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Centre Palestinien d'Information

Hamas : son histoire de l'intérieur (54)


Photo CPI

Lundi 16 novembre 2009

Dr. Azzam Tamimi

L’ouvrage Hamas : Son histoire de l’intérieur de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète, diffusée régulièrement en de nombreuses parties.

L’idéologie de libération du Hamas (3)

           Jusqu’au début du XXème siècle, des musulmans, des chrétiens et des juifs coexistaient pacifiquement à travers le monde musulman. Pendant plusieurs siècles, l’empire islamique, dont le territoire s’étendait sur trois continents, avaient fourni un environnement de tolérance sous un système qui garantissait la protection pour ce que l’on qualifie aujourd’hui de minorités. L’islam, dont les valeurs et les principes gouvernaient la conduite publique et privée des individus et communautés musulmans, reconnaissait les chrétiens et les juifs comme des communautés légitimes à l’intérieur de l’Etat islamique et leur accordait des droits inaliénables. Les adhérents au christianisme et au judaïsme participèrent sur un pied d’égal avec les musulmans à la construction de la civilisation arabo-islamique, et les philosophes de la Renaissance européenne se nourrirent de ses fruits.

            A l’opposé, sur les terres européennes, les juifs souffrirent de constantes persécutions. Nombreux furent ceux qui cherchèrent refuge sur les terres musulmans, où ils étaient accueillis et traités comme des gens du livre en accord avec le Pacte de Dieu et de Son Messager. Cette perception musulmane des juifs resta inchangée jusqu’à ce que le mouvement sioniste, qui naquit en Europe, ait commencé à recruter des juifs sur les terres musulmans pour un projet estimé par les musulmans comme une attaque à leur foi et à leur patrie. Le changement dans l’attitude musulmane à l’égard des juifs vint en réaction aux revendications du mouvement sioniste, qui prétendait représenter les juifs et le judaïsme. En dépit des origines laïques du projet sioniste et de l’athéisme de nombre de ses pères fondateurs, l’argumentation du sionisme chercha à justifier la création de l’Etat d’Israël en Palestine et la dépossession des Palestiniens en termes religieux. Les pionniers sionistes invoquèrent une justification scripturale pour leurs actions, bien que peu d’entre eux ne crussent réellement en la religion ou ne la respectassent. Leur objectif était d’accorder une légitime religieuse à leur projet et de remporter le soutien des juifs du monde, qui étaient à la base nombreux à s’opposer au sionisme politique.

            C’est pour cette raison que la charte du Hamas décrit le problème en Palestine comme un conflit religieux entre les juifs et les musulmans. Cette idée continue à être dominante dans de nombreuses parties du monde musulman aujourd’hui. Le lien persistant d’Israël avec les juifs, et des juifs avec Israël, ne fait que renforcer la conviction de nombreux musulmans que le conflit au Moyen-Orient entre les Palestiniens et les Israéliens est de nature religieuse. De nombreux Arabes et musulmans trouvent extrêmement difficile de croire en l’existence de juifs anti-sionistes, qui non seulement critiquent Israël, mais qui parfois refusent de reconnaître sa légitimité.

            Les articles 17, 22, 28 et 32 de la charte du Hamas sont caractéristiques de l’accusation que les juifs sont engagés dans un complot. Le dernier de ces articles va même jusqu’à faire référence aux Protocoles des sages de Sion, un faux document qui prétend représenter les plans d’une prétendue association secrète d’anciens juifs pour conquérir le monde. Ce que l’auteur de la charte voulait suggérer était qu’il y avait un lien direct entre une recherche juive supposée pour une domination générale et l’occupation de la Palestine. Suivant une tendance commune au sein des auteurs musulmans de l’époque, l’auteur de la charte invoqua le Coran et les hadiths (les paroles du Prophète) pour confirmer ses déclarations. Il cherche à montrer qu’il y a un complot juif qui se poursuit contre l’islam et les musulmans datant des premiers jours de l’islam. De telles lectures sélectives et interprétations pratiques des écrits islamiques ne sont pas inhabituelles dans les écrits musulmans contemporains. Dans ce cas, le châtiment du Coran envers la mauvaise conduite et les manières nuisibles de la part de certains des Israéliens des temps bibliques, ou de certains juifs durant l’époque du Prophète Muhammad, est pris hors de leur contexte historique. Il est à remarquer que bien que la théorie des juifs engagés dans un complot soit à l’essence non-islamique, elle fut largement épousée par des intellectuels arabes à travers le monde arabe au moins jusqu’au début des années 1990. La dominance d’une telle pensée fut un symptôme du déclin et du retard, qui à son tour fut un instrument pour précipiter un profond sens de désespoir et de frustration.

