Août 2002
Dans le conflit du
Proche-Orient, qui depuis près de deux ans fait bien souvent la «une»
des journaux, il est un acteur largement ignoré par les médias, méconnu
du public, et dont pourtant la présence et les activités
multiformes méritent d'être mises en relief: le Camp de la Paix
israélien. Minoritaires certes au sein de leur société, mais
convaincus, dynamiques et courageux, les militants pacifistes israéliens
se répartissent entre des mouvements multiples dont nous citerons
ici quelques-uns des plus importants.
Le plus connu de ces
mouvements est sans conteste «La Paix Maintenant»
(Shalom Akhshav). Fondé en 1978, proche de la
gauche parlementaire, il s'était manifesté notamment avec vigueur
à la suite de l'invasion du Liban déclenchée en juin 1982 par le
gouvernement Begin-Sharon. Il s'était alors montré capable de
faire sortir dans la rue des dizaines, voire des centaines, de
milliers de personnes pour protester contre la guerre. Très actif
encore au moment de la première Intifada (1987-1993), durant
laquelle il avait inlassablement mené campagne sur le thème «Il
faut parler à l'OLP maintenant», il allait ralentir son action après
les accords d'Oslo (septembre 1993). Cette relative passivité
s'explique sans doute par ses liens avec le parti travailliste (au
pouvoir durant la majeure partie de la période 1993-2000), ainsi
que par le sentiment, fort répandu dans la gauche israélienne, que
désormais «tout était réglé». Il faut dire cependant que «La
Paix Maintenant» n'a jamais cessé de surveiller et de dénoncer
l'expansion des implantations israéliennes dans les Territoires
occupés.
Après le déclenchement
de la seconde Intifada (fin septembre 2000), ce fut surtout l'élection
de Sharon comme Premier Ministre en février 2001 qui eut pour effet
de provoquer un réveil de ce mouvement, l'amenant à multiplier désormais
ses manifestations contre la politique gouvernementale. En
particulier, «La Paix Maintenant» organise régulièrement depuis
la fin de l'année dernière, chaque samedi soir, des rassemblements
de protestataires dans les principales villes israéliennes
(Tel-Aviv, Jérusalem, Haifa, Beer-Sheva et plus récemment Kfar
Saba); par ailleurs, durant chaque week-end, ses militants occupent
une vingtaine de carrefours routiers à travers tout le pays,
brandissant des pancartes et distribuant des tracts. Le point
culminant de ses activités récentes a été le rassemblement du 11
mai dernier sur la place Rabin à Tel-Aviv, qui a regroupé 60.000
manifestants selon la police, voire près de 150.000 selon les
organisateurs; certains ont estimé que c'est cette manifestation
qui avait dissuadé à l'époque le gouvernement de donner suite à
son projet d'invasion de la Bande de Gaza.
Récemment, «La Paix
Maintenant» a pris l'initiative d'un regroupement de divers
mouvements de gauche (incluant notamment le parti Meretz
dirigé par Yossi Sarid, les «colombes»
travaillistes animées par Yossi Beilin et un petit
parti d'immigrants russes appelé «Choix Démocratique»)
sous le titre de «Coalition pour la Paix».
C'est en particulier Gush
Shalom (le «Bloc de la Paix») qui allait
reprendre le flambeau durant les années où Shalom Akhshav s'était
quelque peu effacé. Fondé vers la fin de la première Intifada,
Gush Shalom est devenu le fer de lance de toute la gauche radicale
en Israël. Il est animé par le vétéran pacifiste Uri
Avnery qui avait prôné le rapprochement judéo-arabe dès
les années cinquante et qui avait fondé en 1976, avec le regretté
général Matti Peled et quelques autres
personnalités, le «Conseil israélien pour la Paix israélo-palestinienne»
(dont le bulletin trimestriel intitulé «The Other
Israel» continue à fournir, jusqu'à ce jour, des
informations précieuses sur les événements d'Israël et sur
l'ensemble des activités du Camp de la Paix).
