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Centre Palestinien
d'Information
Hamas : son histoire de l'intérieur (53)
Photo CPI
Lundi 9 novembre 2009
Dr. Azzam Tamimi
L’ouvrage
Hamas : Son histoire de l’intérieur
de Dr. Azzam Tamimi s’inscrit dans
une volonté de montrer au monde la vision du mouvement du
Hamas et d’expliquer ainsi son développement. Le département
français du Centre Palestinien d’Information (CPI) a donc
jugé intéressant d’en présenter ici la traduction complète,
diffusée régulièrement en de nombreuses parties.
L’idéologie de libération du
Hamas (2)
Qu’est-ce qui ne va pas avec la charte du
Hamas ?
La charte actuelle est écrite dans un langage qui ne touche plus
les musulmans instruits. Il se peut qu’elle fût un obstacle
majeur pour les efforts du Hamas à gagner le soutien des
musulmans laïcs et des non-musulmans pro-palestiniens.. Son
langage et ses idées son caractéristiques du discours
prédominant des Ihwan à l’époque où la charte fut écrite, non
seulement en Palestine, mais ailleurs dans le monde. Les Ikhwan
avaient progressé depuis lors, mais la charte était restée
inchangée. Aujourd’hui, la charte donne l’impression que son
auteur l’écrivit au profit de son propre cercle immédiat de
fidèles, plutôt que pour le public dans son ensemble. On pense
que l’auteur de la charte fut Abd Al-Fattah Dukhan, un de sept
fondateurs du Hamas et un leader des Ikhwan palestiniens pendant
une longue période. Il agit souvent en commandant en second à
Sheikh Ahmad Yassine. Au moment de l’établissement du Hamas et
de la publication de la charte, il était le leader des Ikhwan à
Gza, dans une période où Sheikh Ahmad Yassine n’avait pas encore
repris ses responsabilités de commandant après sa libération de
détention dans l’échange de prisonniers ne mai 1985.
La charte ressemble en fait davantage à une circulaire interne.
Elle fut critiquée de l’intérieur même du Hamas, n’ayant pas le
ton d’un document officiel, un ton approprié pour l’introduction
des idées du Hamas au monde. Tous les membres du mouvement, à
l’époque, ne pensaient pas qu’il était nécessairement une bonne
idée de publier une charte, bien qu’ils n’eussent pas forcément
d’objection à son langage ou son contenu. Après rétrospection,
il semble que la publication de la charte du Hamas fit partie du
processus en cours de compétition avec l’OLP. La charte de l’OLP
était totalement laïque, et ne reflétait donc pas l’identité
islamique du peuple palestinien ou de sa cause.
De nombreux leaders du Hamas reconnaissent maintenant que les
positions essentielles et fondamentales exprimées dans la charte
pourraient être exprimées dans un langage plus universel qui
toucherait les musulmans ainsi que les non-musulmans. Au lieu de
justifier ses déclarations dans des termes religieux, qui ont
peu de sens pour ceux qui ne partagent pas la même foi ou la
même vision, une nouvelle charte devrait renvoyer à la base
historique de la cause palestinienne. Elle devrait donner un
récit succinct de l’histoire du conflit palestinien. Elle
devrait tracer les racines du problème pour les remonter en
Europe au XIXème siècle, montrant combien les
Palestiniens sont les victimes du plan européen conçu plus d’un
siècle auparavant pour résoudre le problème juif de l’Europe.
Cela fut fait aux dépends des Palestiniens avec la création
d’une patrie pour le “peuple juif” en Palestine. Un tel argument
serait plus acceptable dans le monde que l’idée que la Palestine
est un waqf (héritage) « consacré aux générations
musulmanes futures jusqu’au jour du jugement ». Comme l’article
11 de la charte l’explique, les terres conquises par les
musulmans du temps du second calife Omar et par la suite furent
toutes qualifiées de waqf afin qu’elles ne soient pas
distribuées aux troupes conquérantes. La même considération
s’applique également à l’Irak, la Perse, l’Egypte, l’Afrique du
Nord et même l’Espagne. La référence à cette question dans la
charte était destinée à condamner ceux qui voulaient abandonner
une partie de la Palestine aux Israéliens dans un accord de
paix. Telle est la logique derrière le passage : « Il n’est pas
permis de la concéder ou d’en laisser une partie ou de
l’abandonner ou d’en abandonner une partie ; aucun Etat arabe ni
même tous les Etats arabes ensemble, ni même un roi ni même un
président, ni tous les rois et présidents réunis, ni une
organisation ni toutes les organisations réunies, qu’ils soient
palestiniens ou arabes, n’ont ce droit. Ceci car la terre de
Palestine est un waqf (héritage) islamique, une
propriété consacrée aux générations de musulmans jusqu’au jour
de la résurrection ; et qui peut se permettre de parler pour
toutes les générations musulmanes jusqu’au jour de la
résurrection ? ». Il est largement accepté aujourd’hui, au sein
du Hamas, que ceci est une affaire relevant strictement de la
jurisprudence islamique, et que la charte n’est pas le meilleur
endroit pour en parler.
