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Centre Palestinien d'Information

Hamas : son histoire de l'intérieur (8)


Photo CPI

15 décembre 2008

Dr. Azzam Tamimi

            L’ouvrage Hamas : Son histoire de l’intérieur de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète, diffusée régulièrement en de nombreuses parties.

Les débuts (4)

La relation égyptienne

            Avant l’occupation d’Israël de la bande de Gaza et de la Cisjordanie en 1967, des étudiants qui avaient terminé avec succès leur études au lycée s’en allèrent à l’étranger pour poursuivre leurs études. Il n’y avait pas d’universités locales, et la plupart des très bons élèves lors des études secondaires s’inscrirent dans des universités d’Egypte pour étudier la médecine, l’ingénierie, ou des sujets scientifiques. Un quota précis fut donné pour les étudiants de la bande de Gaza, un autre pour ceux de la Cisjordanie, et un troisième pour ceux qui résidaient à l’extérieur de la Palestine, dans ce qui est devenu connu sous le nom de diaspora palestinienne.

            Pendant plusieurs années après l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie, toutefois, l’entrée des étudiants palestiniens a été suspendue, car leur retour chez eux ne pouvait être garanti. Les autorités égyptiennes, ainsi que les autorités palestiniennes, avaient peur qu’Israël ne permette pas aux étudiants de rentrer après avoir terminé leurs études. Au cours de l’année scolaire 1970-1971, l’entrée d’étudiants palestiniens dans les universités égyptiennes fut reprise, grâce à un accord négocié par la Croix-Rouge Internationale. L’Egypte accepta les étudiants, à condition qu’Israël leur permette de rentrer chez eux ; la Croix-Rouge garantit leur retour chez eux, en sécurité, lors des vacances d’été et lorsqu’ils avaient finalement terminé leurs études. Apparemment, cet arrangement était encouragé par Israël, comme faisant partie de ce qui prit le nom de politique des “ponts ouverts”. C’était le plan pour maintenir un flux contrôlé de gens et de marchandises à travers le Jourdain de la Cisjordanie à la Jordanie. Pour la bande de Gaza, la politique servait essentiellement à diminuer la pression qui avait augmenté en conséquence de l’accumulation de ceux qui quittaient le lycée par milliers chaque année, mais qui ne pouvaient être absorbés localement par l’éducation ou le marché du travail. Ces diplômés du secondaire posaient une menace sérieuse à Israël, car ils étaient des recrues possibles pour la résistance.

            Sheikh Ahmed Yassine avait plus tôt pensé envoyer certains de ses étudiants en Egypte pour étudier à l’académie militaire égyptienne. L’Egypte permettait aux étudiants palestiniens de Gaza de rejoindre l’académie, mais avec la suspension de l’admission des étudiants palestiniens, seuls ceux qui avaient terminé leurs études secondaires en Egypte même pouvaient bénéficier de ce service. Une jeune recrue des Ikhwan du nom de Moussa Abu Marzouq fut choisi par Sheikh Amed Yassine pour quitter la bande de Gaza et s’installer en Egypte un an avant la fin de ses études secondaires, afin de les y terminer et d’être ainsi éligible à l’entrée dans l’académie militaire. Tout se passa comme prévu jusqu’à peu de temps avant que Abu Marzouq termine ses études secondaires en Egypte, lorsque le gouvernement égyptien annonça une nouvelle régulation permettant à nouveau aux étudiants de Gaza de voyager en Egypte et décernant des bourses d’études aussi bien pour l’éducation de premier et de second cycles. En même temps, cependant, l’Egypte cessa de permettre aux étudiants palestiniens de rejoindre l’académie militaire. Il fut dit à Abu Marzouq qu’il pouvait toujours entrer dans l’académie s’il en faisait la demande à travers l’OLP, une option qu’il préféra ne pas prendre. Au lieu de cela, il rejoignit la faculté d’ingénierie.

            Comme ses pairs des Ikhwan, Moussa Abu Marzouq naquit et fut élevé dans un camp de réfugiés. Il naquit en 1951, dans une tente fournie par les Nations Unies, dans un camp de réfugiés à Rafah. C’était le sixième enfant de sa mère, et le premier à être né en exil, dans une famille qui compta cinq garçons et cinq filles. Après que la Palestine fut de nouveau unie après l’expansion d’Israël à la suite de la guerre de 1967, il visita Yubnah, le village duquel ses parents furent chassés en 1948. Dans le village, à mi-chemin entre Jaffa et Gaza, son frère aîné Mahmoud lui montra les restes de la demeure familiale où ses cinq grands frères étaient nés. Le bâtiment qui avait servi d’école était toujours là, mais il avait été saisi par une association de bienfaisance juive, fournissant des services sociaux aux femmes juives sans-abri. Avant qu’elle ne soit vidée de ses habitants palestiniens, Yubnah avait une population de quinze mille personnes et était l’un des plus grands villages dans la région de Jaffa.

