Gaza. On souhaite
que cela
se passe, mais
jusqu’à présent
nous n’avons
rien vu.
Mais nous
disons toujours
à Israël
que la
stabilité de Gaza
est dans
leur intérêt.
De plus, nous
leur garantissons
que tous
les matériaux
que nous
recevons serons
utilisés
uniquement pour la reconstruction de Gaza
et rien
d’autre.
- Pensez-vous
que l’Egypte
pourrait aider
à atténuer
le blocus de Gaza en
ouvrant plus
souvent le passage de Rafah,
à la frontière
commune ?
- J’ai discuté
avec le ministre
égyptien des Affaires
étrangères, Ahmad
Aboul-Gheit, de
ce sujet.
L’Egypte a
honoré ses
obligations conformément aux accords
de 2005 sur le passage des
biens et des
personnes à
Rafah. Nous
connaissons les
préoccupations sécuritaires
de l’Egypte et
ce n’est
pas à nous
de les discuter.
Mais le seul
point que j’ai
soulevé avec beaucoup de
clarté, c’est
que toute
mesure de limitation au passage des
biens et
des personnes
constitue un fardeau
supplémentaire pour la population de
Gaza. Donc,
mon appel
au gouvernement
égyptien, comme
à tous
les gouvernements,
c’est de ne
pas oublier la
souffrance humaine
dont nous
sommes témoins
à Gaza. Et
je pense
que cet
appel a
rencontré la plus grande
compréhension de la part des
autorités
égyptiennes.
- En Cisjordanie, comment
vous
travaillez
? Quelles
sont les
principales difficultés
auxquelles vous
êtes confrontés
sur le terrain ?
- En Cisjordanie,
nous avons
des difficultés qui
sont moins
sous la loupe des
médias mais
qui sont très
graves. Les restrictions imposées au
mouvement des
Palestiniens ont
un impact aussi
sur notre
travail. Premièrement
sur tous
les aspects de vie des Palestiniens.
Si vous
cultivez des
tomates, par exemple,
et voulez
vendre ces
tomates sur
un marché d’une
ville voisine,
vous ne
pouvez pas le faire. On a beaucoup
de cas
où les
enseignants ne
peuvent pas
aller à
leur école. En
Cisjordanie,
il n’y
a pas de blocus
comme celui de Gaza, car
il ne se
fait pas autour de la
Cisjordanie,
c’est plutôt un
bouclage imposé
à l’intérieur,
dans le tissu
même de la
société. Et ceci
est
particulièrement grave dans
certaines
localités de la Cisjordanie,
notamment à
Jérusalem-Est.
Même pour nous,
il devient
très difficile
de transporter le personnel qui travaille
à Jérusalem
entre la
Cisjordanie et cette
ville. Et
pour les gens qui
ont une
carte d’identité de la
Cisjordanie et pas de
Jérusalem, les
difficultés sont encore plus
importantes.
Nous parvenons tout de
même à
servir la population,
dans les écoles,
les hôpitaux …
Il faut
quand même dire
qu’il y a des zones, des
poches en
Cisjordanie, où la situation
s’est
légèrement améliorée.
Ce sont
des endroits où
la sécurité
s’est un
peu améliorée et
il y a eu
quelques
allégements dans les
clôtures et les obstacles
imposés par
l’occupation.
- Cette légère
amélioration
est-elle due aux efforts du
gouvernement
palestinien pour construire
les institutions d’un futur
Etat
palestinien
?
- Bien sûr
et surtout
avec la préoccupation de
reconstruire des institutions de
sécurité. Mais
cela n’est
pas uniforme et
ne s’applique
pas à toute
la Cisjordanie.
Puisque les clôtures
restent et
imposent un
fardeau immense sur la
population palestinienne.
Ces clôtures,
qui sont
largement établies pour
protéger les colonies (israéliennes),
font que les plus
défavorisés le
deviennent encore plus. Pour cette
raison, beaucoup de réfugiés
palestiniens
deviennent encore plus pauvres
et vulnérables.
- Vous avez
aussi une
situation extrêmement grave
dans les camps des
réfugiés
palestiniens au Liban,
où 420 000
personnes vivent
dans des conditions
inhumaines …
- Certainement, la situation au
Liban pour
les réfugiés
est très
difficile. Mais
il
faut dire que
les raisons de cette situation
sont
complètement différentes.
Elles sont
produites par la
fragilité de
l’équilibre politique au
Liban et
malheureusement, les
réfugiés
palestiniens sont un
élément dans
cet équilibre
interne du
Liban et donc
souffrent des
conséquences de cette
situation.
- Mais une
situation humanitaire acceptable
dans les camps des
réfugiés
palestiniens du
Liban ne
devrait pas affecter
l’équilibre
politique interne de
ce pays …
- Ceci
est tout
à fait vrai.
Et les derniers
gouvernements
libanais ont
tous compris
cette question
très bien.
Ceci s’est
passé avec le dernier gouvernent,
celui de Fouad
Siniora, et
le présent,
celui de Saad Al-Hariri.
Ils
ont très
bien compris
qu’il ne
faut pas
pénaliser les réfugiés et
donc, ils
ont accepté
tout d’abord en 2006/2007
d’entamer toute
une série
de projets pour
l’amélioration des conditions physiques des camps.
Il est
vrai que
jusqu’à la
moitié de cette
décennie, on ne
pouvait rien
faire. Il était
tabou au Liban
même de parler
de ce sujet.
Donc, les conditions
dans les camps se
sont
détériorées de manière
effroyable.
Mais depuis
deux ou
trois ans,
nous pouvons
faire des interventions qui sont
très utiles
et nous
les faisons.
L’autre problème au
Liban, c’est
l’accès au
marché du travail.
Parce
que les
réfugiés palestiniens au
Liban ont
des droits très
très limités.
Je viens
de rentrer du
Liban où
j’ai rencontré
le premier ministre qui
s’est montré
très ouvert
et a accepté
de discuter des
détails de cette question.
Propos
recueillis par Randa
Achmawi
Droits de reproduction et de diffusion
réservés. ©
AL-AHRAM Hebdo
Publié
le 10 mars 2010 avec l'aimable autorisation de AL-AHRAM Hebdo
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