Entretien de
Mikhaïl Gamandiy-Egorov
Damas et la résistance de
la Syrie Ba’athiste (1)
Luc Michel
© Crédit
photo : EODE TV
Jeudi 24 juillet 2014
Aujourd’hui,
nous nous entretenons de nouveau et
depuis Bruxelles avec Luc Michel, grand
spécialiste de la géopolitique et
notamment de la Libye, qui revient de
voyages à Damas, où il a été
l’organisateur d’une mission
d’observation aux élections
présidentielles syriennes, ainsi que de
Malabo, la capitale de la Guinée
équatoriale, où il était l’invité
vedette de quatre grandes émissions
spéciales de la RTVGE
(télévision d’Etat équato-guinéenne).
La Voix de la
Russie : Luc Michel, bonjour de
nouveau ! Vous revenez de Syrie et de
Guinée équatoriale. Pourriez-vous nous
parler de vos missions dans ces deux
pays ?
Luc Michel : Je
suis allé en Syrie et au Liban du 1er au
13 juin avec une mission d’EODE, notre
Ong « Eurasian Observatory for Democracy
and Elections », pour le monitoring de
l’élection présidentielle en Syrie. Mais
j’étais aussi là-bas avec une équipe
vidéo d’EODE-TV pour réaliser en
partenariat avec AFRIQUE MEDIA TV
une série de reportages et d’interviews
sur la situation en Syrie, telle qu’elle
est réellement et pour démonter les
médiamensonges des journalistes
occidentaux. J’ai notamment réalisé deux
entretiens avec le président (speaker)
du Parlement syrien et l’Ambassadeur de
Syrie au Liban.
J’ai en effet
démarré un nouveau secteur d’activités –
une vie de plus – dans le domaine de la
Télévision. Avec nos deux structures
EODE-TV et PCN-TV et en
partenariat avec AFRIQUE MEDIA TV,
la plus grande des télévisions
panafricaines. En particulier, je
produis maintenant des émissions TV.
Je suis allé aussi
à Malabo, Guinée Equatoriale, du 23 au
30 juin 2014, pour le XXIIIe Sommet de
l'Union Africaine, avec deux équipes de
Télévision - AFRIQUE MEDIA TV et
EODE-TV. Occasion aussi de
contacts et de rencontres de haut niveau
pour développer mes réseaux
panafricains. A l’invitation de la
RTVGE, la TV d’Etat
équato-guinéenne. J’ai aussi réalisé une
série de reportages et d’analyses
exclusives.
Je défends
l’héritage de la Jamahiriya et je suis
aussi un leader panafricaniste de plus
en plus suivi sur tout le continent
noir. J’ai été par ailleurs l'invité de
4 émissions spéciales – « Especial XXIII
Cumbre de la Union Africa, 2014. Luces y
Sombras de la Union Africana » - de la
télévision d'Etat, la RTVGE, où
j’ai pu développer mes positions
géopolitiques devant un public
enthousiaste. Le principal mensuel
guinéo-équatorien, La Semenia de Guinea
Ecuatorial, a également mentionné mes
thèses en éditorial.
LVdlR : Parlons
d’abord de la Syrie. Quelle est la
situation qui prévaut à Damas et dans le
reste du pays d’après ce que vous avez
pu voir ?
Luc Michel : La
situation à Damas et en Syrie, alors que
Bachar Al-Assad vient de gagner le pari
de la présidentielle contre les
manouvres des Occidentaux, est bien
différente de l’image que donnent les
médias occidentaux de la réalité
syrienne Il y a une guerre médiatique
pugnace et vicieuse contre Damas. Les
occidentaux, et singulièrement les
politiciens de l’Union Européenne, n’ont
que les mots de « tolérance et
multiculturalité » à la bouche. Mais ils
veulent détruire ce même modèle de
société ouverte en Syrie ba’athiste, qui
en est le modèle. La Syrie ba’athiste
est une société ouverte, un Etat
multi-religieux, multiculturel et
pluriethnique. Où est née notre
civilisation …
Il y a une grande
symbiose entre l’Etat syrien, le peuple
syrien et l’Armée arabe syrienne. Comme
l’ont révélé les images chocs de la
méga-fête des partisans du président
Assad à Damas le 4 juin au soir. Cette
symbiose est la clé de la résistance
efficace du président Assad à
l’agression impérialiste
LVdlR : Le fait
que les terroristes wahhabites,
notamment de l’EIIL, se concentrent
désormais majoritairement sur l’Irak
voisin, signifie que les forces de
l’Armée arabe syrienne aient libéré en
grande majorité le pays ? Ou des foyers
sérieux de tension subsistent ?
Luc Michel : Les
élections se sont déroulées dans toutes
les grandes villes syriennes, à
l'exception de Raqa, ville martyre
entièrement tenue par les djihadistes
ultra-radicaux de l'Etat islamique
d'Irak et du Levant (EIIL), où la
population vit un long calvaire. Le
scrutin a été organisé dans 50 % du
territoire, où vivent 70 % de la
population. Les différentes factions
islamistes et celles de la pseudo ASL
contrôlent, outre Raqa, les zones
désertiques du nord-est vers la Jordanie
et l’Irak, précisément. Homs et Alep
sont en cours de nettoyage complet.
Après que l’ait été le Rif de Damas et
les villes de la frontière libanaise,
al-Qusseir et Qalamoun.Mais la Syrie, en
dehors de Damas, où la vie est normale,
est un pays détruit, qui attend sa
reconstruction.
