Marche internationale pour Gaza
Marche immobilisée
Guy M.
Hedy Epstein,
en grève de la faim pour la liberté de Gaza
Mercredi 30 décembre 2009
À 85 ans, on a un appétit de
petit oiseau, c’est bien connu. On chipote et on picore par-ci
par-là... Mais cela ne rend pas plus facile de commencer une
grève de la faim.
Hedy Epstein, née en 1924 dans une
famille juive, a quitté l’Allemagne en mai 1939 dans un convoi
d’enfants en direction de la Grande-Bretagne. Elle y a survécu
alors que ses parents étaient déportés à Auschwitz, où ils sont
morts. Elle a émigré aux Etats-Unis en 1948.
On peut supposer que cette rescapée de
l’Holocauste possède un solide appétit de liberté et de justice.
On la rencontre parmi les militant(e)s pour le droit à un
logement décent, pour la liberté de l’avortement, et pour la
paix. Ce sont les récits des massacres commis par l’armée
israélienne à Sabra et Chatila, en 1982, qui l’ont amenés à
étudier de plus près le conflit israélo-palestinien et à prendre
position. Après un premier voyage dans les territoires occupés
en 2003, son témoignage fut sans doute jugé suffisamment
inopportun par les autorités israéliennes pour qu’elles tentent,
lors de son voyage suivant, en 2004, le grand jeu de
l’intimidation et de l’humiliation. Les agents de la sécurité, à
l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv, l’obligent à se dévêtir
totalement (strip search) et la soumettent à
une fouille manuelle complète (body cavity
search).
Hedy Epstein
raconte, dans un entretien [1]
avec Silvia Cattori : Jamais
je n’avais ressenti une telle colère, qu’après ce qui m’était
arrivé en janvier 2004 à l’aéroport de Tel Aviv, à moi et à
l’amie qui voyageait avec moi. Une fois dans l’avion, encore
pleine de rage, j’ai écrit sur chacune des pages des magazines
fournis par la compagnie : « Je suis une survivante de
l’Holocauste et je ne retournerai jamais en Israël ». Parfois,
j’appuyais si fort mon stylo sur les pages qu’elles se
déchiraient. C’était une manière d’évacuer ma colère.
Le coup avait porté. La flicaille et la
soldatesque de tous les pays du monde savent que les atteintes à
la dignité humaine portent immanquablement. Mais Hedy Epstein
est retournée en Israël et en Palestine, quand elle a pu
estimer, dès l’été 2004, que "c’était, à ses
yeux, la juste chose à faire ; témoigner et faire savoir aux
Palestiniens qu’il existe, à l’extérieur, des gens qui sont
suffisamment préoccupés par leur sort, pour revenir et se tenir
à leurs côtés dans leur lutte contre l’occupation israélienne."
Depuis cette date, elle a fait un voyage par an.
Aujourd’hui, elle est au Caire, et hier, avec d’autres
participants de la Marche de la liberté pour
Gaza, elle s’est installée sur une chaise devant les bureaux
des Nations Unies, et a entamé une
grève de la faim pour protester contre l’interdiction de
cette marche par les autorités égyptiennes.
Comme un groupe de 300 marcheurs immobilisés se
sont regroupés sur le trottoir devant l’ambassade de France au
Caire, nos journaux commencent à découvrir cette manifestation,
et les obstacles rencontrés. Peut-être ont-ils attendu d’avoir
des images ?
Curieusement, c’est sur
Le
Quotidien du Peuple en ligne que l’on peut trouver la
position des dirigeants égyptiens après ce
sit-in devant l’ambassade de France.
L’Egypte a critiqué lundi les militants français
qui ont manifesté devant l’ambassade de France au Caire. Ces
activistes ont demandé d’entrer dans la bande de Gaza via Rafah
pour participer à une marche de solidarité avec le peuple de
Gaza. Ces activistes n’ont pas tenu leur engagement car ils sont
entrés en Egypte avec des visas touristiques et ont mené des
activités politiques en organisant un rassemblement qui viole
les conditions d’entrée, a indiqué Hossam Zaki, porte-parole du
ministère égyptien des Affaires étrangères, cité par l’Agence de
presse égyptienne MENA.
