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Politique
Quand
passe la caravane Libyenne
Philippe Randa
Philippe Randa
Jeudi 13 décembre 2007 Il y a
comme cela des visites plus dérangeantes que d’autres. Celle du
leader libyen fait couler beaucoup d’encre, donnant matière à
copie aux journalistes, permettant à l’opposition de
s’offusquer à bons comptes et à une secrétaire d’État de
rappeler qu’elle existe… un peu ! Tout le monde y trouve son
compte, finalement.
Les hypocrites piaillent, mais la caravane libyenne passe.
En l’occurrence, Nicolas Sarkozy fait preuve d’un remarquable
pragmatisme et on ne peut que l’en féliciter… Quand il
explique que Mouammar Kadhafi « a renoncé à l’arme nucléaire
(...), renoncé au terrorisme (...), indemnisé les victimes des
attentats de l’UTA et de Lockerbie », qu’il a « la
conviction que la France doit parler avec tout le monde en tenant
fermement le discours des valeurs qui sont les siennes »,
rappelle « que les chefs d’État et gouvernement du monde
entier n’ont guère hésité à se rendre à Tripoli ces quinze
dernières années » et que Mouammar Kadhafi « n’est
pas perçu dans le monde arabe comme un dictateur », on peut
ou non être d’accord avec de tels propos ou être ou non
convaincu de la sincérité du leader africain… mais quand il
ajoute que celui-ci est « le plus ancien des chefs d’État
de la région et dans le monde arabe, ça compte », cela
balaie à l’évidence toutes les critiques possibles sur sa
venue en France.
Que le dirigeant libyen ne soit pas un grand démocrate,
aujourd’hui davantage qu’hier, est une évidence, mais
faudrait-il encore s’entendre sur la notion de « démocratie »
: les gouvernements actuels en Afghanistan ou en Irak sont-ils
davantage que celui de la Libye issus d’élections libres et de
majorité populaire… ou imposés et maintenus à la tête de
leur pays par une armée étrangère à bannière étoilée ? Que
sont d’autres les présidents afghan Hamid Karzaï et irakien
Jalal Talabani, pour ne citer que ces deux-là, sinon des pantins
à la solde yankee ? On les a pourtant reçus en grandes pompes à
l’Élysée… et non en « grands coups de pompes », bien
perdus à cette occasion !
Les belles consciences à géométrie variable reprochent également
au colonel Kadhafi de légitimer le terrorisme, ou tout au moins
de le comprendre, quand il déclare que « les superpuissances
ont violé la légitimité internationale, le droit international
et les Nations unies, et ont exécuté leurs décisions en dehors
de ce cadre et (qu’)il est (donc) normal que les faibles aient
recours au terrorisme »… N’est-ce pas là un discours
que toutes les guérillas communistes ont tenus des décennies
durant et que les guérillas actuelles, généralement «
progressistes », tiennent encore et toujours ?
Les mêmes qui s’étranglent contre la présence sur notre sol
du colonel Mouammar Kadhafi ont en général pour ces « bons
terroristes-là » quelques compréhensions, voir même beaucoup
plus si affinités…
Pourquoi élit-on un Président de la république ? Pour donner
des leçons de morale au Monde entier ou pour améliorer le sort
de ses compatriotes ?
En recevant cette semaine le Guide de la grande révolution de la
Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste (ouf !)
– titre plus généralement raccourci en « frère guide »
(merci !) –, Nicolas Sarkozy – et il ne s’en cache pas –
applique cette évidence, émise en son temps par Louis XIV : « La
France n’a pas d’ami ou d’ennemi, elle a seulement des intérêts
! »
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