Le «Bloc de la Paix»
ne se contente pas de prendre sans relâche l'initiative de
manifestations, se déroulant dans les principaux centres d'Israël,
contre la politique gouvernementale et la répression dans les
Territoires occupés, ainsi que de s'associer à toutes celles
organisées par «La Paix Maintenant». Il ne cesse de participer,
avec d'autres mouvements d'orientation similaire, à des actions menées
sur le terrain, dans les Territoires palestiniens. Citons à titre
d'exemples: en novembre 2000, la visite effectuée par ses militants
au village palestinien d'Harès (dans l'ouest de la Cisjordanie)
afin d'aider à la cueillette des olives; l'intervention de ses
militants au mois de juin 2001, aux côtés des résidants
palestiniens, dans le village d'Al-Khader (près de Bethléem) où
ils s'opposèrent aux tentatives d'expansion illégales de
l'implantation voisine d'Efrat; en août 2001, sa présence dans les
manifestations de protestation déclenchées à Jérusalem-Est à la
suite de la fermeture de la Maison d'Orient (qui abritait la représentation
de l'Autorité Palestinienne à Jérusalem); en septembre 2001, sa
participation à l'action visant à empêcher l'expulsion de 118
Palestiniens habitant des grottes dans la région montagneuse située
au sud d'Hébron; sa présence à la manifestation organisée le 3
avril dernier à A-Ram (près du poste de contrôle bloquant la
route de Jérusalem à Ramallah) où 3.000 Juifs et Arabes israéliens
protestèrent contre l'opération «Rempart» et furent arrosés de
gaz lacrymogènes par l'armée; le 8 mai dernier, la présence de
cinq de ses activistes (dont Uri Avnery) dans Ramallah occupée et
la rencontre de ceux-ci avec Arafat enfermé dans son quartier général
de la Muqata. Parmi les autres activités de Gush Shalom, il faut
mentionner: l'envoi, plusieurs fois par semaine, de messages par
e-mail en langue anglaise à des correspondants du monde entier, les
informant de tout ce qui touche au camp de la Paix et à ses
initiatives, et leur fournissant aussi des traductions d'articles
importants parus dans la presse hébraïque; la publication fréquente
de communiqués payants dans le quotidien Ha'aretz; la diffusion de
cartes démystifiant la légende de l'«offre généreuse»
qu'aurait faite Barak aux Palestiniens à Camp David en été 2000;
la publication, en avril 2001, d'un document intitulé «80 thèses
pour un nouveau Camp de la Paix», contenant une analyse approfondie
de la faillite du processus de paix et l'énoncé des objectifs que
devrait se fixer désormais le Camp de la Paix; la tenue, en janvier
2002, d'un Forum sur les crimes de guerre; plus récemment, l'envoi
d'avertissements à un certain nombre de soldats et d'officiers
ayant commis de tels crimes dans les Territoires palestiniens, avec
menace de les dénoncer au Tribunal Pénal International (cette
dernière initiative, rendue publique début août 2002, a donné
lieu à une véritable «chasse aux sorcières» menée par la
droite israélienne et par plusieurs ministres contre Gush Shalom).
Il convient de citer
ici quatre organisations de défense des droits de l'homme, a priori
apolitiques, mais dont les activités recoupent largement celles de
la gauche pacifiste. Ce sont: B'Tselem («Centre d'Information sur
les Droits de l'Homme dans les Territoires Occupés»), HaMoked («Centre
pour la Défense de l'Individu»), l'association des «Médecins
pour les Droits de l'Homme» et le «Comité Public contre la
Torture en Israël» (dont le sigle anglais est PCATI).
B'Tselem,
créé en 1989 (durant la première Intifada) et animé notamment
par des hommes politiques et des membres des professions libérales,
s'efforce de lutter, au sein de la société israélienne, contre
l'occultation de ce qui se passe dans les Territoires occupés. Au
fil des années, cette association a publié un grand nombre d'études
très documentées sur des sujets tels que: la démolition et le
scellage de maisons, en tant que mesure punitive; le fonctionnement
du système de justice militaire en Cisjordanie; l'usage des armes
à feu par les forces de sécurité; les méthodes d'interrogation
utilisées contre les détenus; les exécutions extrajudiciaires;
l'expulsion de militants palestiniens; les exactions des colons; l'éviction
progressive des Palestiniens de Jérusalem-Est; la séparation des
familles palestiniennes. Depuis le début de la seconde Intifada,
B'Tselem continue à dénoncer au quotidien les violations des
droits de l'homme commises par les autorités israéliennes.
