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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (55)
Photo CPI
Lundi 23 novembre 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
L’idéologie de libération du
Hamas (4)
L’idée de la hudna
(trêve)
Une chose qui restera inchangée dans une nouvelle charte du
Hamas est l’opposition du mouvement à l’Etat d’Israël. Si le
Hamas reste loyal à ses principes fondateurs, il ne reconnaîtra
pas le droit à exister d’Israël. Né de l’intifada (soulèvement)
de 1987, le Hamas déclara avoir émergé « afin de libérer
l’ensemble de la Palestine, toute la Palestine ». Le mouvement
fut créé en partie en réponse au traitement oppressif subi par
les Palestiniens sous l’occupation israélienne en Cisjordanie et
à Gaza, et en partie parce que nombreux ressentaient que le
Fatah, alors qu’il portait la bannière du mouvement de
libération nationale palestinienne, était instable. Comme les
membres du Fatah avant eux, la plupart des membres du Hamas et
de ses supporters avaient été des réfugiés ou des enfants de
réfugiés dont les demeures d’origine n’étaient pas les camps
effroyables dans lesquels ils étaient nés ou ils avaient grandi.
Ils avaient auparavant vécu de l’autre côté de ce que l’on
appelle la Ligne Verte dans les territoires maintenant colonisés
par des immigrants juifs qui vinrent d’Europe et d’ailleurs dans
le monde. Comme des millions de Palestiniens à l’intérieur de la
Palestine et dans la diaspora, les fondateurs du Hamas se
sentirent trahis lorsque la direction du Fatah, qui contrôlait
l’OLP, décida d’abandonner le droit au retour à leurs maisons
des Palestiniens.
Il est très improbable, par conséquent, que le Hamas reconnaisse
un jour la légitimité de l’Etat d’Israël ou son droit à exister.
Le mouvement considère Israël comme rien qu’une enclave colonial
planté au cœur du monde musulman, dont l’effet est de gêner le
renouveau de la nation, de la communauté musulmane globale, et
de perpétuer l’hégémonie occidentale dans la région. Une autre
considération est que la Palestine est une terre islamique
envahi et occupé par une puissance étrangère. Cela irait à
l’encontre des principes de la foi islamique du Hamas de
reconnaître la légitimité de l’occupation étrangère d’une terre
musulmane. Cela s’applique à plus forte raison pour la terre qui
est le site de la première qibla des musulmans (le lieu
en direction duquel les fidèles musulmans se tournent pendant la
prière), et la troisième plus importante mosquée sur terre.
Cette position n’est pas exclusive au Hamas. Les érudits
musulmans, à quelques exceptions près, ne cessèrent jamais
d’exprimer leur opposition totale à toute reconnaissance de la
légitimité de la création d’un Etat juif en Palestine. Durant le
siècle passé, des érudits et juristes musulmans publièrent de
nombreuses fatwas, ou édits religieux, déclarant nul et caduc
tout accord qui légitimerait l’occupation d’une partie de la
Palestine. La première fatwa collective sur cette question
précède la création de l’Etat d’Israël en Palestine. Le 26
janvier 1935, plus de deux cents érudits islamiques se rendirent
à Jérusalem de toute la Palestine pour émettre une fatwa
interdisant la confiscation d’une partie de la Palestine par les
Sionistes. Des conférences similaires furent organisées et des
fatwas publiés à différents moments de l’histoire du conflit du
Moyen-Orient. Pendant l’ère de Nasser (1952-170) en Egypte, la
prestigieuse institution islamique Al-Azhar au Caire prohiba
toute reconnaissance de l’Etat d’Israël ou toute initiative pour
faire la paix avec lui. Sheikh Yussuf Al-Qaradawi, un des
érudits les plus reconnus des temps contemporains, réitéra
fréquemment cette position, qui fut unanimement adoptée par plus
de trois cents érudits islamiques à travers le monde musulman
lors d’une rencontre du Conseil Jurisprudentiel Islamique au
Koweït au milieu des années 1990. Il expliqua que la fatwa
interdisait la reconnaissance d’Israël était basée sur la
considération que « la Palestine est une terre islamique qui ne
peut être délaissée volontairement ». Il ajouta que la même
fatwa fut à nouveau publiée dans une conférence sur la
jurisprudence islamique à Bahreïn.