            A par sa capacité limitée à expliquer, la théorie du complot tend à attribuer aux êtres humains les pouvoirs du Divin. Grâce aux efforts de penseurs comme l’Egyptien Abdelwahab Elmessiri, éditeur des huit volumes arabes de l’Encyclopédie des juifs, du judaïsme et du sionisme, le problème de la Palestine est aujourd’hui vu par de nombreux islamistes, dont des leaders et membres du Hamas, simplement comme le résultat d’un projet colonial. Le conflit avec le sioniste devrait donc être expliqué en termes plus politiques, sociaux ou économiques d’en termes de religion. On réalise aujourd’hui de plus en plus que de telles explications ont plus de force explicative et sont plus compatibles avec le paradigme coranique de tadafu’ (interaction ou action mutuelle). Alors que le concept coranique de tadafu’ favorise les interprétations des événements et situations dans le monde qui offrent de la motivation et de l’espoir, la théorie selon laquelle une conspiration prédomine apporte de la frustration et du désespoir. Dans le premier cas, la seule force transcendantale dans le monde est celle de Dieu qui donne le pouvoir à qui Il veut et qui prive du pouvoir qui Il veut. Les actions d’une personne peuvent toujours couronnées de succès, si Dieu le veut. Dans le second cas, on ne peut faire que peu de choses pour changer le cours des événements, à cause du postulat qu’un certain groupe d’individus extrêmement puissants, ou d’une communauté, complotent pour contrôler le monde et prendre le contrôle de toutes ses ressources. Dans ce cas, toute action contraire sera vaine.

            La seule référence positive aux juifs dans la charte du Hamas se trouve dans l’article 31, qui déclare que « selon l’islam, il est possible que les partisans des trois religions, l’islam, le christianisme et le judaïsme vivent en paix et en sécurité ». Il est prévu que, tout en continuant à souligner ce fait historique, la nouvelle charte du Hamas se nettoie de l’allégation absurde qu’il y a un complot juif. Au lieu de cela, elle mettra l’accent sur la nature raciste du projet sioniste, expliquant que de nombreux juifs y sont opposés. L’idée que tous les juifs ne sont pas sionistes est déjà largement acceptée parmi les islamistes, qui pensaient auparavant que c’était un mythe inventé par des nationalistes palestiniens laïcs. En jetant la lumière sur les racines du conflit, une nouvelle charte devrait faire appel à l’opinion publique internationale, attirant de la sympathie pour les victimes palestiniennes plutôt que pour leurs oppresseurs israéliens. Pour atteindre les peuples et nations du monde, elle aura aussi besoin d’adopter un cadre conceptuel des droits universels de l’homme. La nouvelle charte du Hamas devrait aussi rassurer les juifs que le Hamas ne leur est pas opposé à cause de leur religion ou de leur race, et qu’il rejette l’idée que le conflit du Moyen-Orient soit entre les musulmans et les juifs, défini en termes de leur religion. Ce n’est pas non plus un conflit entre les fois de l’islam et du judaïsme. Sheikh Ahmad Yassine fit de telles déclarations à plusieurs occasions avant son assassinat par les Israéliens en 2004. La nouvelle charte soulignera que l’islam reconnaît le judaïsme comme une religion légitime et accorde à ses adhérents le respect et la protection. La charte doit déterminer, en tant que principe de base, que les juifs et les musulmans peuvent vivre ensemble aujourd’hui, en paix et harmonie, comme le firent plus tôt des musulmans et des juifs pendant des siècles, une fois les droits légitimes des Palestiniens reconnus et rendus. Cela fut dit à plusieurs reprises par des leaders du Hamas depuis le début des années 1990.

            Khaled Meshaal dit à un journaliste d’une télévision canadienne que la libération de la Palestine « ne signifie pas que le peuple palestinien, ou nous dans le Hamas, veut tuer les juifs ou veut les jeter dans la mer comme Israël le prétend ». Il exprima sa détermination à continuer le combat pour libérer la Palestine et reprendre les droits des Palestiniens, mais nia catégoriquement qu’il y ait une guerre contre les juifs. « Non, nous ne combattons pas les juifs parce qu’ils sont juifs. Nous les combattons parce qu’ils ont volé notre terre et déplacé notre peuple ; ils ont effectué une agression. Nous résistance à ce projet sioniste qui est hostile ». Concernant ces juifs qui ne combattent pas les Palestiniens, il dit : « Je n’ai pas de problème avec eux, tout comme je n’ai pas de problème avec les chrétiens pacifiques ou les musulmans pacifiques ». Il poursuivit en expliquant que « si un musulman venait m’attaquer et voler ma terre, j’ai tout droit de répliquer. Cela s’applique à tous les autres, quelle que soit leur race, leur identité ou leur religion. Ceci est notre philosophie ».

Hamas: son histoire de l'intérieur (53)
Hamas: son histoire de l'intérieur (55)

Traduction réalisée par le Centre Palestinien d’Information (CPI)



Source : CPI
http://www.palestine-info.cc/...


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