            Lors de son arrivée en Egypte, Abu Marzouq rejoignit un petit cercle des Ikhwan palestiniens sans lien officiel avec l’organisation égyptienne locale des Ikhwan, qui était de toute façon toujours clandestine après la répression de Nasser. Il maintient ses liens avec ce cercle jusqu’à ce que ses autres membres plus âgés aient quitté l’Egypte après avoir terminé leurs études. Ceci coïncida avec l’arrivée en Egypte du premier lot d’étudiants palestiniens des Ikhwan, suite à la reprise de l’admission des étudiants palestiniens par les universités égyptiennes. Le leader du groupe était Abd Al-Aziz Awdah, une des anciennes recrues des Ikhwan et un proche associé de Sheikh Ahmed Yassine. Au début, les étudiants des Ikhwan n’étaient qu’une petite minorité parmi la population totale des étudiants palestiniens. La plupart des sept ou huit cents étudiants arrivant en Egypte chaque année étaient affiliés, ou au moins sympathisaient, avec le camp nationaliste, dirigé par l’OLP. Petit à petit, toutefois, la balance commença à pencher de l’autre côté. Alors que les étudiants des Ikhwan s’accrurent rapidement en ombre, ils avaient besoin d’être organisés. Ils formèrent un comité pour assumer l’administration des affaires des étudiants et pour entretenir la liaison avec la direction à Gaza. Parmi les membres de ce comité se trouvaient Abu Marzouq, Awdah, et un troisième étudiant du nom de Ali Shakshak.

            Les étudiants des Ikhwan palestiniens arrivèrent en Egypte au moment où l’un des chapitres les plus douloureux de l’histoire palestinienne moderne s’ouvrait en Jordanie : ce à quoi les Palestiniens renvoient comme étant le Septembre noir. Ceci était le sommet de la tension grandissante entre le régime hashémite et l’OLP. Pendant plus de trois ans, l’OLP avait augmenté sa présence militaire en Jordanie et l’utilisation du territoire jordanien pour lancer des attaques contre Israël. La pression s’était élevée sur le roi Hussein, non pas seulement des Etats-Unis et d’Israël, mais aussi de cercles au sein de son propre régime, pour agir contre l’OLP, qui était vue comme construisant un Etat dans l’Etat et qui était ainsi perçue comme une menace pour le trône hashémite. Les événements ont atteint leur point d’ébullition le 6 septembre 1970 avec le détournement de quatre avions de passagers par des membres du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP), un membre constituant de gauche de l’OLP. Ceux qui détournèrent les avions firent atterrir trois des avions sur le terrain de Dawson en Jordanie, un aérodrome abandonné contrôlé par l’OLP non loin de la capitale jordanienne Amman, et un au Caire. Alors que les passagers et l’équipage s’échappèrent sans blessés, les avions furent explosés. Au cours de septembre, l’armée jordanienne continua ses opérations pour pousser l’OLP à l’extérieur de la Jordanie. Des milliers de combattants de la résistance de l’OLP, des soldats jordaniens et des civils furent tués, bien que les véritables chiffres soient encore contestés. Les forces de l’OLP se retirèrent au début au nord de la Jordanie, mais en dix mois, ils furent complètement chassés du pays. N’ayant nulle part où aller, ils se réinstallèrent au Liban. Cet épisode noir et coûteux prouva une fois encore que la vision de Sheikh Yassine était précise. Il avait toujours redouté les conséquences si l’on forçait les régimes faibles, non préparés et non volontaires, à une confrontation avec Israël. Le simple fait de la présence de l’OLP en Jordanie, sans même regarder les excès qu’elle commit et ses violations de la souveraineté jordanienne, plaçait inévitablement le régime hashémite sur une voie de conflit avec Israël.

            Le destin de l’OLP en Jordanie domina les discussions au sein des étudiants palestiniens en Egypte. Les événements de septembre approfondirent la division parmi les Palestiniens, en deux camps distincts. Les nationalistes, qui étaient affiliés à l’OLP, dénonçaient totalement la Jordanie pour le problème. Pendant ce temps, les islamistes, qui étaient pour la plupart affiliés aux Ikhwan, étaient plus philosophiques dans leur analyse, distribuant le blâme de manière équitable entre le régime jordanien et l’OLP. Il semble que les événements renforcèrent la conviction des islamistes que leur priorité devait être la réforme du système politique arabe et l’établissement d’un Etat islamique fort et indépendant capable de diriger le combat de libération contre Israël.

            Simultanément, l’Egypte était aussi en crise. Gamal Abd Al-Nasser, l’image de père de la nation autoproclamé, mourut le 29 décembre 1970. Son administration autocratique avait persévéré depuis que lui et ses camarades Officiers Libres firent tomber la monarchie en juillet 1952. Bien que l’écrasante défaite que son régime subit lors de la guerre avec Israël en 1967 l’avait affaibli, le poussant à faire un certain nombre de concessions aux mouvements étudiants et travaillistes d’Egypte, ce n’est pas avant sa mort que des formes tangibles d’opposition firent leur apparition. L’ère post-Nasser vit des forces laïques communistes et socialistes céder le pas pour une tendance islamique se répandant rapidement, qui se manifesta tout d’abord dans des campus universitaires. Les politiques adoptées par le collègue et successeur de Nasser, Anwar Al-Sadar, ont pu aider cette tendance. Se nommant “Le Président Croyant”, Sadat écarta la position laïque, socialiste et nationaliste de son prédécesseur, se jetant au lieu de cela dans le bercail de l’islam, sur lequel il construisit son image et basa sa revendication à une légitimité politique. L’arrivée des étudiants palestiniens en Egypte coïncidait avec ces changements significatifs, qui entraînèrent entre autres le retrait de certaines restrictions sur l’activisme estudiantin.

Hamas: son histoire de l'intérieur (7)
Hamas: son histoire de l'intérieur (9)

Traduction réalisée par le Centre Palestinien d’Information (CPI)



Source : CPI
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