mai 2002
Plus les opérations
militaires israéliennes se font violentes, plus la cote de
confiance du Premier ministre Sharon augmente dans les sondages. Une
kyrielle d'associations résiste toutefois, et se coordonne. Pour
une cohabitation avec les Palestiniens basée sur l'égalité et la
justice.
Pas un seul jour sans
effusions de sang. Pas un seul jour sans maisons palestiniennes détruites.
Sans civils tués, sans cris, sans guerre. Cette situation,
plusieurs organisations israéliennes la dénoncent. Pour la
plupart, elles ne sont pas nouvelles, mais s'étaient quelque peu
endormies dans l'euphorie des accords de paix d'Oslo, en 1993.
La plus ancienne, Shalom
Akhshav (La Paix Maintenant) existe depuis plus de vingt ans. Très
proche du Parti travailliste israélien, elle a organisé, depuis sa
création en 1978, des manifestations rassemblant jusqu'à plusieurs
dizaines de milliers de personnes. C'est ainsi qu'elle a joué un rôle
très important dans les accords d'Oslo. Le coup de massue, elle l'a
reçu en février 2001. Date de l'effondrement du Parti travailliste
aux élections et de son entrée dans le gouvernement d'union
nationale d'Ariel Sharon. La crise qu'a traversée la gauche à ce
moment et le manque de cohésion dans le mouvement ont bien failli
être fatals à l'association. Malgré tout, depuis quelques mois,
les quelques centaines de membres Shalom Akhshav ont repris du poil
de la bête. Et dénoncent l'attitude peu constructive du
gouvernement qui se réfugie derrière l'impossibilité juridique de
dénoncer les contrats conclus pour l'équipement des colonies illégales.
Actuellement, ils organisent au moins trois manifestations par
semaine: devant le bureau de Sharon à Jérusalem, en face du Ministère
de la Défense à Tel-Aviv et à Haïfa.
Dans un appel qui prend en
compte tant l'ambition nationale des Palestiniens que les angoisses
des Israéliens, Shalom Akhshav réclame «l'évacuation des
colonies de peuplement et une solution aux problèmes des réfugiés
de 1948 qui ne devra pas mettre en danger le caractère juif de l'Etat
d'Israël». Cet appel, relayé par une antenne parisienne, a reçu
le soutien de signataires français tels qu'Alain Finkielkraut,
Pierre-André Taguieff ou Elisabeth Badinter.
«Nous disons à Sharon que sa
politique est dangereuse d'un point de vue militaire, mais aussi
d'un point de vue moral. La poursuite de l'occupation nous corrompt
de l'intérieur. Elle sape les fondements de la démocratie. On ne
peut pas impunément imposer son pouvoir à trois millions de
Palestiniens», clame le porte-parole de La Paix Maintenant, Didi
Menez. Son mouvement propose un plan de paix original et réaliste
basé sur l'avènement de deux Etats, avec Jérusalem comme capitale
commune. «Il faudrait mettre sur pied un véritable mécanisme de réconciliation,
de véritable coexistence entre les deux peuples. C'est cela qui a
manqué jusqu'à présent» estime Zeev Sternhell, politologue célèbre
et membre de La Paix Maintenant.
Sabotage des actions
destructrices de l'armée israélienne
«Aujourd'hui commence le
compte à rebours de la prochaine guerre.» Voici le texte d'un
grand encart publicitaire paru dans plusieurs journaux à grand
tirage le jour de la formation du gouvernement Sharon-Peres.
L'auteur? Gush Shalom, le Bloc de la paix. La formation - qui
insiste pour se dire non concurrente de Shalom Arshav - est née il
y a neuf ans. En plein hiver, 400 Palestiniens, membres du Hamas,
avaient été déportés sur les hauteurs du Liban. Quelques
militants israéliens, dont le fondateur de l'association et ancien
membre de la Knesset Uri Avnery, leur avaient porté secours, sur
les collines enneigées où seules des tentes les protégeaient.
Depuis, Gush Shalom a grandi.
Ses militants, particulièrement actifs, consacrent une grande
partie de leur temps à agir sur le terrain. Ils se rendent dans les
cliniques des Territoires pour y donner leur sang. Histoire de
montrer que les relations entre les deux peuples peuvent aussi être
porteuses de vie et non de mort. Régulièrement, ils reconstruisent
les maisons détruites ou comblent les tranchées creusées par
l'armée (Tsahal) pour isoler les villages palestiniens. Quand les
colons empêchent les Palestiniens d'accéder à leurs champs, ils
vont récolter les olives à leur place. En dehors de ces actions
coup-de-poing et de campagnes de sensibilisation, ses membres
analysent la situation politique. Pour ces Israéliens, la seule
voie possible vers la sécurité d'Israël passe par le retour aux
frontières de 1967. Chaque vendredi, ils publient un texte dans le
quotidien israélien Ha'Aretz. Un message qui donne le rythme à
l'ensemble du camp de la paix.
Devant les maisons,
les tribunaux, la Knesset
Toutes ces organisations
issues de la société civile s'opposent à Sharon en avançant des
analyses, des solutions, des plans de paix. Parallèlement, d'autres
groupes, plus restreints, combattent la politique du gouvernement
sur des points plus précis. Le Comité Israélien contres les Démolitions
de Maisons tente de s'interposer systématiquement entre les
habitations palestiniennes et les bulldozers de l'armée israélienne.
Le Centre d'Aide Juridique conteste devant les tribunaux la légalité
de la construction des colonies et des routes qui les relient entre
elles. L'association B'Tselem œuvre à l'éducation aux Droits de
l'Homme auprès de la population israélienne et des députés de la
Knesset... Les associations pacifistes israéliennes sont tellement
nombreuses qu'il est impossible de les citer toutes ici. Au fil du
temps, elles ont tissé des liens de par le monde, avec d'autres
organisations qui militent pour la paix au Proche-Orient. Régulièrement,
elles guident les militants occidentaux en visite sur place. Elles
ont compris que la visite de parlementaires ou de leaders syndicaux
tels que José Bové (porte-parole de la Confédération Paysanne)
pouvaient donner un formidable écho à leur combat. Et assurer le réveil
des responsables politiques internationaux.
Karim Majoros
Ce texte est extrait d'un mémoire
sur le conflit israélo-palestinien, intitulé « Ceux
qui critiquent Sharon. De Jérusalem à Bruxelles ».
Ce mémoire peut être téléchargé
au format PDF (nécessite Adobe Acrobat)
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