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Centre Palestinien d'Information

Hamas : son histoire de l'intérieur (5)


Photo CPI

24 novembre 2008

Dr. Azzam Tamimi

            L’ouvrage Hamas : Son histoire de l’intérieur de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète, diffusée régulièrement en de nombreuses parties.

Les débuts (1)

Nos préparations se sont poursuivies, avec nos efforts et les efforts de nos frères, pendant des années et des années. Tout au long de cette période, nous nous sommes rassemblés, nous avons observé et nous avons attendu jusqu’à ce que le moment d’agir est arrivé.

 - Sheikh Ahmed Yassine

Travaillant à partir de la bande de Gaza, mercredi 9 décembre 1987, un reporter de l’Associated Press décrivit la manière dont les soldats israéliens ouvraient le feu « sur des manifestants arabes lançant des bouteilles dans une vague de violence éveillée par un accident de la route ». Ce que l’agence décrivait d’accident de la route était pour les Palestiniens rien de moins qu’un acte criminel délibéré. L’incident avait eu lieu le soir d’avant, lorsque trois travailleurs palestiniens furent tués et sept autres blessés lorsque le conducteur d’un enfin militaire israélien rentra dans deux camionnettes transportant les travailleurs, alors qu’ils rentraient chez eux d’Israël. Cet “accident de la route” fut le véritable événement duquel découlèrent tous les changements significatifs qui se produirent en Palestine dans les années ultérieures.

            La nuit du 9 décembre, après une journée mouvementée, les sept hommes qui composaient la direction supérieure de al-Ikhwan al-Muslimin (les Frères Musulmans, dorénavant évoqués par le terme “Ikhwan”) à Gaza tinrent un meeting d’urgence. Ils étaient Sheikh Ahmed Yassine, Dr. Abd al-Aziz al-Rantissi, Salah Shihadah, Abd al-Fattah Dukhan, Mohammed Sjam’ah, Ibrahim al-Yazuri et ‘Issa al-Nashar. Plus tôt dans la journée, ils avaient demandé au personnel et aux étudiants de l’Université Islamique, une de leurs institutions les plus importantes dans la bande de Gaza, de fermer à midi et de lancer une grève générale. En réponse, les gens se réunirent autour de l’hôpital al-Shifa dans ce qui devint un rassemblement massif. Jusqu’au soir, on pouvait encore voir de nombreuses personnes en rang à l’extérieur de l’hôpital, pour donner du sang à leur tour. Lors de leur meeting, le soir, les sept leaders des Ikhwan prirent la décision historique de transformer l’organisation Ikhwan en Palestine en un mouvement de résistance qui allait être connu comme étant Harat al-Muqawwamah al-Islamiyah (le Mouvement de Résistance Islamique) [HAMAS]. Dr. Abd al-Aziz al-Rantissi prépara immédiatement le premier communiqué. Il fut remis à la presse le 14 décembre, qui devint alors le jour où le Hamas fut officiellement créé. Pendant dix ans, Sheikh Yassine et ses “frères” s’étaient préparés pour ce monde, même s’ils ne savaient pas à l’avance que ce qu’ils avaient projeté pendant si longtemps allait se produire à ce moment précis ou de cette façon particulière.

            La vie dans la bande de Gaza était devenue de plus en plus insupportable depuis 1977, lorsqu’en juin, le partie de droite Likoud en Israël vint au pouvoir pour la première fois. En novembre, cette même année, le président égyptien Anwar al-Sadat visita Jérusalem pour s’adresser à la Knesset (le parlement d’Israël), donnant ainsi un coup majeur aux espoirs palestiniens selon lesquels leur grande sœur, l’Egypte, pouvait jouer un rôle pour les secourir de l’oppression et libérer leur terre de l’occupation. Bien avant que la monté au pouvoir de Sadat, la plupart des Palestiniens avaient anticipé que l’Egypte allait les libérer. Ceci avait été la promesse du prédécesseur de Sadat, Gamal Abd al-Nassir : une promesse soudainement rompue par un régime qui était seulement intéressé par la reprise du Sinaï d’Israël, qui l’avait occupé dix ans plus tôt.

            De manière paradoxale, depuis qu’ils se retrouvèrent sous l’occupation israélienne en 1967, les Palestiniens de Gaza avaient joui d’une certaine croissance économique. Les travailleurs palestiniens pouvaient assez facilement passer en Israël et gagner un bon montant d’argent pour une journée de travail, travail qui ne manquait pas. Entre-temps, les Israéliens venaient dans la bande de Gaza pour faire des emplettes : dans cette zone de libre échange non déclarée, non sujette aux différentes taxes, les prix étaient attractifs. Incontestablement, la défaite des armées arabes en 1967, qui mena à la capture de ce qui restait de la Palestine par les Israéliens, était une bénédiction déguisée dans bien des aspects. En outre, Gaza devint accessible de la Cisjordanie et les deux régions étaient ouvertes aux citoyens israéliens d’origine arabe, qui virent cela comme une opportunité pour la “réunion familiale”.

