Christian Science Monitor
15 janvier 2004
Titre anglais : Activist
Rabbi faces trial in Israel
http://www.csmonitor.com/2004/0115/p06s02-wome.html
Jérusalem
- Pour le procureur de
l'État, Arik Ascherman est un criminel, mais pour le palestinien
Bassam Kiswani, il est le «plus gentil des rabbins».
Ascherman, un
immigrant d'Erie, PA, est le directeur des «Rabbins pour les Droits
Humains», une organisation de 90 rabbins, presque tous des
immigrants de pays occidentaux qui font ressortir les violations des
droits humains, habituellement envers les Palestiniens, aux yeux du
public israélien et des autorités. C'est quelquefois un travail
très impopulaire dans une société qui se considère comme étant
en guerre pour survivre et où les rabbins sont souvent identifiés
comme ayant des attitudes de faucons de droite.
Ascherman,
accompagné par deux autres accusés, est passé en jugement
mercredi pour avoir contrecarré la police lors des démolitions de
deux maisons palestiniennes l'année dernière. Dans un des cas, il
a bloqué un bulldozer et dans l'autre cas, il a refusé de
descendre du toit d'une maison menacée de destruction. Les maisons
ont été détruites sous prétexte qu'elles avaient été
construites sans permis.
D'anciens officiels
municipaux admettent que beaucoup de Palestiniens sont obligés de
construire illégalement parce que la ville leur refuse la
possibilité d'obtenir des permis suite à la politique visant à
maintenir une supériorité démographique juive à Jérusalem.
M. Kiswani raconte
qu'il a investi environ 80.000 euros dans la construction de sa
maison malgré le fait que le permis lui avait été refusé, et
qu'il y a vécu deux années avant que sa famille et lui (12
membres) ne deviennent des sans abri quand la police a traîné
Ascherman au loin et fini la démolition. «Je l'ai vu défendre
ma maison», dit Kiswani à l'extérieur du tribunal.
Le procès est le
point culminant de l'activisme de dix années pour Ascherman, qui
s'inspire de la Bible, du philosophe juif Abraham Joshua Heschel et
de Martin Luther King Jr. Ascherman et d'autres activistes
accompagnent les Palestiniens chaque automne quand ils récoltent
les olives, afin de décourager les colons de Cisjordanie d'attaquer
les fermiers. Il essaye d'aider les Palestiniens qui ont besoin de
soins médicaux à passer les check-points rapidement. Son groupe se
bat également contre les réductions budgétaires du gouvernement
qui touchent durement les pauvres d'Israël. Mais ceux qui le
critiquent disent que son universalisme le mène trop loin et qu'il
néglige l'autodéfense et les autres droits des Juifs israéliens.
Assis dans son
bureau, ce grand et maigre universitaire de Harvard explique que la
place primordiale qu'il accorde aux droits humains vient
principalement du chapitre 1 verset 27 de la Genèse qui dit que «Dieu
a crée l'homme à son image, à l'image de Dieu, il l'a créé».
Il met l'accent aussi
sur le verset 33 du Lévitique qui souligne l'exigence de ne pas
maltraiter l'étranger, et le verset 35 qui exclut le jugement à
double standard.
Ascherman dit que la
politique de démolition d'Israël enfreint cela et qu'il espère
que son procès mettra en lumière les actions du gouvernement aux
yeux du public. «Tout ce qui est légal n'est forcément juste et
c'est cela la signification de la désobéissance civile», dit
Ascherman. «La politique de démolition piétine la Torah, et
c'est mon devoir en tant que rabbin de la défendre.»
Heschel, un opposant
à la guerre du Vietnam, a enseigné que «dans une société
libre, certains sont coupables mais tous sont responsables»,
souligne Ascherman. «Le principe est que si la loi est injuste,
tu la défies en dernier recours», dit Ascherman. «Il est
plus conflictuel de faire face à un bulldozer que d'être assis à
un comptoir pour déjeuner, et certaines choses qu'a faites Martin
Luther King Jr sont devenues aussi conflictuelles.»
Le procureur d'État
Shlomit Landes a peu de patience envers les arguments d'Ascherman. «Ce
procès n'est pas le lieu pour débattre de la question de la
discrimination», dit-elle. «Ils (les accusés) peuvent
se retourner vers le système politique pour cela. Ils ont
interféré avec la police.» Plus de 300 rabbins ont signé
une pétition pour que les accusations soient abandonnées et que
les démolitions soient arrêtées.
Mais à l'intérieur
d'Israël, beaucoup de personnes critiquent Ascherman, y compris
plusieurs rabbins qui ont quitté «Rabbis for Human Rights», sous
prétexte qu'il est touché par les violations des droits humains
des Palestiniens mais inattentif aux préoccupations israéliennes.
«Le
problème n'est pas seulement les bulldozers israéliens, c'est
aussi les kamikazes palestiniens et la haine qu'ils apprennent à
l'école», dit le rabbin
philosophe de Jérusalem, David Hartmann. «Ils devraient
protester contre les sermons dans les mosquées qui diabolisent les
Juifs.»
«L'occupation
n'est pas quelque chose d'abstrait»,
ajoute-t-il. «Il y a la réalité de la guerre et cette
réalité n'a pas été abandonnée par les Palestiniens. Ils sont
toujours en conflit armé contre nous. C'est une guerre terroriste.
L'occupation vient de la nécessité d'essayer de protéger des vies
humaines. C'est une tentative pour mettre en valeur la dignité de
l'homme. Je me préoccupe aussi de la vie des Israéliens et cela
concerne aussi la dignité de l'homme. C'est une énorme perversion
que de considérer l'agresseur ennemi comme une victime.»
Ben
Lynfield
Traduit de l'anglais par
Ana Cleja
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