Je ne savais pas qu’il
existait des visas pour "activités politiques"...
Pour se faire une idée des manœuvres dilatoires des forces de
sécurité égyptiennes, rien ne vaut ce témoignage direct de deux
participants qui, dans un courriel daté du 28 décembre au soir,
racontent leur voyage en direction de la frontière...
Dès le matin
nous faisons un aller retour entre les 2 hôtels où est réparti
notre groupe. Les campeurs sont toujours devant l’ambassade et
leurs bus au dépôt avec interdiction de sortir. Nos bus ne sont
pas dans cette situation et doivent partir vers 14h pour El
Arish. La consigne est d’être discret pour rejoindre le point de
départ. Comment être discret à 50 personnes avec sacs à dos et
appareils photos ? Outre les policiers en civil qui veillent sur
le troupeau, les cairotes sont tous sur le pas de leurs
boutiques pour assister au départ ! À 15h le bus démarre !
(...) 5 bus sont sur la route
avec 200 personnes à bord : des français, des belges, des grecs,
des indiens (d’Inde), des américains et un suisse, tous calmes
et déterminés à dénoncer le blocus de Gaza, l’impunité d’Israël
et la complicité de la Communauté Internationale. Florent au
micro nous rend compte régulièrement des contacts entre les bus.
Très vite, il faut déchanter, les deux premiers bus sont arrêtés
par la police de la route, nous dit-il.
Le convoi que nous formons avec 2 autres bus est
lui aussi stoppé à une vingtaine de kilomètres du Caire. Un
monsieur en costume et cravate, un téléphone sur chaque oreille,
semble très occupé à ne pas nous laisser aller plus loin.
(...)
(...) Au bout
d’une heure, on annonce un colonel. Il arrive dans son uniforme
à boutons dorés, et ajoute à ses décorations, lui aussi, un
téléphone en pendentif à chacune de ses oreilles. Le chauffeur
du bus nous explique que c’est monté très haut, on parle du chef
des services de renseignement... du ministre peut être.
Entre temps des nouvelles arrivent de
l’ambassade de France : les personnes qui ont passé la nuit sur
le trottoir sont dans une situation bien pire que la nôtre.
Trois solutions leur sont proposées : passer une nouvelle nuit
sur le trottoir et être reconduite le lendemain à l’aéroport,
être reconduites immédiatement à l’aéroport, ou encore être
confinées jusqu’à leur avion de retour, au lycée français du
Caire mis à disposition par l’ambassade.
Dans notre bus sur le bord de l’autoroute, nous
avons au moins l’impression d’avoir bougé, mais si peu ... Nous
essayons de gagner du temps pour permettre aux médias d’être sur
place et de rendre compte de la situation. Au bout de deux
heures, les services se font plus autoritaires et intiment
l’ordre aux chauffeurs de bus de nous reconduire au Caire à nos
hôtels. Toujours calmes et après quelques échanges entre les 5
bus (vive le portable...) nous nous plions à cette exigence, et
décidons de convoquer la presse pour notre retour.
Demi tour donc avec amertume bien sûr mais une
visibilité attendue à l’arrivée. Nous sommes escortés par un
véhicule de police, qui surveille de près notre itinéraire.
(...)
A.P
& P
Il est
fort probable que la visite au Caire de Benjamin Netanyahu, venu
s’entretenir avec le président égyptien Hosni Moubarak, aura
conduit aujourd’hui les forces de l’ordre à restreindre
davantage encore les déplacements des marcheurs.
PS : La pétition demandant à monsieur Kouchner
d’intervenir auprès des autorités égyptiennes a recueilli 3 438
signatures. Pour ajouter la vôtre, cliquez sur l’image
ci-dessous :
escalbibli.blogspot.com
[1]
À signaler un autre entretien, mais en anglais, sur
Counterpunch.org réalisé en 2007
Dossier marche internationale pour Gaza
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