            Ce qui graduellement altéra la prospérité que l’occupation israélienne semblait apporter aux territoires occupés en 1967 était l’humiliation auxquels les travailleurs palestiniens étaient sujets. Les travailleurs palestiniens qui traversaient la “Ligne Verte” pour se rendre en Israël laissaient derrière eux leur dignité et leur amour-propre. La société israélienne avait besoin des ouvriers, mais elle les méprisait, car ils étaient “les autres” ; ils étaient vus comme différents, sous-humains, et ils n’étaient pas dignes de respect. En même temps, la simple présence de ces travailleurs parmi eux était un rappel quotidien atroce pour les Israéliens du fait qu’ils vécussent sur une terre volée quelques décennies auparavant des parents ou grands-parents de ces misérables palestiniens. L’indignation et la frustration des Palestiniens étaient alimentées par l’éveil du nationalisme palestinien ainsi que par la brise d’une revivification islamique qui commençait à être sentie. Les leaders nationaux et islamiques décourageaient les Palestiniens de la “cohabitation” avec leurs oppresseurs, encourageant, si ce n’est la résistance, au moins le boycott. Au-dessus de tout, les leaders islamiques s’inquiétaient de l’influence que pouvait avoir sur les travailleurs ce qu’ils voyaient comme étant les coutumes négligées et confuses de la société israélienne. Entre-temps, toutefois, des activités de résistance sporadiques lancées par des membres de groupes de résistance palestiniens, comme le Fatah et le Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP), à partir des “territoires” ou de l’autre côté des frontières, attirèrent des mesures punitives sévères et souvent collectives. Les autorités de l’occupation israélienne mirent en place des opérations de sécurité draconiennes et effectuèrent des arrestations arbitraires, notamment contre les populations des camps de réfugiés en Cisjordanie et à Gaza. Alors qu’ils étaient en détention et sous une interrogation, les Palestiniens étaient sujets aussi bien à la torture physique qu’à la torture psychologique, ce qui laissait souvent des cicatrices physiques et mentales permanentes.

            Telle était l’atmosphère en Palestine lorsque le président égyptien Anwar al-Sadar bouleversa le monde avec son voyage de 1977 à Jérusalem, qui prépara le chemin pour les Accords de Camp David. La signature de ceux-ci aboutit au traité de paix entre Israël et l’Egypte, qui fut signé le 26 mars 1979 en la présence du président Jimmy Carter, sur le gazon de la Maison Blanche à Washington D.C. Ironiquement, cette paix fut réalisée entre l’Egypte, historiquement considérée par Israël comme son principal adversaire dans le monde arabe, et le premier gouvernement de la droite israélienne Likoud sous la direction de Menachem Begin. Les supporters du Likoud en général soutenaient l’avis que les frontières de l’Etat d’Israël devaient être celles supposées avoir été offertes aux juifs par le droit divin, c’est-à-dire du Nil à l’Euphrate. Alors que l’opération de paix avec l’Egypte fut célébrée, la question palestinienne fut reléguée au second plan. Pendant ce temps, Israël continuait à lancer des coups destructeurs, les uns après les autres, à l’encontre de la résistance nationaliste palestinienne, affaiblissant ainsi les factions comprises dans l’OLP.

            La venue au pouvoir du gouvernement du Likoud signala un changement majeur pour les gens de Gaza. C’était ce gouvernement qui autorisa l’établissement des premières colonies juives dans la bande de Gaza, déjà l’une des régions les plus densément peuplées du monde. En plus de la frustration ressentie par les Palestiniens suite à la neutralisation de l’Egypte dans le conflit arabo-israélien, il apparut que le peuple de Gaza fut choisi pour payer le prix du processus de paix. Ayant retiré leurs troupes et colons du Sinaï, les Israéliens déployèrent plus de soldats dans la bande de Gaza. En dépit de la paix avec l’Egypte, les Israéliens ne modifièrent pas leur politique de conscription et il n’y avait nulle par ailleurs que les territoires occupés pour déployer les nouveaux conscrits. Avant la réalisation du processus de paix entre Israël et l’Egypte, la frontière de facto d’Israël avec l’Egypte était bien loin de Gaza. Cependant, dans la nouvelle ère de paix israélo-égyptienne, Gaza devint la frontière, et c’était là que les forces frontalières d’Israël furent massivement déployées.

            Graduellement, l’humiliation à laquelle les travailleurs palestiniens étaient sujets dans le marché de l’emploi israélien s’étendit aux résidents de Gaza de manière générale. Dans une politique initiée par Ariel Sharon, qui devint ministre de la défense d’Israël dans le cabinet du Likoud en 1981, des parachutistes israéliens, connus pour les Palestiniens comme les “bérets rouges”, furent déployés avec pour instructions d’intimider et d’humilier les Arabes suspectés de donner une assistance à la résistance. Il devint une pratique commune pour les troupes israéliennes sur les points de contrôle à l’intérieur des territoires occupés d’arrêter des passants arabes, notamment des étudiants à l’université et au lycée, les menaçant avec leur arme et les soumettant à des abus verbaux et physiques pour aucune raison manifeste autre que de montrer qui est le chef. En fin de compte, Gaza devint en pratique une énorme prison. Il n’était plus question qu’un résident de Gaza puisse voyager facilement vers l’Egypte, et peu de temps après, les habitants de la bande de Gaza se virent même interdits de voyager vers la Jordanie. Les restrictions israéliennes imposées aux travailleurs étaient destinées à permettre à moins d’hommes et des femmes de gagner leur vie dans le marché du travail lucratif israélien. Une alternative humiliante était de gagner son pain en travaillant dans la construction des colonies juives bâties sur des terres illégalement saisies des Arabes eux-mêmes. La vie devenait de plus en plus insupportable, et une explosion allait venir.

Hamas: son histoire de l'intérieur (4)
Hamas: son histoire de l'intérieur (6)

Traduction réalisée par le Centre Palestinien d’Information (CPI)



Source : CPI
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