L'association a été particulièrement active au moment de l'opération
«Rempart» (mars-avril 2002) qui a abouti à la réoccupation des
villes autonomes de Cisjordanie. Elle a dénoncé les abus de toutes
sortes (assassinats de civils, utilisation de boucliers humains,
saccages, vols...) commis au cours de cette opération. Elle a
participé à des collectes de nourriture et de moyens d'assistance
divers au bénéfice des populations palestiniennes. Au cours de la
bataille de Jénine, elle est intervenue auprès des autorités israéliennes
pour que la circulation des ambulances soit autorisée; ses représentants
sur place ont également servi d'intermédiaires dans les négociations
engagées entre les forces israéliennes et des combattants
palestiniens afin d'arrêter l'effusion de sang. Elle est par
ailleurs intervenue auprès de la Cour suprême d'Israël afin que
soit mis un terme aux conditions de détention et d'interrogation
inadmissibles des prisonniers palestiniens massivement détenus au
camp militaire d'Ofer.
HaMoked,
fondé en 1988, se met à la disposition de tous les Palestiniens
des Territoires occupés (y compris Jérusalem-Est) pour fournir une
aide gratuite, sur le plan administratif et juridique, à tous ceux
qui sont victimes d'atteintes aux droits de l'homme de la part des
autorités et des forces de sécurité israéliennes. Son champ
d'action inclut notamment les domaines suivants: Défense des droits
des détenus palestiniens, recherche de personnes arrêtées et
supposées être détenues, arrangement de visites des familles aux
prisonniers; réunion des familles dispersées; liberté de
mouvement à l'intérieur des Territoires occupés et vers l'étranger;
actions légales à mener contre les militaires et policiers israéliens
coupables de violences et de destruction de biens; restitution aux
familles des corps de Palestiniens tués en Israël. Depuis le début
de la seconde Intifada, le rôle de cette organisation est devenu
encore plus important, certains problèmes (comme celui de la liberté
de mouvement, entravée par les bouclages généralisés) s'étant
considérablement aggravés.
L'association des «Médecins
pour les Droits de l'Homme», née elle aussi en 1988, se
donne pour tâche d'apporter des soins médicaux à la population
palestinienne, ainsi que d'intervenir auprès des autorités israéliennes
contre toutes les discriminations dont souffre cette population sur
le plan de la santé publique. Elle organise des équipes de
volontaires (médecins et infirmières) qui se rendent dans les
villages et les camps de réfugiés pour apporter une aide médicale
(consultations, distributions de médicaments) aux habitants qui en
ont cruellement besoin. Elle ne cesse de protester contre les
restrictions apportées au transfert des malades, et parfois des
femmes sur le point d'accoucher, vers les hôpitaux et à la
circulation du personnel médical dans les Territoires occupés.
Lors de l'opération «Remparts», elle a vigoureusement dénoncé
les destructions infligées à plusieurs hôpitaux par les forces
israéliennes, ainsi que les entraves mises par celles-ci à
l'activité des médecins et à l'évacuation des blessés.
Le PCATI
a été fondé également au cours de la première Intifada afin de
lutter contre la torture systématiquement pratiquée, à l'époque,
à l'égard des détenus palestiniens. Il a réussi à obtenir de la
Cour Suprême d'Israël, en septembre 1999, une décision
interdisant l'usage de la torture lors de l'interrogation des
prisonniers (toutefois, on a pu constater récemment que cet usage
avait été repris, notamment à la suite des arrestations massives
effectuées au cours de l'opération «Rempart»). Par ailleurs, le
PCATI intervient régulièrement auprès des autorités judiciaires
pour défendre les droits des détenus et en particulier pour qu'ils
aient accès à un avocat dès le début de leur incarcération.
