Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
L’affaire Meshaal (3)
L’aventure
ratée du Mossad
Dans les premières heures du jeudi 25 septembre 1997, deux
berlines Hyundai quittèrent l’enceinte de l’ambassade
israélienne dans le quartier Rabiyah d’Amman. Leur
destination était la résidence de Khaled Meshaal à
Shumaysani. La première voiture, avec une plaque
d’immatriculation verte signifiant que le véhicule était une
voiture louée, transportait une équipe de quatre membres de
l’unité israélienne Kidon. L’équipe se composait d’un
chauffeur, un garde et deux tueurs à gages, John Kendall,
âgé de 28 ans, et Barry Beads, 36 ans. Les deux assassins
étaient entrés en Jordanie un jour plus tôt, voyageant avec
des passeports canadiens. La seconde voiture, avec une
plaque d’immatriculation diplomatique, conduisait une équipe
de quatre agents du Mossad, dont un médecin. Les deux
voitures attendirent que Meshaal quitte sa résident à
environ dix heures du matin, dans sa voiture conduite par un
chauffeur, avec son garde du corps Muhammad Abu Sayf et
trois de ses enfants. Le jeudi était le premier jour du
répit du week-end en Jordanie, alors les enfants n’étaient
pas à l’école. Les enfants de Meshaal accompagnaient leur
père à son bureau dans le bâtiment Shamiyah dans la rue
Wasfi al-Tal, et devaient être emmenés de là au coiffeur,
pour se faire couper les cheveux.
La voiture louée suivit Meshaal jusqu’à son bureau, alors
que l’autre voiture se dirigea vers la rue proche Makkah.
Alors que Meshaal quitta la voiture et marcha vers l’entrée
du bâtiment, Kendall et Beads se précipitèrent derrière lui.
L’un d’entre eux portait un appareil masqué pour faire
croire à un bandage à la main, et apparemment, il ne
remarqua pas le garde du corps de Meshaal, qui était
toujours dans la voiture. L’agent portant l’appareil bondit
sur Meshaal, le pointant sur son oreille gauche. Meshaal
rapporta plus tard qu’il sentit comme un choc électrique.
Sur le moment, il était difficile de savoir ce que
l’appareil était. Meshaal survécut à l’attaque, et Abu Sayf
poursuivit les deux agents du Mossad. Entre-temps, le
chauffeur de Meshaal l’emmena rapidement à son bureau.
Abu Sayf réussit à arrêter les agents israéliens, après une
dure lutte et avec l’aide de passants. Il fut assisté par
Sa’d Na’im al-Khatib, un officier dans l’Armée de Libération
de la Palestine située en Jordanie, qui se trouvait être
dans les parages lorsque les deux agents israéliens
essayèrent de s’enfuir. Abu Sayf saignait gravement, ayant
été frappé à la tête par un object en métal par l’un des
agents. Les deux agents furent remis à la police
jordanienne. Abu Sayf dit à l’officier en charge qu’ils
étaient des agents israéliens qui avaient tenté d’assassiner
Khaled Meshaal, le chef du bureau politique du Hamas.
L’officier envoya Abu Sayf avec une ambulance au centre de
traitement médical Al-Hussein. En y allant, il appela le
bureau de Khaled Meshaal avec son téléphone mobile,
confirmant avoir arrêté les deux agents et qu’ils étaient
maintenant détenus par la police.
Entre-temps, Khaled Meshaal envoya ses enfants à la maison
avec le chauffeur et demanda à un employé de le conduire à
la maison de Muhammad Nazzal, le représentant du Hamas en
Jordanie, qui avait déjà été alerté et qui s’était
immédiatement précipité de retourner chez lui. Nazzal
convoqua immédiatement les autres membres du bureau
politique à un meeting d’urgence chez lui. Nazzal décida de
publier un communiqué de presse et appela Randa Habib, un
correspondant de l’Agence France Presse (AFP), qui à son
tour contacta le ministre de l’information jordanien Samir
Mutawi’. Mutawi’ déclara ne rien savoir de l’incident mais
promit de faire des enquêtes. Il appela Habib peu de temps
après, et nia qu’un tel incident eut lieu, déclarant qu’une
discussion entre Khaled Meshaal et deux touristes canadiens
qui faisaient du shopping s’était développée en dispute
lorsque le garde du corps de Meshaal, Abu Sayf, avait
commencé à les gêner. Cependant, l’AFP soutint une
déclaration faite par Muhammad Nazzal confirmant la
tentative d’assassinat. Ce rapport parvint bientôt au
directeur du DRG, Samih al-Battikhi, qui clamait être enragé
par ce qu’il insistait à dire être de fausses allégations du
Hamas. Al-Battikhi contacta immédiatement Moussa Abu Marzouq
pour protester contre ce que Nazzal avait dit, qualifiant
Nazzal de menteur. Il insista que selon ses propres sources,
ce qui s’était passé n’était rien qu’une dispute entre le
personnel de Meshaal et les supposés touristes canadiens.
Chez Muhammad Nazzal, Meshaal décrivit à ses collègues ce
qui lui était arrivé. Il dit que les deux hommes
l’attaquèrent de derrière, utilisant ce qui semblait lui
être une sorte d’appareil sophistiqué. L’enfin ne le toucha
pas mais fit un son fort et retentissant dans son oreille,
qui commença à sonner. Alors qu’il décrivait à ses collègues
du Hamas comment tout son corps s’était mis à trembler,
comme s’il avait été sujet à un choc électrique, il commença
à se sentir étourdi et malade. Réalisant que quelque chose
n’allait vraiment pas, ses collègues se hâtèrent de
l’emmener de suite à l’Hôpital Islamique à Amman. Il arriva
à l’hôpital à environ une heure vingt de l’après-midi, où il
commença à perdre conscience. Les tests conduits sur lui ne
montrèrent que peu de chose, à part que le niveau d’oxygène
dans son sang continuait à tomber, bien qu’il ne cessât de
lui être donné de l’oxygène. Les nouvelles de l’attaque sur
lui s’était déjà répandu à travers le pays, et des
figures-clés de différents groupes politiques dont les
Ikhwan jordaniens commencèrent à arriver à l’hôpital pour le
voir. Le leader des Ikhwan Dr. Abdullah Al-‘Akaylah, qui
était aussi un membre du parlement jordanien, commença à
appeler de hauts officiels du gouvernement, les appelant à
informer le roi.
Alors que ces événements dramatiques se succédaient
rapidement, les tueurs professionnels en détention policière
continuaient à prétendre être des touristes canadiens qui ne
s’occupaient que de leur propre affaire lorsqu’Abu Sayf les
attaqua sans qu’il n’y ait eu de provocation. L’officier de
police en charge, suite à la procédure normale, téléphona la
légation canadienne à Amman pour reporter l’incident,
demandant la présence immédiate d’un représentant consulaire
canadien. Lorsque le diplomate arriva à la station de
police, lui et l’officier de police furent tous deux étonnés
par l’insolence des deux détenus. Ils ne montrèrent aucune
courtoisie au représentant canadien et refusèrent d’accepter
sa proposition d’assistance, bien qu’ils continuassent
d’affirmer qu’ils étaient des citoyens canadiens. Au vu de
la déclaration d’Abu Sayf, qu’il avait à nouveau confirmé
lorsqu’il était retourné de l’hôpital à la station de
police, l’officier de police avait ses propres soupçons à
l’égard de ces deux hommes. Il reporta donc l’incident à ses
supérieurs au ministère e l’intérieur, qui placèrent les
deux hommes en détention au DRG pour plus d’investigation.