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Politique
2007,
l'odyssée de l'espèce
Philippe Randa

Philippe Randa
Vendredi 30 novembre 2007 On a donc
frôlé la catastrophe. Non pas durant la dernière semaine de grèves
(en date) qui a paralysé la France, ni à Villiers-le-Bel où
l’on a méchamment canardé quelques pandores en quête de leur
quota de résultats quotidiens.
Non, le clash a failli venir d’outre-méditerrannée où le
ministre des Moudjahidine (anciens combattants), Mohammed-Chérif
Abbas, a évoqué dans un entretien au quotidien algérien Al
Khabar le soutien d’un « lobby juif » à l’élection de M.
Sarkozy et les origines du chef de l’État français, avant de
« nuancer ses propos, sans toutefois les démentir. »
Le président Bouteflika a heureusement téléphoné à son
homologue français pour lui assurer que « les déclarations
du ministre algérien des anciens combattants “ne reflétaient
en rien la position de l’Algérie”. » Ouf, on respire !
Nicolas Sarkozy a donc jugé l’incident clos et annoncé qu’il
se rendrait en Algérie « en ami ». Lui qui aime tant se déplacer
à l’étranger aurait sans doute été très contrarié de ne
plus pouvoir visiter un si beau pays.
Par ailleurs, Abdelaziz Bouteflika a désavoué jeudi son
ministre, soulignant que « la politique extérieure de l’Algérie
» relève de son domaine réservé ou du ministre des Affaires étrangères
», à l’exclusion de tout autre membre du gouvernement.
À ce jour, ce rappel à l’ordre gouvernemental clôt lui aussi
« l’incident » en Algérie où Mohammed-Chérif Abbas est
toujours au gouvernement.
On voit bien, décidément, que l’Algérie n’est pas la
France, même si elle l’a un peu été dans le temps. Chez nous,
un ministre qui se risquerait à de tels propos, aussitôt qualifiés
de dérapages, verrait le ciel citoyen lui tomber aussitôt sur le
crâne. Peu s’y sont risqués, à l’exception notable d’un
de nos anciens Premier Ministre, ce qui n’est pas rien tout de même.
Raymond Barre, en effet, fut attaqué, sinon par l’hypothétique
« lobby juif » du moins par (dixit l’intéressé) « le lobby
juif de gauche ». Il ne s’en défendit pas moins comme un beau
diable (mais ne l’était-il pas devenu ?), refusant jusqu’à
son dernier souffle de plier devant ses détracteurs.
À Jean Robin, d’origine juive, auteur et éditeur du
remarquable livre La Judéomanie, qui lui avait témoigné sa
sympathie, il avait écrit : « Je vous remercie, cher
Monsieur, de votre lettre de soutien à l’occasion des attaques
dont je suis l’objet. Elles ne m’impressionnent pas et je dénoncerai
“le lobby juif de gauche”, qui interprète tendancieusement
tous mes propos qui touchent de près ou de loin à la doctrine
qu’ils veulent imposer.
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre livre : La Judéomanie.
Vous avez raison : elle nuit aux Juifs, elle nuit à la République.
Elle suscite l’antisémitisme.
Je ne suis pas étonné que votre manuscrit ait été refusé par
les maisons d’édition. Elles connaissent le danger...
Pour le moment, il n’y a pas grand chose à faire depuis que
Jacques Chirac – à l’inverse de tous les Présidents de la République
depuis De Gaulle – a reconnu la responsabilité de l’État
français à l’égard des épreuves subies par la communauté
juive, ce que vous avez écrit à ce sujet, je l’approuve entièrement.
Attendons que l’Histoire se prononce...
Veuillez croire à mes sentiments les meilleurs.
Raymond Barre. »(1)
J’ignore pour ma part si un « lobby juif » a voté ou non pour
monsieur Sarkozy, malgré les déclarations en décembre 2006 dans
le quotidien israélien Haaretz du ministre de l'Aménagement du
territoire d’alors, Christian Estrosi, qui assurait que «
Sarkozy est le candidat naturel des électeurs juifs ». Je
l’ignore, même si je ne peux que constater que les Juifs que je
connais, amis ou simples relations, ont tous voté pour lui, même
les plus engagés à gauche et sans que cela les dérange plus que
cela.
Je m’en fiche complètement, et pourquoi pas si ça leur chante,
c’est leur droit, après tout !
Ce qui m’étonne, toutefois, c’est la différence de
traitement entre certaines origines.
Quand Jean-Marie Le Pen parle des origines hongroises de monsieur
Sarkozy, c’est le tollé ! Quand un Algérien indique les
origines juives du même, c’est l’incident diplomatique !
Serait-il donc si honteux que cela d’avoir eu des parents
hongrois ou juifs qu’il faille le cacher ?
En revanche, à chaque occasion, on rappelle avec fierté les
origines de mesdames les ministres et secrétaires d’État Amara,
Dati et Yade ou de messieurs les champions de tennis ou de
football Noah et Zidane, pour ne citer que ceux-là !
Il semble tout de même y avoir deux poids deux mesures chez les sévères
garde-chiourmes de l’antiracisme, non ? Note
(1) La reproduction de la carte de visite de Raymond Barre,
reproduite dans le catalogue de vente par correspondance Francephi
diffusion (BP 58 – 77522 Coulommiers cedex ; disponible sur
simple demande), est visible sur le site des éditions Tatamis
(www.tatamis.fr) et dans les librairies Primatice.
© Les chroniques de
Philippe Randa sont libres de reproduction à la seule condition
que soit indiquée leurs origines, c’est-à-dire le site
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