Toutes ces
organisations israéliennes de défense des droits de l'homme
collaborent avec leurs homologues palestiniennes (Al-Haq,
LAW, l'«Union des Comités Palestiniens
d'Aide Médicale», ainsi que le «Centre
Palestinien des Droits de l'Homme» de Gaza).
Le développement des
mouvements d'objecteurs de conscience constitue à la fois un symptôme
et un moteur de l'évolution d'une partie de l'opinion publique israélienne.
Le plus ancien d'entre eux est Yesh Gvul («Il
y a une limite»), fondé en 1982 pour apporter son aide
aux objecteurs de la guerre du Liban. Il fut très actif également
au cours de la première Intifada. Depuis le début de la seconde,
il soutient les centaines de réservistes et de conscrits
(couramment appelés «refuseniks») qui refusent de prendre part à
la répression dans les Territoires occupés. Un certain nombre
d'entre eux réussissent à «s'arranger» avec leurs supérieurs hiérarchiques
dans l'armée pour se faire affecter en Israël même ou se faire réformer
pour raisons «médicales» ou «psychologiques». Mais d'autres n'échappent
pas à la prison. La peine qui leur est infligée est en général
de 28 jours d'emprisonnement, mais dans certains cas elle est
renouvelée à deux ou trois reprises. Le nombre des objecteurs
incarcérés a été de 130 entre le début de la seconde Intifada
et la mi-juin 2002; il a atteint un pic (plus d'une soixantaine) en
avril dernier durant l'opération «Rempart». Yesh Gvul anime des
campagnes de soutien en faveur des «refuseniks» (notamment en
multipliant les communiqués de presse) et tient régulièrement des
manifestations de solidarité devant les prisons militaires. Ce
mouvement mène également une propagande active, parmi les soldats
et les futurs conscrits, en faveur de l'objection de conscience.
Une autre
association, «Nouveau Profil», qui s'assigne des
tâches similaires, est née pendant la seconde Intifada. La différence
entre les deux mouvements est que «Nouveau Profil» regroupe des
objecteurs qui non seulement refusent de servir dans les Territoires
occupés, mais qui - pour des motifs éthiques et philosophiques -
rejettent le service militaire en général.
Il faut aussi
mentionner dans ce contexte le collectif des 62 lycéens qui, en
septembre 2001, adressèrent une lettre à Sharon proclamant leur
intention de «refuser de prendre part à l'oppression du peuple
palestinien» et d'appeler tous les jeunes de leur âge, ainsi que
tous ceux qui servent dans l'armée, à les rejoindre dans ce refus.
Le nombre de ces lycéens contestataires s'est rapidement accru au
fil du temps: il a atteint près de 150 en avril dernier.
Enfin, il convient de
citer les 56 officiers et soldats de réserve
appartenant à des unités de combat qui, le 25 janvier dernier,
publièrent dans Ha'aretz une déclaration affirmant: «Nous
comprenons aujourd'hui que le prix à payer pour l'occupation, c'est
la perte de l'image humaine de notre armée et la corruption de la
société israélienne tout entière;... nous proclamons que nous ne
nous battrons plus dans une guerre menée dans le seul intérêt des
implantations créées dans les Territoires occupés. Nous ne
participerons plus au-delà de la Ligne Verte [qui sépare Israël
des Territoires] à un combat mené dans le but de dominer, de
chasser, d'affamer et d'humilier un peuple entier.» Un sondage
publié dans le quotidien Yediot A'haronot du 3 février a
révélé que ce mouvement, qui s'est intitulé «Le courage de
refuser», bénéficiait de la sympathie de 26% de la population
israélienne (proportion remarquable, eu égard au véritable culte
dont l'armée a toujours été l'objet en Israël). Il faut ajouter
que ces hommes ont été rejoints au cours des mois suivants, dans
leur attitude de refus, par plus de 400 de leurs camarades.