Cependant, cette considération doctrinale ne nie pas le droit
des juifs à vivre en Palestine, à condition que leur présence ne
soit pas le résultat d’une invasion ou d’une occupation
militaire. Elle n’empêche pas non plus les musulmans, dont le
mouvement du Hamas, de négocier un accord de cessez-le-feu avec
l’Etat d’Israël afin de mettre fin au bain de sang et à la
souffrance des deux côtés, pour une durée convenue. L’idée d’une
hudna (trêve) avec Israël vint sur la scène au début
des années 1990. Une référence y fut faite par le chef du bureau
politique du Hamas basé à Amman, Moussa Abu Marzouq, dans une
déclaration publiée par l’hebdomadaire d’Amman Al-Sabeel,
l’organe du mouvement islamique jordanien, en février 1994.
Environ au même moment, le fondateur du Hamas, Sheikh Ahmad
Yassine, parlant de sa cellule de prison, fit la première
référence à l’idée d’une hudna, lorsqu’il proposa une
telle trêve comme une solution provisoire au conflit entre les
Palestiniens et les Israéliens. Abu Marzouq et Sheikh Yassine
répétèrent la proposition à plusieurs occasions, mais ne
réussirent pas à intéresser les Israéliens. Récemment, des
porte-parole du Hamas renvoyèrent fréquemment à l’idée de
hudna.
La hudna est reconnue dans la jurisprudence islamique
comme un contrat légitime et qui doit être suivi, dont
l’objectif est d’apporter une cessation du combat avec un ennemi
pour une période de temps convenue. La trêve peut être courte ou
longue, selon les besoins ou intérêts mutuels. Une telle trêve
serait différente des accords de paix d’Oslo, sous lesquels
l’OLP reconnut l’Etat d’Israël et son droit à exister. La
différence est que sous les termes de la hudna, la
question de la reconnaissance ne serait pas soulevée. Cela car
le Hamas ne peut pas, en tant que principe, accepter que cette
terre confisquée des Palestiniens par Israël devienne celle
d’Israël. Le Hamas n’a pas le pouvoir de renoncer au droit des
Palestiniens à retourner sur les terres et dans les demeures
desquelles ils furent forcés de sortir en 1948 ou après. Il
peut, toutefois, dire que sous les présentes circonstances, le
mieux qu’il puisse faire est de reprendre un peu des terres
perdus et assurer la libération des prisonniers, en échange
d’une cessation des hostilités.
Pour justifier la hudna, les leaders du Hamas observant
l’exemple qui se produisit entre les musulmans et les croisés
dans la dernière décennie du XIIème siècle. Le conflit entre les
deux parties à l’intérieur et autour de la Palestine dura
environ deux cents ans. Pour le Hamas, ce qui est d’un intérêt
particulier est le traité de Ramleh conclu par Salah Al-Din Al-Ayyubi
(Saladin) avec Richard Cœur de Lion le 1er septembre 1192. La
trêve, qui marqua la fin de la troisième croisade, dura trois
ans et trois mois. Durant cette période, les croisés gardèrent
le contrôle de la côte de Jaffa à Acre et étaient autorisés à
visiter Jérusalem et à faire du commerce avec les musulmans. De
plus, il est aussi souvent fait référence à la toute première
hudna dans l’histoire de l’islam. Connu sous le nom
d’Al-Hudaybiyah, le nom du lieu dans la banlieue de la Mecque où
il fut conclu, cet accord vit la suspension des hostilités entre
la communauté musulmane sous la direction du Prophète et la
tribu de Quraysh à la Mecque. La durée de la hudna
convenu par les deux parties était de dix ans. Toutefois, elle
prit fin moins de deux ans plus tard lorsque les Quraysh la
rompirent avec l’assassinat illéal de quelques membres de la
tribu de Khuza’ah, qui était alliée à la partie musulmane. Une
fois une hudna conclue, elle est considérée sacrée, et
l’exécution de ses obligations devient un devoir religieux. Tant
que l’autre partie l’observe, la partie musulmane ne doit pas la
rompre ; le faire est considéré comme un grave péché. Comme dans
le cas d’autres traités internationaux, une hudna est
renouvelable par un accord mutuel à l’expiration de son terme.
La hudna général et à long terme proposée par le Hamas
stipule, en première condition, un retrait israélien aux
frontières du 4 juin 1967, ce qui signifie le retour de toutes
les terres occupées par les Israéliens en conséquence de la
guerre des six jours, dont Jérusalem est. Cela entraînerait le
retrait de tous les colons juifs de ces régions. En outre,
Israël devrait libérer tous les Palestiniens retenus dans ses
prisons et camps de détention. Il est hautement improbable que
le Hamas accepte moins que cela en échange d’une trêve à long
terme qui pourrait durer une quart de siècle ou plus.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (54)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (56)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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