LVdlR : Comment
avez-vous vécu les élections
présidentielles en Syrie ? Et quelles
sont les perspectives du pays pour les
prochaines années à venir ?
L’élection, à Damas
où notre mission était déployée, s’est
faite dans le calme et la bonne
organisation. Mais ensuite ce furent des
heures extraordinaires, avec une fête de
rues de toute la population toute la
soirée et la nuit des 4-5 juin.
Le président syrien
Bachar al-Assad, qui a remporté la
présidentielle du 3 juin, est convaincu
d'avoir sauvé sa Syrie ba’athiste face à
une rébellion et à des pays occidentaux
comme arabes – qui ont organisé et
financé cette même rébellion - exigeant
son départ. Il est persuadé que malgré
la houle, il est le seul chef d'Etat
arabe à être resté à la barre et il a
voulu montrer en organisant ce scrutin
en temps et en heure (son mandat se
terminait en juillet) qu'il est le
garant des institutions que ses
adversaires veulent détruire. Face à une
révolte organisée par les Occidentaux en
mars 2011 dans le sillage du scénario US
dit du « Printemps arabe », celui qui
était un "moderniste" a du mener une
guerre épuisante sur tous les fronts. Au
fil de cette révolte qui s'est
complètement militarisée, et qui a aussi
débouché sur un terrorisme sanglant
importé de l’étranger, faisant plus
162.000 morts, son caractère fort s'est
affirmé. Secrétaire-général du Ba’ath,
le Parti de la renaissance arabe, il
voit la révolte comme un complot ourdi
par l'Occident et les pays du Golfe pour
briser la "chaîne de la résistance"
contre Israël, dont il est l’un des
maillons essentiels.
Il est clair qu'il
a consolidé sa position et que ces
élections ont eu lieu pour démontrer
qu'il tient bien les régions sous son
contrôle. Bachar voulait prouver qu'il
est l'alternative politique et qu'il est
capable de rétablir l'ordre et la
légalité. Et il a gagné son pari. Cette
élection, théoriquement la première
depuis plus d'un demi-siècle, a été
qualifiée de "farce" par l'opposition et
l'Occident – les mêmes qui ont avalisé
la comédie des élections afghanes et
libyennes, et le théâtre électoral de
Kiev -, et critiquée par le secrétaire
général de l'ONU, dont on connaît le
tropisme occidental.
LVdlR : Il y a
eu aussi un tournant au niveau des
réfugiés syriens, qui ont fui la guerre,
et qui se comptent par millions ?
Luc Michel : Effectivement
! Les réfugiés syriens étaient censés
être des anti-Assad pour les
Occidentaux. Alors qu’ils ont fui la
guerre et pas le gouvernement Assad.
Dans de nombreux pays, ils sont venus
massivement voter Assad, sans contrainte
évidemment. Devant cette gifle annoncée
aux Occidentaux, la France, l’Allemagne
et la Belgique, mais aussi la Tunisie,
ont interdit le vote dans leur pays,
paniquant devant ce qui était
incontestablement un plébiscite pour
Assad.
Ainsi, Beyrouth a
vécu au rythme de l'élection
présidentielle syrienne le mercredi 28
mai, journée consacrée au vote des
Syriens installés à l'étranger. Dans un
phénomène – inattendu dit la presse
libanaise -, des milliers de
ressortissants syriens ont afflué vers
l'ambassade de leur pays, à Yarzé, au
sud-est de la capitale libanaise,
provoquant un embouteillage monstre, qui
a totalement bloqué la circulation
(selon RFI).
LVdlR : Est-ce
la situation militaire où Assad semble
l’emporter qui a permis ce tournant
politique ?
Luc MICHEL : Ce
scrutin, dénoncé par l'Occident et des
pays arabes qui organisent directement
la guerre en Syrie, mais appuyé par
Moscou et Téhéran, alliés indéfectibles
de Damas, a eu lieu effectivement dans
une situation militaire plutôt favorable
à Damas. Le pouvoir peut aussi se
féliciter de la guerre intestine
sanglante opposant dans certaines
régions l'EIIL au Front al-Nosra,
branche syrienne d'Al-Qaïda, ex-alliés
dans le combat auprès de la rébellion
syrienne.
Sans oublier la
rupture intervenue entre ASL et
djihadistes (alors alliés) et les forces
d’auto-défense kurdes du PYD dès avril
2013. Et celle entre ASL et djihadistes
radicaux. Le président syrien a démontré
que cette consultation arrivait au bon
moment, en expliquant qu'il y a « un
tournant dans la crise au niveau
militaire ainsi qu'au niveau politique
», avec notamment des accords
sécuritaires ponctuels entre rebelles
non-djihadistes et l’armée.
LVdlR : Derrière
la victoire et la résistance d’Assad,
vous avez dit qu’il y avait la solidité
des “alliances géopolitiques
traditionnelles” de la Syrie ba’athiste
?
Luc MICHEL : Oui,
c’est la clé de la solidité de la Syrie
ba’athiste. Bachar al-Assad a suivi les
traces de son père. Il s'est appuyé sur
les alliances nouées par le général
Hafez avec la Russie (alors l’URSS) dès
les années 1970, avec l'Iran dans les
années 1980, et avec le puissant
mouvement chiite libanais Hezbollah.
Aujourd'hui, il récolte les fruits de
ces alliances.
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