Dans le combat pour
la paix et la justice, les femmes tiennent également un rôle
important. Citons notamment les «Femmes en noir»
qui, depuis 1987, se rassemblent chaque vendredi en début d'après-midi
sur une place du centre de Jérusalem (la fameuse place de France)
pour protester silencieusement contre l'occupation des Territoires
palestiniens, brandissant leurs pancartes et bravant les insultes
voire les agressions physiques de la part des adeptes de l'extrême-droite;
elles ont entre-temps fait des émules dans de nombreuses autres
villes d'Israël, voire dans la Diaspora juive. Le mouvement des «Quatre
Mères» - qui avait joué un rôle décisif dans la
campagne visant à faire sortir l'armée israélienne du Sud-Liban -
a engendré ou inspiré, depuis le début de la seconde Intifada,
une série d'autres associations de femmes militantes: l'une d'elles
s'intitule «La cinquième Mère», une autre «Les
huit Grands-mères»; il y a aussi le groupe Re'ot
(«Amies») formé par les épouses et compagnes
des objecteurs de conscience. Citons encore le mouvement Bat
Shalom («Fille de la Paix») qui depuis
des années œuvre au rapprochement entre femmes juives et
palestiniennes, ainsi que l'«Organisation des Femmes pour
les Prisonnières politiques», créée en 1988, qui
apporte son aide aux détenues politiques palestiniennes. L'ensemble
des mouvements pacifistes féminins s'est rassemblé en décembre
2000 pour former la «Coalition des Femmes pour une Paix
juste» qui, dès lors, a participé à de nombreuses
manifestations, y compris dans les Territoires occupés.
Il existe également,
au sein du Camp de la Paix, plusieurs associations religieuses: Netivot
Oz («Sentiers de la Force») se place sur
les mêmes positions politiques que «La Paix Maintenant» et fait
partie de la «Coalition pour la Paix» formée autour de ce
mouvement. Il convient d'évoquer aussi la très active association
des «Rabbins pour les Droits de l'Homme» qui
regroupe une centaine de rabbins appartenant à tous les courants du
judaïsme religieux et ayant en commun le souci de préserver les
valeurs éthiques qui en constituent l'héritage le plus précieux.
Entre autres initiatives, ces rabbins ont entrepris à l'occasion de
la Fête juive du Nouvel-An des Arbres (Tou Bish'vat), en janvier
dernier, de planter des dizaines de milliers d'arbres dans les
Territoires palestiniens afin de remplacer ceux qui avaient été déracinés
par l'armée et les colons.
Le mouvement Ta'ayush
(terme arabe qui signifie «Partenariat»), créé en novembre 2000,
mérite une mention spéciale. Il regroupe des Juifs et des Arabes
israéliens qui se sont donné pour principale tâche d'organiser
des convois afin de faire parvenir une aide (vivres, médicaments, vêtements,
couvertures, etc.) dans les villes et villages isolés des
Territoires palestiniens, et cela en dépit des barrages de l'armée
et des fréquentes agressions des colons. En même temps, Ta'ayush
lutte contre la discrimination dont est victime la population arabe
d'Israël.
On ne peut manquer de
citer également le «Centre d'Information alternatif»,
animé par l'infatigable militant Michel Warschawski
et qui (contrairement à ce que son appellation pourrait laisser
croire) est particulièrement actif sur le terrain depuis de longues
années. Mentionnons encore, parmi les groupes les plus militants:
le «Comité contre les Démolitions de Maisons»;
le mouvement d'étudiants et d'enseignants universitaires Hakampus
lo shotek («Le campus ne se tait pas»);
le Hadash (parti communiste, qui regroupe surtout
des adhérents arabes); les Jeunes du Meretz (plus
radicaux que leurs aînés du même parti). Il est impossible de
donner une liste exhaustive des mouvements pacifistes israéliens
qui ont poussé comme des champignons depuis le début de la seconde
Intifada, dont les objectifs sont largement identiques et qui, le
plus souvent, collaborent étroitement entre eux.
Il y a lieu de
souligner également que, parmi les hommes et femmes du Mouvement
de Solidarité internationale (les «Internationaux»,
comme on les appelle généralement) qui se rendent dans les
Territoires pour apporter leur protection à la population
palestinienne, il y a entre autres des Israéliens; ainsi, Neta
Golan (une femme de Tel-Aviv) est demeurée présente au
quartier général d'Arafat pendant toute la durée du siège imposé
par l'armée israélienne lors de l'opération «Rempart».