Cependant, le plus grand problème soulevé par la charte repose
dans son traitement des juifs. Une partie de la difficulté ici
présente est celle du langage employé. La Palestinien ordinaire
fait référence aux Israéliens avec le terme “yahud”,
qui est tout simplement le terme arabe pour “juifs”. Des termes
comme “Sioniste” ou “Israélien” figurent surtout dans des écrits
et conversations d’une élite qui a reçu une éducation laïque.
Ils ne sont pas courants dans le vocabulaire de l’homme
ordinaire, et jusqu’à récemment, ils étaient aussi absents du
discours islamique. Lorsque les textes arabes parlant des
Israéliens avec le terme “yahud” sont traduits dans des
langues européennes, ils peuvent en effet sembler être
anti-sémites.
Dans sa série de témoignages diffusés sur Al-Jazeera entre le 17
avril et le 5 juin 1999, Sheikh Yassine parle des Israéliens en
employant parfois l’expression “al-isra’iliyun” (les
Israéliens), et en employant l’expression “al-yahud”
(les juifs) à d’autres moments. Dans le second épisode du
témoignage, diffusé le 24 avril 1999, il parla comme suit :
« Les Israéliens traitent généralement le peuple palestinien
individuellement et non pas collectivement. Même dans les
prisons, ils n’accepteraient pas de traiter les Palestiniens
autre qu’individuellement. Cependant, nous leur avons imposé
notre choix et avons refusé de traiter avec eux si ce n’est à
travers une direction élue par les [prisonniers] palestiniens
pour faire face aux juifs et résoudre les problèmes avec eux ».
La plupart des Palestiniens et des Arabes emploient
inconsciemment un langage similaire. Leah Tsemel, une avocate
israélienne qui défend les Palestiniens dans les cours
israéliennes depuis quelque trente ans, note que ses clients
qualifient habituellement les soldats ou les colons avec
l’expression “al-yahud” (les juifs). Ils se plaignent
pas exemple que « al-yahud [les juifs] ont pris ma
carte d’identité, ou qu’« al-yahud [les juifs] m’ont
frappé », ou « al-yahud [les juifs] » ont détruit ceci
ou cela. Elle exprime de l’inquiétude sur la façon dont Israël,
dans l’esprit de ses victimes palestiniennes, est identifiée
avec tous les juifs du monde, et elle craint qu’en conséquence,
tous les juifs du monde peuvent être vus comme des soldats et
des colons.
Ce problème n’est pas limité à la Palestine. Le même phénomène
existe à travers la région, où les juifs vécurent un temps en
grand nombre, mais d’où, à quelques exceptions près, ils
partirent depuis longtemps. Après la création de l’Etat d’Israël
en 1948, les juifs habitant dans divers pays arabes furent
appelés à venir dans la nouvelle entité juive, qui, ayant
expulsé près d’un million de Palestiniens, avait grandement
besoin de population. Les juifs d’Irak, du Yémen et du Maroc
fournirent une source de main-d’œuvre peu chère, travaillant et
accomplissant des fonctions que les Ashkénazes (juifs européens)
ne voulaient pas faire eux-mêmes. Les Ashkenazim présidèrent le
projet colonial sioniste en Palestine et se posèrent comme
citoyen de première classe pour l’Etat juif récemment fondé, à
l’opposé des Sépharades ou des juifs orientaux (Mizhari) qui
venaient des pays arabes.
Hamas: son histoire de
l'intérieur (52)
Hamas: son histoire de
l'intérieur (54)
Traduction réalisée
par le Centre
Palestinien d’Information (CPI)
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