Pour compléter ce
bilan de l'action du Camp de la Paix, il nous faut encore mentionner
les Israéliens qui agissent à titre individuel, en dehors des
mouvements organisés: En particulier les centaines d'intellectuels,
écrivains artistes, membres des professions libérales, hommes et
femmes politiques, qui signèrent le 21 septembre 2001, avec un
certain nombre de leurs homologues palestiniens, un texte d'une page
entière dans Ha'aretz, réclamant l'envoi d'une force
internationale pour la protection du peuple palestinien; ajoutons
qu'un appel dans le même sens fut adressé aux Nations Unies en
mars dernier par 700 personnalités israéliennes. Il y a aussi les
avocats qui défendent les prisonniers palestiniens, les
journalistes qui cherchent à faire connaître toute la vérité sur
ce qui se passe dans les Territoires occupés, les enseignants qui
se battent pour la justice...
Comme nous l'avons
dit d'entrée, le Camp de la Paix demeure minoritaire en Israël en
dépit de sa détermination et de son dynamisme. Néanmoins, les idées
qu'il défend font leur chemin au sein de la population: Selon un
sondage publié en mai, environ 60% des Israéliens sont favorables
à un retrait unilatéral des Territoires palestiniens, au démantèlement
de la plupart des implantations, à l'envoi d'une force
internationale sous l'égide des États-Unis et à une solution
politique négociée, acceptable pour les deux parties.
Et cependant, une
nette majorité d'Israéliens continue à faire bloc derrière
Sharon dont les visées sont diamétralement opposées aux idées
exposées ci-dessus. Comment interpréter cette contradiction? Dans
un récent article, Uri Avnery pose ironiquement la
question: Israël serait-il donc le seul pays au monde dont la
population compterait plus de 100% d'habitants?
Avnery explique comme
suit ce phénomène paradoxal: La propagande gouvernementale a réussi
à persuader la majorité des Israéliens qu'«il n'y pas de
partenaire [palestinien] pour la paix». Dès lors qu'il n'y a
personne avec qui négocier, inutile de changer l'équipe dirigeante
en Israël...
Peut-être est-il
pertinent de formuler deux explications supplémentaires: D'une
part, le peuple israélien a depuis toujours les yeux fixés sur les
États-Unis d'Amérique. Or, jusqu'à présent, l'administration
Bush a accordé à Sharon un appui presque illimité. Pourquoi donc
les Israéliens lâcheraient-ils un leader pleinement soutenu par
les Américains?
D'autre part et
surtout, il paraît évident qu'au sein de la gauche israélienne il
n'existe pas actuellement de personnalité capable de prendre la
place de Sharon. La trahison des leaders du parti travailliste -
Shimon Peres, qui a accepté de mettre son prestige international au
service d'une politique détestable, et Benyamin Ben Eliezer,
ministre de la Défense et candidat à la direction du parti, devenu
le principal complice de Sharon dans la répression
anti-palestinienne - rend aléatoire toute perspective d'alternance
pour un futur proche.
Et pourtant, la
perspective que propose Sharon à son peuple est parfaitement
utopique et absurde: celle d'un pays transformé en ghetto armé,
farouchement accroché à ses conquêtes, éternellement en guerre
et éternellement victorieux. En face, ceux qui se battent pour la
justice et la paix défendent en même temps une vision réaliste de
l'avenir de leur pays, revenu à ses frontières légitimes et
vivant en harmonie avec ses voisins. C'est pourquoi il est du devoir
de tous les amis véritables d'Israël - et au premier chef des
Juifs de la Diaspora animés d'un sentiment de solidarité légitime
à l'égard de ce pays - de se ranger sans réserve aux côtés du
Camp de la Paix et d'apporter leur concours plein et entier à son
combat courageux, à la fois sur le plan matériel, intellectuel et
politique.
Paul Kessler préside
la Commission des Droits de l'Homme et Questions Éthiques de la
Société Française de Physique. Cet article doit paraître
prochainement dans la revue «Confluences-Méditerranée»
dirigée par le politologue Jean-Paul Chagnollaud.
Reproduction
interdite © Solidarité-Palestine
|